Dans les mythes grecs Zeus est le dernier né des enfants du Titan Cronos. Il est la plus haute puissance du surmental qui incarne l’aspiration à croître, l’expansion de la conscience, le franchissement des limites.
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Le grand-père de Zeus est Ouranos, le ciel infini, l’Espace, symbole de l’Esprit, et sa grand-mère est Gaia, la Terre, la Matière ou encore la Nature. Ils s’aimaient d’un amour infini et jouissaient éternellement l’un de l’autre : Éros, l’Extase, était leur indissociable compagnon de jeux. Ils eurent de nombreux enfants dont les six couples de Titans et Titanides, les puissances de création.
Mais Ouranos « empêchait ses enfants de venir à la lumière et les enfouissait dans le sein de Terre » : les puissances de création ne pouvaient être actives tant que l’Espace infini n’était pas limité, tant que l’Esprit n’acceptait pas de bornes. 7
Le nom Cronos (Κρονος) évoque, par ses lettres structurantes, l’idée d’une « projection de la conscience (Κ), en accord avec le mouvement juste (Ρ), dans l’évolution selon la Nature (Ν) ». Son union avec sa sœur Rhéa (ΡΗ) introduit l’inversion du mouvement, et avec ce retour vers l’origine apparaît le mouvement cyclique, lui-même source du rythme, qui deviendra ensuite le temps (Χρονος). Cela explique pourquoi il y eut parfois confusion entre le Titan Cronos (Κρονος) et le mot associé au temps Chronos (Χρονος).
Il est paradoxal d’évoquer une succession d’évènements alors qu’ils se produisent avant l’apparition du temps, mais cela semble la seule façon pour notre mental d’approcher de telles notions. Car le temps de Χρονος est celui du hors temps, celui de l’extrême rapidité dans l’immobilité parfaite, celui du rythme de l’Absolu.
Gaia, lassée de contenir en elle-même tous ses enfants, sollicita leur aide pour mettre fin à son tourment. Méditant en son cœur une vengeance contre Ouranos, elle fabriqua une serpe, et révéla son projet à ses enfants. Son plus jeune fils Cronos, qui, de tous les enfants d’Ouranos, était celui qui haïssait le plus son père, se proposa pour la sinistre mission. S’emparant de la serpe que lui remit sa mère, il saisit le membre viril de son père, le coupa, et le jeta au loin dans la mer.
Dans le chapitre suivant consacré à la Genèse du monde, nous verrons, dans la succession des générations, tout d’abord Gaia (l’Existence) donner naissance à Ouranos (la Conscience), Pontos (la Vie), et les montagnes (le lien Existence-Conscience ou Matière/Nature-Esprit). Puis, elle s’unira à Ouranos pour engendrer les douze Titans et Titanides (puissances de création, eux-mêmes à l’origine des branches des dieux et des héros), les Cyclopes (l’omniscience divine) et les Cent-bras (l’omnipotence divine). En fait, Hésiode distingue encore au-dessus les plans de l’Absolu Non-manifesté. Notons simplement ici qu’un principe de limitation, Cronos, intervint pour limiter le libre jeu de la puissance infinie de l’Esprit, Ouranos, lui assignant des bornes afin que la création puisse être. Ce qui semble faire écho à la théorie actuelle d’un univers sans bords courbé par le temps.
A peine maître du ciel, Cronos épousa sa sœur Rhéa. Sur terre, ce fut « l’Âge d’or » pour les hommes, l’enfance de l’humanité, il y a plusieurs centaines de milliers d’années. Les puissances formatrices du mental étaient encore trop faibles pour imposer leurs lois. C’est pourquoi Cronos, averti par un oracle que l’un d’eux le détrônerait, dévorait ses enfants à peine nés, les uns après les autres : il semblait alors à l’homme que le temps de gestation du mental était infini. C’est cette même sensation d’éternité que nous avons pendant l’enfance.
En cet âge, instincts, pulsions et émotions dominaient : les Titans, archétypes des forces de création, sont aussi en rapport avec ces puissantes énergies de vie qui sommeillent au fond de nous et font parfois irruption sous forme de prédation ou de destruction. Plutarque rappelait que les anciens nommaient Titans cette partie de nous qui est irrationnelle, violente et démoniaque.
Puis, avec la croissance du mental, ce fut l’apprentissage de la vie en société. Vint enfin le temps où l’homme dut mettre fin à ses jeux enfantins et inconscients pour entrer définitivement dans le monde du mental de discernement : c’est à ce moment-là que les dieux commencèrent à intervenir vraiment.
Mais Cronos avalait ses enfants à peine nés. Rhéa, excédée qu’ils ne puissent venir à la lumière, fit en sorte de mettre secrètement au monde, une nuit, sur le mont Ida, son troisième fils (et sixième enfant), Zeus. À sa place, elle présenta à son époux une pierre entourée de langes qu’il dévora.
Le mont Ida annonce la fonction de Zeus, et donc celle du mental : conduire l’humanité vers « l’union » (Δ), permettre la réalisation de l’unité avec l’Absolu, la Nature et les autres.
