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Dans son aphorisme 76, Sri Aurobindo dit : « l’Europe se vante de son organisation et de son efficacité pratique et scientifique. J’attends que son organisation soit parfaite, alors un enfant la détruira. ».
Quand on a demandé à Mère de commenter cet aphorisme, elle a dit (Agenda, 11 décembre 71) : « Naturellement, ce n’est pas le sol qui sera détruit c’est simplement le pouvoir qui est détruit, parce que la terre, on ne la détruit pas ».
J’ai commencé par cette citation pour vous dire que ce n’est pas du tout le sujet de la conférence. Nous ne nous intéresserons pas à l’Europe sous son aspect de rayonnement dans le monde ou de pouvoir – ou plutôt de perte de pouvoir, ce qui devient de plus en plus évident au fil du temps –, mais plutôt à ce qu’est l’âme de l’Europe ; à sa mission telle que la voyaient les anciens Grecs.
Quelle était sa mission définie il y a près de 5.000 ans, quelle fonction devait-elle remplir dans l’évolution du monde ? Nous allons tenter d’y répondre à la lumière de la mythologie grecque.
Bien sûr on pourrait dire que c’est un hasard si le territoire qu’on appelle aujourd’hui l’Europe a pris ce nom et qu’il n’est pas fondé d’y voir une relation avec la mythologie grecque. Mais nous pensons que le hasard n’existe pas et que ce n’est donc pas un « hasard » si ce territoire s’appelle Europe. Si tout le monde s’accorde pour dire que ce nom vient du mythe d’Europe dans la mythologie grecque, il y a sûrement une raison à cela.
Pour ceux qui ne me connaissent pas, j’ai travaillé pendant près de 30 ans à une interprétation de la mythologie grecque, j’ai écrit plusieurs volumes à ce sujet et c’est sur la base de ces recherches que je vais aborder le mythe d’Europe.
Commençons donc par voir ce que raconte le mythe :
Europe était une très belle princesse phénicienne et comme elle était très belle, Zeus, le roi des dieux, en tomba amoureux. Tandis qu’elle se promenait avec ses suivantes sur une plage de Phénicie, Zeus prit la forme d’un magnifique taureau blanc et vint s’allonger à côté d’elle. Europe qui n’était pas méfiante caressa le taureau et monta sur son dos. Zeus entra aussitôt dans la mer et l’emporta jusqu’en Crète. Là, il reprit sa forme divine, sous une apparence humaine, et Europe lui donna deux enfants, Minos et Rhadamanthe.
Voilà le mythe, il est très court et il ne nous dit pas grand-chose, si ce n’est qu’Europe vivait quelque part en Orient – nous verrons tout à l’heure où était la Phénicie –, qu’elle était très belle et que c’était une princesse. On n’en sait pas beaucoup plus.
Quand on étudie la mythologie grecque, on ne peut comprendre un mythe si on ne regarde pas la généalogie dans laquelle ce mythe s’intègre – sinon on peut lui faire dire n’importe quoi comme Freud l’a d’ailleurs fait en prenant le mythe d’Œdipe pour illustrer sa thèse sur la psychanalyse. C’est donc ce que nous allons regarder en premier pour essayer de comprendre où se situe ce mythe.
Il y avait chez les Grecs deux grandes lignées. La première – la lignée de Japet – correspond à l’évolution de la conscience mentale selon les sept plans de conscience que Sri Aurobindo a décrits et que certains connaissent peut-être. Ils sont représentés par les 7 Pléiades. Cette lignée correspond à l’ascension des plans de conscience et c’est dans cette lignée que l’on trouve de grands héros tels Bellérophon, Hector et beaucoup d’autres.
L’autre domaine de travail que Sri Aurobindo nous a indiqué – la lignée d’Océanos à laquelle appartient Europe – illustre un processus de purification/libération qui a pour objectif de purifier les traces de l’évolution qui fut dirigée par la Nature depuis l’origine de la terre.
La progression s’effectue par une série d’innombrables ascensions/purifications, les deux processus étant en partie liés : plus on monte haut, plus on peut descendre pour purifier et libérer.
Avec Océanos, nous sommes dans le processus de purification. Il commence avec Inachos dont le nom veut dire « évolution de la concentration » – notons au passage que tout le processus de purification est basé, selon les Grecs, sur un développement progressif de la concentration.
Le fils d’Inachos, Épaphos, dont le nom signifie « contact du divin », évoque une première expérience spirituelle. Elle se produit quand, par exemple, dans l’enfance, on a une expérience de « ce qui est Réel », une expérience de « Ça existe », quelque chose d’inhabituel et d’extraordinaire qui nous surprend vraiment.
Et c’est cette expérience, ce tout premier « contact avec le Divin » qui, un jour ou l’autre, nous mettra sur le chemin et enclenchera notre progression spirituelle. C’est cette expérience que l’on voudra retrouver avec le mythe de Jason en quête de la Toison d’Or, puis plus tard rendre permanente avec le mythe d’Ulysse.
