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Ulysse (Odysseus)
Si l’on laisse de côté Héraclès qui incarne la théorie du chemin de purification/libération, Ulysse peut être considéré comme le symbole du plus avancé des chercheurs de vérité dans la progression spirituelle décrite par les maîtres de sagesse de la Grèce ancienne.
Il représente celui qui a réalisé la libération en l’esprit (il est devenu libre de la peur, du désir et de l’ego, puisqu’il est « personne » comme le dira Ulysse au Cyclope Polyphème), ainsi que la psychisation de l’être, et qui est également parvenu à un stade avancé dans l’ascension des plans de conscience puisqu’Homère dit de lui « que sa pensée l’égale à Zeus ».
Le poète explique son nom par sa colère, Odysseus « l’ulcéré », ce que nous avons interprété comme un chercheur « ulcéré » de ne pouvoir agir dans l’exactitude du fait de sa propre imperfection.
Avec les lettres structurantes Δ+ΣΣ, son nom est le symbole du chercheur qui travaille à « l’union des deux courants, l’un ascendant, l’autre descendant, qui unissent l’esprit et la matière ».
Pour toutes ces raisons, Ulysse devrait logiquement avoir des ancêtres à la fois dans la branche de la purification-libération et dans celle de l’ascension des plans de conscience.
Bien que nous l’ayons positionné sur les planches généalogiques dans la lignée de Japet en raison de son ascendance maternelle (Maia), nous pencherions davantage pour le situer dans la lignée arcadienne – même si aucune source à l’exception d’Hygin ne vient confirmer cette ascendance paternelle. En effet, Homère cite le nom de son grand-père Arcisios « celui qui tient bon, qui endure », et ce nom peut être rapproché de celui du héros Arcas « une puissance endurante » qui a la même racine. (Arcisios est fils de Zeus pour Ovide qui ne nomme pas sa mère et fils de Céphale et Procris pour Hygin qui est donc le seul auteur à le relier à Déion.) D’autre part, Ulysse est très souvent nommé par Homère « le héros d’endurance ».
Cette endurance correspond dans cette phase avancée du yoga à l’une des qualités essentielles requises de l’aventurier de la conscience, ainsi que le répète à diverses reprises Sri Aurobindo : Endure and you will triumph (Endure et tu vaincras).
La signification du nom du père d’Ulysse est incertaine : Laërte pourrait signifier « celui qui rassemble le peuple ou l’armée », c’est-à-dire un engagement total dans le yoga qui doit être complet abandon entre les mains de l’Absolu.
Il signifie aussi « fourmi » ou « guêpe », ce qui évoque les Myrmidons, symboles du travail dans les profondeurs jusqu’à la racine de la vie et d’un yoga pour l’humanité.
Ce nom pourrait aussi dériver de λαω « voir », qui associerait la réalisation correspondante à l’état de « voyant ».
Si la filiation paternelle est incertaine (seul Ovide indique Zeus comme son arrière grand-père), la filiation maternelle marque clairement dès Homère une puissante influence du surmental. Le dieu Hermès s’unit à Philonis « celle qui aime l’évolution », fille de Déion (le dernier enfant d’Éole), qui lui donna Autolycos « celui qui est à lui-même sa propre lumière ».
Autolycos peut aussi représenter un stade particulier du développement dans le surmental. En effet, dans l’Agenda de Mère, Tome 3, 15 septembre 1962, Mère explique : « Quelque part dans le surmental (au-dessus du mental supérieur et à partir du surmental), les choses sont lumineuses EN ELLES-MÊMES. Ce n’est plus une lumière qui frappe: les choses sont elles-mêmes lumineuses. Et ça fait une différence très considérable dans la vision. Ce ne sont plus des choses qui sont éclairées du dehors: ce sont les choses qui sont en elles-mêmes lumineuses. C’est ça la plus grande différence de qualité pour la lumière. »
Autolycos s’unit à Amphithéa « tout ce qui concerne le divin intérieur » et engendra une fille Anticlée « l’humilité la plus grande (opposée à l’orgueil spirituel) » et plusieurs fils. Anticlée s’unit à Laërte « l’engagement total de l’être unifié » et lui donna Ulysse (Odysseus).
Par sa filiation, Ulysse, celui qui travaille à réaliser l’unité esprit-matière par la transparence de son être à l’action de la conscience/lumière divine, est donc le résultat d’une grande « endurance » qui permet un engagement total de l’être, œuvrant dans l’humilité la plus grande.