Par ailleurs, nous pouvons remarquer que dans ce schéma généalogique on aborde aussi l’organisation de la spiritualité dominante selon les différentes régions de l’Antiquité.
La fille d’Épaphos eut des jumeaux, Agénor et Bélos. Le premier s’installa en Phénicie et eut deux enfants, Cadmos et Europe. Le second resta en Égypte et eut lui aussi des jumeaux, Danaos et Égyptos.
Quand il y a des jumeaux dans un arbre généalogique, cela signifie que les deux processus illustrés par leur descendance se produisent simultanément, c’est-à-dire que ce qui se développe avec Bélos se poursuit au même moment dans la descendance d’Agénor.
Avec Bélos, le mythe est relié aux Danaïdes dont vous avez peut-être entendu parler : les Danaïdes étaient des femmes dont le châtiment fut d’essayer de remplir un tonneau percé… indéfiniment. Voyons donc quel est ce mythe.
Cela se passe en ancienne Égypte, à environ 4, 5 ou 6.000 ans d’aujourd’hui. Égyptos a 50 fils et Danaos 50 filles. Dans la mythologie grecque les femmes indiquent des buts et des expériences (ou des réalisations quand elles ont une union avec un dieu) et les hommes représentent les qualités à développer et les pratiques qui permettent d’atteindre ces buts.
Or Égyptos et Danaos représentent une spiritualité qui a atteint sa pleine maturité. Pourquoi sa pleine maturité ? Parce que 50 est le symbole d’une perfection dans le monde des formes. On a donc ici 50 buts ou perfections et 50 pratiques et qualités, c’est-à-dire une totalité de pratiques et de qualités et une totalité d’expériences et de buts spirituels.
Égyptos voulait absolument que ses fils épousent les filles de son frère mais ce dernier n’était pas d’accord. Pour fuir la pression exercée par son frère, il émigra en Grèce avec ses filles. Égyptos le poursuivit avec ses 50 fils et Danaos finit par lui dire qu’il était d’accord pour marier ses filles avec ses fils. Mais, en secret, il donna un poignard à chacune de ses filles et leur ordonna de tuer leur époux pendant leur nuit de noces. Elles le firent toutes, sauf une, Hypermnestra, qui épargna son cousin Lyncée.
Cela nous montre que, dans un temps bref, toutes les pratiques, tous les efforts pour développer certaines qualités, toutes les formes spirituelles avaient été annihilées sauf une. Il ne resta que Lyncée, « le Lynx », qui symbolise la capacité de « voir avec précision », de « discerner » dans tous les détails. Lyncée représente donc le discernement et Hypermnestra, l’intelligence supérieure. Le mythe des Danaïdes indique qu’à ce moment-là, il y eut une complète refondation de la spiritualité.
C’est intéressant parce que c’est exactement ce qui se passe à l’heure actuelle où nous sommes obligés d’entrer dans une refondation de la spiritualité. Sri Aurobindo a écrit un aphorisme à ce sujet : « Brise les moules du passé, mais garde intacts son génie et son esprit, sinon tu n’as pas d’avenir ».
Donc ce qui s’est passé en ancienne Égypte – et le mythe d’Europe se passe au même moment puisque, Agénor et Bélos étant jumeaux, c’est simultané –, on le revit aujourd’hui, 6.000 ans après. Cela veut dire que l’humanité progresse par sauts et qu’à certains moments, il faut faire radicalement table rase des formes anciennes et de quasiment toutes les formes et pratiques puisque ce sont 49 des 50 fils d’Égyptos qui ont été tués, mais pas des buts puisque toutes les filles sont sauves.
Pour ce qui est des Danaïdes, les traditions diffèrent. Dans l’une, elles se remarièrent, indiquant que de nouvelles pratiques s’attellent à ces buts. Dans une autre, la punition des Danaïdes dans le royaume du dieu Hadès montre que ces anciens buts sont incapables de générer de nouvelles pratiques de Yoga. Dans ce dernier cas, ces buts aussi devront donc être renouvelés par la descendance du couple Lyncée-Hypermnestra.
Bien que ce ne soit pas le but de la conférence d’aujourd’hui, signalons la présence de deux grands héros dans cette lignée.
Persée, le vainqueur de la Gorgone, c’est-à-dire le vainqueur de la peur. Et Héraclès qui symbolise le travail général de purification/libération qui commence par le lion de Némée – la victoire sur l’ego – et l’Hydre de l’Herne – la victoire sur le désir. Il y a ainsi douze grands travaux ou accomplissements que les anciens Grecs ont définis comme étant le processus général de purification/libération qui conduit jusqu’à l’apothéose du héros.
Voyons maintenant ce qui se passe dans l’autre branche de l’arbre généalogique, tout en nous rappelant que la mythologie raconte l’histoire du passé, mais aussi et surtout, décrit un processus que chacun de nous doit vivre dans son évolution.
Nous avons vu qu’il s’agissait d’une refondation de la spiritualité. Cela veut dire que la spiritualité égyptienne était basée sur les « pouvoirs » du vital qui ont permis de construire les pyramides, à une époque où l’homme avait des capacités bien supérieures à celles que l’on peut acquérir maintenant. Mais c’était une spiritualité « d’enfance », une spiritualité de foi, un peu comme dans notre Moyen-Âge où la relation à la Nature et à l’unité humaine était davantage mise en avant, une forme de spiritualité sujette à beaucoup de superstitions et un grand manque de discernement.
C’est pour cela qu’il fallait qu’à un moment donné l’humanité évolue vers plus d’individuation par le discernement. Mais qui dit individuation, dit se libérer du troupeau ! Donc la phase dans laquelle nous sommes depuis 12.000 ans est un processus de libération pour sortir de la masse et développer une nouvelle spiritualité. Et Europe fait partie de cette quête.
Revenons aux jumeaux Agénor et Bélos.
La descendance de Bélos indique principalement les buts du processus de libération, tandis que celle d’Agénor illustre les moyens et les obstacles.
Agénor signifie « ce qui met en mouvement » et sa femme Téléphassa « la pureté au loin », but du processus de purification/libération.
Agénor s’installa en Phénicie. Son fils Cadmos, après avoir cherché en vain où avait disparu sa sœur Europe, s’installa en Grèce. Il est l’ancêtre d’Œdipe. Ce n’est pas le but de la conférence aujourd’hui, mais ce qui est le plus intéressant dans le mythe d’Œdipe, c’est l’histoire de ses fils qui parlent de la purification des sept chakras à travers les deux guerres successives de Thèbes. La première vit s’affronter les enfants d’Œdipe, Étéocle et Polynice et se termina par un échec de la reconquête de la cité par Polynice, c’est-à-dire un échec de la purification. La seconde guerre eut lieu dix ans après et fut un succès : elle permit une ouverture progressive de tous les chakras, un par un, et leur rayonnement.
Revenons maintenant à Europe et voyons ce que nous dit le mythe. Puisque c’est une princesse, elle se situe au niveau le plus élevé de ce processus de yoga. Elle représente le but le plus avancé en relation, selon son nom, avec Euru, « vaste » et Ops, « vision ». C’est donc le développement d’une vaste vision, d’un élargissement de la conscience. Son union avec Zeus indique qu’une influence nouvelle issue du plan le plus élevé du mental, le surmental, est apparue dans l’humanité à ce moment-là. C’est une manifestation du Divin qui, considérant à ce moment-là qu’un élargissement suffisant de la vision ou de la conscience avait eu lieu dans l’humanité, entraîna une réorientation de la spiritualité.
Le mythe nous dit qu’Europe était très belle. La beauté, c’est le signe de la Vérité. Les très belles héroïnes de la mythologie grecque indiquent toutes le juste chemin de Vérité qu’il nous faut emprunter. C’est pour cela que Zeus qui est une force située dans le surmental, soutient l’évolution en s’unissant aux très belles femmes qui apparaissent sur le chemin. Il eut ainsi de très nombreuses unions, aussi bien avec des déesses qu’avec des mortelles.
Europe resta en Phénicie. Cette région, qui correspond à une partie de la Syrie, d’Israël et du Liban actuels, était à l’époque un très grand centre économique et spirituel. Elle faisait la liaison entre l’Égypte, la Crète et la Grèce. Nous pouvons supposer qu’il y eut un transfert de la forme de spiritualité dominante depuis la Phénicie vers la Grèce puis plus tard vers l’Italie.
Phénix, dont est issu le nom Phénicie, signifie « pourpre ». Selon Sri Aurobindo, la couleur pourpre exprime la puissance vitale. Cette spiritualité, représentée par Europe, a donc hérité au départ du pouvoir de réalisation vital de la civilisation égyptienne.
Zeus, le plus haut du surmental, se transforma en un magnifique taureau blanc. Selon Sri Aurobindo la vache est le symbole de l’illumination et le taureau, le pouvoir de réalisation du mental lumineux. C’est-à-dire qu’à un moment donné, lorsque le chercheur se situe à la frontière entre l’intellect et le mental supérieur et qu’il a commencé un yoga de purification, le mental s’élargit et le chercheur reçoit une aide – représentée par ce taureau blanc – sur laquelle il peut s’appuyer.
Europe s’unit à Zeus et lui donna deux enfants, Minos et Rhadamanthe. Leur première action fut de donner des lois remarquables à la Crète : le mythe nous dit que cette ouverture mentale, cet élargissement de la conscience, s’appuyant sur le pouvoir de réalisation du mental lumineux représenté par le taureau blanc, permit d’organiser la spiritualité nouvelle. Et ceci est confirmé par le fait que Minos et Rhadamanthe seront tous deux juges dans le royaume d’Hadès, celui de l’inconscient, où ils seront capables de discerner le vrai du faux.