Sa patrie est Ithaque « un élargissement de la conscience de façon juste, droite ». C’est une petite île rocheuse au large de l’Élide, « abrupte et impraticable aux chevaux », c’est-à-dire le lieu d’un yoga ardu dans le travail de libération (Λ) dans lequel la force vitale ne doit pas intervenir.
Sa montagne la plus élevée est le Nérite « immense, infini » en rapport avec la quête « d’élargissement indéfini de la conscience ».
Elle est entourée d’îles habitées, soit de réalisations bien enracinées : la « libération » (Doulichion « l’arrêt de l’esclavage et donc la liberté »), la nature mentale consacrée (Samé) et la nature vitale purifiée qui a vu l’émergence du psychique (Zante « la forestière » comprend dans son nom Kunthos qui est le mont de l’île de Délos).
Pénélope
Pénélope, son épouse, se situe sans ambiguïté dans la lignée royale de Sparte « ce qui est engendré » ou « ce qui surgit », issue de Taygète, le plan du mental intuitif.
La filiation étudiée au chapitre III commence avec Lacédaemon « la divinité qui retentit avec force », c’est-à-dire « le besoin impérieux de la Vérité ». Elle se poursuit avec Amyclas « celui qui doit réaliser l’état sans désir » uni à Diomédée « celle qui a le dessein d’être divine » qui lui donna Kynortès, lui-même père d’Oibalos (deux noms d’origine obscure).
Oibalos s’unit à Gorgophoné « celle qui vainc la peur (qui tue la Gorgone) » laquelle lui donna plusieurs enfants dont Tyndare (nom obscur) et Icarios « l’ouverture vers le juste mouvement de la conscience », père de Pénélope. L’analogie du nom Icarios avec le célèbre Icare (Icarus), le fils de Dédale qui voulait s’élancer vers le supramental (le soleil) par la voie du mental, laisse entendre une aspiration pour dépasser le mental.
Selon Apollodore, la mère de Pénélope est une Naïade, l’une des nombreuses Périboia homonymes représentant « tout ce qui concerne l’incarnation », autrement dit le mouvement pour faire pénétrer l’esprit dans la matière.
Pénélope est donc par son père Icarios la cousine germaine de Castor « la puissance ou pouvoir que confère la maîtrise » ou « une plus grande ouverture à l’intégrité », de Pollux « une très grande douceur » et donc symbole d’une réalisation telle que l’équanimité. Elle est aussi cousine germaine d’Hélène « l’évolution de la liberté » et de Clytemnestre « la plus grande sagesse ».
Toutefois, dans la période concernée ici, postérieure à la guerre de Troie, seul Pollux « une totale douceur, une compassion infinie » a survécu au combat entre les Dioscures et les Apharétides. Hélène est rentrée à Sparte et Clytemnestre, unie à Égisthe, règne sur Mycènes.
Si l’on considère que son nom a été construit avec Παν+Λ+ οψ, Pénélope représente « la vision d’une liberté plus totale ».
Le sens premier du nom est « sarcelle », un oiseau dont nous ignorons le symbolisme en Grèce ancienne. En Extrême-Orient, il représente la fidélité qui est l’une des qualités majeures de Pénélope.
(On pourrait aussi risquer une interprétation qui serait « la vision de la trame vers la liberté » en rapport avec le voile tissé par cette héroïne, et aussi avec « la trame » de la matière corporelle qu’il faut traverser pour évoluer vers une humanité nouvelle.)
Selon Homère, Pénélope avait une sœur, Iphthimé « celle qui est forte, courageuse », femme d’Eumélos « l’harmonie ». Elle résidait à Phères « l’endurance » (Odyssée, IV, 798) : courage, exactitude et endurance sont des qualités indispensables à cette phase du chemin.
Dans toute la suite de cette étude, nous nous réfèrerons à Ulysse comme « le chercheur » en tant que représentant de l’aspect essentiel de la quête – ce qui travaille à réaliser une parfaite transparence pour la circulation des énergies entre l’esprit et la matière – à côté de Ménélas, Nestor, Diomède, Néoptolème, etc.
D’autre part, bien que nous suivions la chronologie du récit, il est important de souligner que nombre de purifications illustrées par les aventures du héros ne s’effectuent pas dans la réalité dans un ordre intangible.