Il est possible de faire le lien avec la Genèse biblique puisqu’Europe permit d’entrer dans le discernement et que, dans la Genèse, quand Ève accepta de prendre la pomme du discernement et l’offrit à Adam, tous deux furent accusés d’être « comme des dieux » puisqu’ils sauraient désormais distinguer le bien du mal.
Minos fut célèbre aussi pour l’étendue de son empire maritime, c’est-à-dire pour la maîtrise acquise sur le vital, le monde des désirs et des émotions.
Donc, jusqu’ici, tout va bien. Minos représente une évolution de la réceptivité, et Rhadamanthe sera un grand juge avec une grande capacité de discernement, jusque dans le corps puisqu’il siègera dans le royaume d’Hadès, pour trier les âmes.
Cela nous donne une première indication : suite à cette évolution de la spiritualité, l’Europe a eu pour fonction de développer le discernement associé à une maîtrise du vital.
Y est-t-elle parvenue ? Au cours de ces siècles – et depuis environ 5.000 ans – l’Europe et chacun des pays qui la composent, ont-ils réussi à développer le discernement dans un vital pacifié ?
Nous pourrions nous arrêter là, mais il est intéressant de regarder dans quels pièges Minos est tombé. Quand nous parlons de Minos, il s’agit autant du chercheur individuel que des pays qui composent l’Europe ou même de l’Europe en sa totalité, et nous allons essayer de voir dans quelle mesure ils sont « tombés » dans le piège du Minotaure et du labyrinthe. Le chercheur – ou le pays – a eu une première ouverture, mais ensuite, comme son ego n’est pas purifié, il peut entrer dans une zone que Sri Aurobindo a appelée la « zone intermédiaire », une zone où une chute peut arriver, où le chercheur peut s’écarter du chemin temporairement ou définitivement. Et c’est ce qui va se passer.
Tout d’abord, après cet élargissement de sa conscience, le chercheur (représenté par Minos) ne sait pas trop où aller, il est un peu perdu. Il s’est débarrassé des formes de son ancienne spiritualité mais il ne sait pas où est le nouveau chemin : Minos rencontra de nombreuses femmes, c’est-à-dire que le chercheur poursuit de nombreux buts différents.
Mais son épouse légitime Pasiphaé, « celle qui brille pour tous », n’était pas d’accord. Elle lui jeta un sort pour que sa semence soit emplie de serpents et de scorpions et que les femmes avec lesquelles il s’unissait meurent immédiatement. Cela signifie que ces buts variés, ces orientations spirituelles n’emmènent le chercheur sur aucun chemin satisfaisant.
Je ne sais pas s’il y en a parmi vous qui qui ont fait ce genre d’expériences : à chaque fois on se dit : « ce n’est pas ça, ce n’est pas ça, ce n’est pas ça… » jusqu’à ce qu’on finisse par trouver sa voie. C’est un peu ce qui se passait pour Minos au début.
Voyons maintenant ce qui concerne le Minotaure.
Le plus ancien mythe dit simplement qu’« une femme donna à Minos le Minotaure », un monstre avec un corps d’homme et une tête de taureau
Dans une version plus tardive du mythe, Pasiphaé enfanta le Minotaure avec le taureau blanc dont elle était tombée amoureuse. Certains disciples s’étant sans doute demandé comment une femme ordinaire avait pu enfanter un tel monstre, les Maîtres de Sagesse durent alors trouver une réponse et ils firent intervenir Dédale dans le mythe. Revenons un peu en arrière pour comprendre le scénario qu’ils inventèrent même si ces histoires un peu secondaires ne portent pas la signification profonde du mythe.
Pour légitimer son pouvoir en tant que roi de Crète, Minos s’était vanté que les dieux exauceraient toute demande qu’il leur ferait et il avait demandé à Poséidon de lui envoyer un taureau en lui promettant de le lui sacrifier. Il construisit un autel pour le dieu et aussitôt un magnifique taureau blanc sortit de la mer. Comme nous l’avons vu, selon Sri Aurobindo, le taureau symbolise le pouvoir de réalisation du mental lumineux. Minos avait promis de le sacrifier à Poséidon mais il le trouvait tellement beau qu’il le garda dans ses troupeaux. Pour se venger, Poséidon rendit Pasiphaé amoureuse du taureau. Mais celle-ci ne savait comment faire pour s’unir au taureau. Alors elle demanda à Dédale, un excellent artisan qui savait construire des automates qui donnaient l’illusion d’être vivants, de l’aider. Dédale lui construisit donc une vache en bois dans laquelle elle pouvait se glisser et c’est ainsi qu’elle conçut le Minotaure.
Le Minotaure, cet homme avec une tête de taureau, est le symbole d’un chercheur un peu avancé qui a eu ses premières ouvertures de conscience mais qui est totalement dominé par un pouvoir mental qu’il a lui-même développé. Il croit détenir « La Vérité » mais il est totalement dominé par ce mental un peu plus lumineux qui est dans le mental supérieur, c’est-à-dire dans le plan juste au-delà l’intellect.
Ne sachant que faire avec le Minotaure, Minos demanda à Dédale de construire un habitat pour le Minotaure. Certains auteurs disent que c’était un palais qui donnait l’illusion de quelque chose de parfaitement accompli et magnifique à l’extérieur, mais que c’était un palais très tortueux à l’intérieur. D’autres se sont bornés à dire que c’était un labyrinthe, c’est-à-dire une construction mentale bâtie autour d’une expérience spirituelle dans laquelle tout ce qui entre est absorbé mais dont rien ne peut sortir. Cela signifie que le chercheur a construit sa propre idée du chemin spirituel dans une structure mentale extrêmement rigide qui intègre tout mais n’est ouverte à aucun changement. C’est donc un enfermement comme dans un credo religieux ou certains systèmes philosophiques, ou encore dans tout ce qui se développe dans un système mental rigide, si puissant puisse-t-il être par ailleurs dans les plans inférieurs.
À partir de là, on peut se demander comment l’Europe ou les pays qui la constituent se sont enfermés dans des systèmes de pensée, des systèmes de croyance, des systèmes religieux au fur et à mesure de leur évolution.
Revenons maintenant sur la grande courbe de 26.000 ans qui se décompose en 12 petits cycles de 2.160 ans avec une alternance entre les phases de fusion et de séparation, entre l’intuition et la raison, parce que l’homme n’est pas capable de faire fonctionner en même temps le processus d’individuation et le processus d’unité en lui. Il faut être arrivé au silence mental pour que les deux cerveaux fonctionnent ensemble et dans une complète harmonie.
Il y a donc une espèce de sagesse supérieure qui a fait que le processus d’éloignement du Divin qui permet de s’autonomiser et le processus de rapprochement fonctionnent selon un grand cycle cosmique de 26.000 ans comprenant des petits cycles de 2.160 ans.
Dans ce grand cycle, l’histoire du Minotaure se passe vers 3.000 avant J.-C., il y a environ 5.000 ans, à l’époque de l’ancienne Crète et de l’ancienne Égypte, c’est-à-dire vers le milieu de l’ère du Taureau – et ce n’est sans doute pas un hasard.
Sri Aurobindo nous a dit aussi que les Vedas étaient le dernier héritage des âges de l’Intuition, 10.000 ans avant notre ère, à une époque où les hommes n’avaient pas besoin de l’écriture pour se comprendre, où ils pouvaient communiquer d’esprit à esprit, d’âme à âme. L’écriture n’est apparue qu’à partir de l’ère du Taureau, quand les hommes ont peu à peu perdu cette capacité d’échange comme les animaux peuvent encore l’avoir.
Donc ce qui fut mis en images par les Grecs avec la mythologie se produisit à la période que l’on pourrait appeler « la renaissance » de ce grand cycle. Ces périodes sont des moments où l’on sort de ce que l’on pense être des âges d’obscurantisme et qui sont en fait des âges de fusion et de partage, mais aussi avec beaucoup de superstitions car tout n’est pas toujours blanc ou noir.
Le mythe du Minotaure se déroule donc à la « renaissance » du grand cycle et aujourd’hui, nous vivons un processus de basculement où l’on va se réorienter vers l’unité (phase de fusion) dans le grand cycle.
Pour en revenir au Minotaure, il représente donc le chercheur qui a fait un bout de chemin mais qui, à un moment donné, s’est complètement laissé dominer par le pouvoir d’un mental un peu illuminé, d’une conscience un peu plus vaste.
Au niveau individuel, cela peut s’exprimer par le désir d’être un « petit gourou », avec une volonté de briller et d’être reconnu – pour soi-même bien sûr et non pour le divin puisque le taureau n’a pas été sacrifié à Poséidon comme il devait l’être. C’est-à-dire que ce mental lumineux est mis au service de l’ego et non au service du divin ou de la collectivité. Le chercheur l’utilise pour lui-même et c’est donc une déviance majeure. C’est l’un des risques de la traversée de la zone que Sri Aurobindo appelle la zone intermédiaire. Cela peut aussi se traduire par une arrogance mentale, un sentiment de supériorité : supériorité de race, d’intelligence, de compétences, d’organisation pratique… et comme dit Mère, l’arrogance mentale est le plus grand obstacle à l’action de la grâce divine. Ce Minotaure est donc vraiment un problème.
Alors bien sûr on peut se demander si, au fur et à mesure de leur histoire, les pays qui constituent l’Europe sont tombés dans cette déviance du Minotaure, quand, comment ? Est-ce qu’ils en sont sortis ? Il serait intéressant de l’observer pour chaque pays individuellement, et même globalement au niveau de l’Europe, en se demandant si la mission fondamentale confiée à l’Europe, à savoir le discernement, est réalisée. Et ce discernement ne doit pas être perdu puisque c’est ce qui devait être acquis par l’humanité au cours des millénaires. Pour discerner, la raison seule n’est pas suffisante, il faut y ajouter une part d’intuition. En d’autres termes, c’est une intelligence supérieure.
Nous avons laissé le Minotaure au milieu de son labyrinthe. Après un certain temps, Athènes décida d’entrer en guerre avec la Crète, mais elle perdit la guerre. Minos demanda alors à Athènes de lui verser un tribut.
Athènes représente la structure ou le yoga établi pour l’évolution de l’être intérieur (la lettre N représentant l’évolution et la lettre Thêta, l’être intérieur). Les rois d’Athènes symbolisent ce qui guide l’évolution intérieure des chercheurs dans le cadre de cette structure.
Chaque année, Athènes devait envoyer sept jeunes gens et sept jeunes filles en pâture au Minotaure.
Évidemment, cela affaiblit la quête spirituelle puisque les jeunes gens et les jeunes filles sont les forces vives qui permettent de poursuivre la quête et le développement intérieur. Donc tant que ce Minotaure existe et que ce tribut est donné à la Crète, le chercheur ne peut progresser. De même, cela a pu se produire pour l’Europe et les pays qui la constituent : des périodes de stagnation dues à un enfermement mental qui se pense supérieur.
À cause de cette arrogance mentale, le chemin spirituel ou l’évolution s’arrête jusqu’à ce que Thésée décide d’aller affronter le Minotaure. Pour y parvenir, il doit faire un long chemin puisque le Minotaure est en Crète, dans son labyrinthe, dans le magnifique palais qui « fait illusion » et à qui tout le monde fait confiance.
Thésée dût parcourir un long chemin à pied avant d’embarquer pour la Crète. En cours de route, il rencontra plusieurs brigands qui représentent ce que le chercheur doit nettoyer avant de pouvoir tuer le Minotaure.
- Périphétès, le premier brigand, avait une massue en fer parce qu’il avait les « jambes faibles » et tuait les passants avec sa massue. Thésée s’en empara et le tua d’un coup de massue.
Cela indique une première erreur au niveau individuel mais aussi au niveau des pays : comment une spiritualité qui manque d’incarnation (les jambes faibles) peut-elle se développer dans la bonne direction ? Nous connaissons probablement tous des chercheurs qui s’évadent dans le mental par manque d’incarnation et quittent ainsi le chemin.
- La deuxième erreur est liée au brigand Sinis. Il courbait des pins (symbole du vital) et obligeait le voyageur à les maintenir dans cette position jusqu’à ce que, épuisé et ne pouvant plus supporter la tension, le voyageur soit projeté en l’air et meure en retombant au sol. Dans une autre version, attaché à deux pins qu’il devait maintenir courbés, il mourait écartelé.
Cela aussi peut interrompre le yoga. Dans cette seconde erreur, le chercheur contraint son vital par des ascèses trop rudes. Il est projeté dans les hauteurs du mental de façon incontrôlée ou écartelé dans son être.
- Puis, poursuivant son chemin, Thésée tua la laie Phaïa.
La laie est la femelle du sanglier et « Pha » veut dire briller. Il s’agit donc ici d’une spiritualité qui se confond avec le bas vital, comme par exemple quand on mélange sexualité et spiritualité.
- Ensuite, en bord de mer, il rencontra Sciron, un autre brigand, qui forçait les passants à lui laver les pieds et les précipitait dans la mer du haut de la falaise pendant qu’ils s’exécutaient.
Cela illustre une humilité forcée devant les hommes et non devant le Divin seul, ou encore le fait de rabaisser une partie de sa propre nature. Chaque chercheur, ou pays d’Europe, doit suivre son propre chemin et non celui imposé par un autre, même si ce chemin semble meilleur. Et il doit aussi intégrer dans son yoga la totalité de sa nature sans en rejeter aucune partie.
- Thésée arriva ensuite à Éleusis où il rencontra le roi Cercyon. Celui-ci forçait les voyageurs à lutter avec lui et les tuait. Thésée le souleva dans les airs et le tua en le projetant au sol.
Il y avait deux écoles d’initiation très importantes en Grèce ancienne. Samothrace et Éleusis. Samothrace formait les débutants et Éleusis, les chercheurs plus avancés. En luttant avec lui, Cercyon obligeait le voyageur à se comparer à lui. Comme c’était un roi, cela fait référence à un système hiérarchique qui correspond aux chemins spirituels dans lesquels on impose des comparaisons ou des grades entre les chercheurs. Au niveau des pays, cela revient à regarder si un pays est plus avancé que l’autre au niveau général de l’évolution.
On est bien sûr ici dans une démarche inverse de l’humilité et c’est encore quelque chose à détruire en soi ou au niveau du pays concerné avant de pouvoir « tuer le Minotaure ». Pour que ce mouvement erroné cesse, le chercheur doit se séparer de ses appuis habituels et de ses certitudes (Thésée isola le brigand du sol).
- Enfin le 6ème et dernier brigand que Thésée rencontra s’appelait Procruste. Il mettait les voyageurs de petite taille dans des grands lits et les étirait à la taille du lit et il mettait les grands dans des petits lits et coupait tout ce qui dépassait.
Procruste cherchait à « rendre tout le monde pareil ». Or on ne peut pas faire un yoga si on ne suit pas sa propre nature. Vouloir « être comme tout le monde » ou se mouler dans un cadre qui ne correspond pas à sa propre nature, ça ne fonctionne ni pour soi, ni pour un pays, ni pour l’Europe.
Après avoir tué tous ces brigands, Thésée était prêt pour le combat contre le Minotaure. La mort de celui-ci indique que cette déviance majeure est annulée et que le chercheur peut poursuivre son chemin. Pour tuer le monstre, il reçut l’aide d’Ariane qui lui indiqua comment ressortir du labyrinthe, mais ça, c’est une autre histoire…
Alors dans le cadre de l’Europe, mais aussi pour chacun d’entre nous, il est intéressant de voir dans tous les domaines – au niveau de l’enseignement spirituel, de la politique, etc. – comment chaque pays a suivi son Dharma, sa mission d’âme, qui, pour l’Europe, je le rappelle, était une mission d’élargissement et d’ouverture de la conscience, de discernement.
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QUESTIONS ET RÉPONSES
Question : Dans les grands cycles de 26.000 ans dont tu as parlé, on arriverait donc maintenant au sommet de la courbe pour redescendre ensuite. L’ère du Verseau reviendra progressivement vers un âge de fusion et d’intuition, donc on serait au bout du rationalisme, dans cette transition où ça bascule pour retourner vers l’intuition et pour nous, du moins dans la vision de Sri Aurobindo, ce serait une percée dans le supramental.
Claude de Warren : Je pense que ce cycle est indépendant du supramental. Le supramental se situe sur un plan au-dessus de celui où agit ce cycle ; le cycle du mental se maintiendra, comme les cycles biologiques, comme le jour la nuit ; ce sont des cycles qui sont indépendants de l’évolution humaine. Leur influence se maintiendra sur l’humanité qui n’est pas prête. Mais lorsque l’on change de niveau, on passe au-dessus et on n’en est plus dépendant.
Q : tu as parlé du mental illuminé donc c’est un peu le top par rapport à l’évolution passée…
CdW : j’ai parlé du « mental lumineux » qui n’est pas le pas « le mental illuminé ». Sri Aurobindo a dit du taureau que c’est le symbole du pouvoir d’un mental lumineux ; il ne parle pas du mental illuminé, ce n’est pas la même chose. C’est un mental lumineux que l’on commence à toucher dès que l’on atteint le mental supérieur (les plans supérieurs du mental après l’intellect ou mental de raison sont le mental supérieur, le mental illuminé, le mental intuitif et le surmental). Le mythe d’Europe se situe donc à la jonction entre l’intellect et le mental supérieur.
Q : D’après ce que je comprends, Sri Aurobindo voyait dans les mythes grecs une même idée de l’évolution que dans le yoga de l’Inde (sadhana) ?
CdW : Sri Aurobindo était parfaitement au courant de la spiritualité grecque ésotérique et du symbolisme de la mythologie grecque puisqu’il a écrit un poème le 5.000 vers dont le titre est Ilion et dont l’action se déroule le dernier jour de la guerre de Troie – c’est un poème que je suis en train d’expliquer dans une série de livres. Il avait compris intuitivement la totalité de de la mythologie grecque et son rapport à la spiritualité. Dans Savitri, il y a aussi de nombreux rapprochements avec la mythologie grecque. Mais Sri Aurobindo n’a jamais voulu ni l’expliquer, ni en parler ; il a simplement écrit un poème de 5 000 vers et il nous a laissé nous débrouiller. Ce poème est très intéressant parce qu’il parle de l’époque actuelle et de ce que nous vivons en ce moment. Ilion, c’est le récit du renversement du yoga qui a atteint les hauteurs de la libération de l’Esprit pour aborder le yoga du corps. Et ça décrit toutes les difficultés, tous les obstacles pour effectuer cette bascule, autant pour le chercheur individuel que pour l’humanité dans son ensemble, comme c’est le cas en ce moment. Ce poème nous permet de voir de quelle façon, aussi bien individuellement que collectivement, nous restons accrochés au passé, liés au passé et en quoi ça empêche le nouveau d’apparaître. C’est passionnant à découvrir, une fois qu’on a les clés de la mythologie grecque, mais Sri Aurobindo ne les a jamais données ; donc je fais de mon mieux pour les transmettre, en partie, du moins, ce que j’en ai compris… Et Sri Aurobindo insiste : il faut se tourner vers le nouveau, se détacher du passé : « Brises les moules du passé, brises les moules du passé… ». Et c’est difficile, parce que si on brise les moules du passé, que doit-on faire ? On est perdu… Mère disait par exemple que tant que l’idée que le chemin spirituel, c’est la méditation, tant que ce non-sens ne serait pas éradiqué de la pensée humaine, il n’y aurait aucun espoir… donc les gens à qui on dit que la méditation ne sert à rien ou du moins n’est qu’un outil parmi tant d’autres, se demandent : « mais alors, que faire ? ».
Il nous faut ouvrir de nouveaux chemins et c’est pour ça que l’Agenda de Mère est passionnant. Parce que Mère ouvre tous les chemins, elle ne reste jamais sur les mêmes choses, c’est toujours nouveau, nouveau, nouveau…
Que personne n’ait fondé de spiritualité ni d’enseignement sur la mythologie grecque, c’est tout simplement parce qu’au fil du temps, le sens profond des mythes s’est perdu. Au temps des anciens Grecs, ceux qui en parlaient étaient mis à mort. Par exemple, il a fallu qu’Eschyle, qui a vécu trois siècles après Homère, jure qu’il n’était pas un initié pour ne pas être mis à mort. Les anciens sages étaient très stricts ; quiconque disait quoi que ce soit sur les rites secrets des Écoles de Mystères et sur la signification profonde des mythes étaient mis à mort, donc au fur et à mesure, on a perdu le sens profond des mythes.
Par quel miracle il nous en est resté certains… Sur les sept grandes épopées, il ne nous en est parvenu que deux : l’Iliade et l’Odyssée. C’est déjà pas mal, ça nous donne une bonne idée du niveau auquel les Anciens étaient arrivés dans l’évolution spirituelle au niveau individuel : jusqu’au surmental. Ils avaient déjà aussi des expériences de la conscience supramentale. J’ai écrit plusieurs ouvrages pour essayer de dire en quoi la mythologie grecque décrit le chemin spirituel, du moins la partie commune à tous. La partie théorique sur la purification, l’éradication des peurs, de l’ego, des désirs, etc. Les mêmes bases que l’on retrouve chez Mère et Sri Aurobindo.
Q : Est -ce que les Grecs, d’après toi, à travers justement ce que dit Sri Aurobindo dans Ilion, avaient commencé ce travail de transformation ?
CdW : Apollonios de Rhodes, dans le mythe de Jason, nous dit que les Égyptiens ont gravé dans la pierre la totalité du chemin. Mère a dit que certains Anciens, au niveau individuel, étaient probablement parvenus au supramental, à la conscience supramentale. Mais qu’ils aient utilisé la force supramentale pour la transformation du corps, ça c’est une autre question, parce que je crois que Sri Aurobindo a dit qu’ils étaient les premiers avec Mère à l’avoir fait. Il est très probable que soient arrivés à la conscience supramentale les Rishis Védiques et les Égyptiens, les Grecs peut-être. Homère, il y a de fortes chances, les autres…
Q : Sur quoi te bases-tu pour cette interprétation des mythes
CdW : Je n’ai pas cherché à interpréter la mythologie grecque, je n’ai pas suivi d’études pour cela, ça ne m’intéressait pas, jusqu’au jour où Mère m’a pris par la main et m’a demandé de faire ce travail. Je dis Mère et Sri Aurobindo parce qu’ils m’y ont vraiment amené, pas à pas, et qu’ils m’ont aidé à retrouver les clés de codage que j’applique de façon mathématique. Après, si d’autres font d’autres interprétations… Freud s’en est servi pour illustrer sa théorie de la psychanalyse, pourquoi pas ? En ce qui me concerne, j’ai retrouvé des clés de codage et je peux expliquer n’importe quel détail, n’importe quelle variante dans une cohérence globale.
Q : Comment l’Europe actuelle a-t-elle évolué dans un sens qui peut s’expliquer avec les symboles de la mythologie ?
CdW : L’Europe a été pendant longtemps la puissance dominante mondiale au niveau de la pensée… Actuellement, il est clair que l’Europe n’est plus la puissance dirigeante spirituelle dans le monde. Ni spirituelle, ni commerciale. C’est comme si le temps de la mission qui lui avait été donnée était terminé. Mais a-t-elle rempli sa mission correctement ? C’est une autre question. S’est-elle servi du don qui lui a été fait pour son propre usage, pour développer son pouvoir économique, pour sa richesse… c’est une question que l’on peut se poser.
Maintenant nous rentrons dans une conscience mondiale. Il faudrait voir au niveau de chaque pays et au niveau de l’Europe dans son ensemble si le travail symbolique lié à tous ces brigands a été fait. Est-ce qu’elle s’est libérée de son arrogance, de sa soi-disant supériorité mentale ? Maintenant, il faut que l’Europe trouve son propre chemin, un nouveau chemin.
Q : On pourrait poser la question pour le reste du monde, pas simplement pour l’Europe…
CdW : Je ne sais pas. La tradition européenne, c’était l’idée de la supériorité mentale sur le reste du monde, une certaine arrogance… je peux me tromper mais il me semble que c’est ça. Ce sont des siècles de domination quasi mondiale et d’imposition d’une façon d’être et de penser, d’imposition de la culture européenne comme base de la civilisation idéale. Est-ce que l’Europe a fini de nettoyer cela ? Est-ce qu’elle est encore convaincue que c’est le seul chemin ? On peut se poser la question, je n’ai pas la réponse au sujet de l’Europe actuelle. À mon avis, elle se cherche…