La science moderne a révélé les modes de fonctionnement à la fois opposés et complémentaires de nos deux cerveaux. L’un, sur la base de la fusion, s’exprime dans le mental par ce que nous appelons l’intuition. L’autre, dérivant de la fission, produit l’intellect ou mental de raison. Les deux ensemble fondent la faculté de discernement.
L’humanité actuelle n’est pas capable en général d’aller au-delà des deux processus fusion/fission. Elle oscille la plupart du temps entre des pôles opposés, tels l’attraction et la répulsion, le désir et le dégoût, la fusion et l’indépendance.
Dans la vie non pervertie par le mental, dans les règnes végétal et animal, les deux pôles semblent fonctionner harmonieusement. Dans le mental, ils paraissent irréconciliables et soumis à un processus d’alternance qui préside à la formation et au fonctionnement de l’ego.
Le mont Ida nous invite à imaginer qu’il existe une position de la conscience, au plus haut niveau du mental, au-delà de l’ego (mental et vital), où les deux mouvements ne sont plus antagonistes. Les deux forces fusion/fission y cohabitent et opèrent de façon synchrone. Dans cet état, le mental logique, silencieux hors de ses moments d’activité, exécute ce qui est perçu par l’intuition qui peut être en contact avec le monde de Vérité à la mesure de la purification du canal de réception.
Mais tant que l’humanité travaille à la construction de la personnalité, puis de l’individualité par un chemin de libération progressive, l’influence des deux mouvements fusion/séparation doit nécessairement alterner dans le temps, car l’homme ne peut ni ne sait les utiliser de juste manière. Il y a donc des cycles qui règlent leurs rapports, insistant tantôt sur la fusion, tantôt sur la séparation. Nous y reviendrons dans l’étude du mythe de Prométhée, car ces rythmes marquent profondément l’histoire humaine et les civilisations.
Zeus fut allaité par le lait d’une chèvre qui appartenait à la nymphe Amalthée (ou par la chèvre elle-même, nommée aussi Amalthée) : la chèvre, équivalent symbolique du chamois pour la Grèce, est l’animal qui monte le plus haut dans les montagnes, c’est-à-dire la personnalité qui s’élève le plus vers l’Esprit. Selon Hésiode, les montagnes furent enfantées par Gaia juste après Ouranos : elles sont le lieu de l’attirance de la Matière pour l’Esprit. Chèvre se dit aussi Аιξ, le ξ illustrant la descente progressive de l’Esprit à travers les plans de conscience inférieurs. L’allaitement par la chèvre indique donc que la plus haute conscience humaine (Zeus) croît à partir d’une aspiration à croître et d’une consécration à la Vérité.
De cette consécration naquit l’histoire de la « Corne d’Abondance ».
Ayant brisé durant ses jeux une corne de la chèvre, Zeus en fit présent à la nymphe Amalthée en lui promettant qu’elle se remplirait de tous les fruits qu’elle souhaiterait.
Zeus enfant, c’est ce besoin impératif, cette violente aspiration du chercheur à la vérité et l’harmonie. Cette aspiration est nourrie par le lait de la chèvre Amalthée, c’est-à-dire par une « croissance de la consécration à la Vérité », infusée peu à peu.
La corne, excroissance du crâne, est le symbole à la fois d’un capteur des énergies du ciel et d’un socle aussi solide que les os : le chercheur qui est « connecté » au ciel et consacré de manière inébranlable, en reçoit les dons en abondance.
L’un des attributs de Zeus est l’« égide » ; c’est une pièce d’habillement peu définie qui peut être une peau de chèvre, un élément d’armure servant de protection, ou tout aussi bien une bannière pour effrayer l’ennemi. Dans l’Iliade, Héphaïstos en fit don à Zeus afin qu’elle inspire la crainte. C’est également un attribut d’Athéna – le maître intérieur – qui accrocha sur son égide – symbole du « besoin de croître » -, ou sur son bouclier, la tête de la Gorgone coupée par Persée, symbole de la peur vaincue : la victoire sur la peur constitue en effet une protection absolue pour le guerrier qui part à la conquête de son être intérieur.
Le nom « égide » vient du grec « αιγιδος, bouclier en peau de chèvre », symbole à la fois de l’aspiration, du besoin de grandir (la chèvre) et de la protection.
Ce mot a aussi pour signification « tempête, ouragan » : pour celui qui a peur de Dieu ou des dieux, le symbole de leur puissance infinie est l’ouragan. En agitant son égide, Zeus effraye donc en l’homme tout ce qui, dans sa relation au Réel, est encore entaché de peurs. Et celles-ci semblent nécessaires dans l’évolution tant que l’homme n’a pas trouvé son dieu intérieur, ou tant qu’il a besoin de lois extérieures pour diriger sa vie.
Une tradition rapporte que la chèvre (Аιξ) était une créature effrayante, qui descendait du soleil, Hélios. Les Titans redoutaient tant son seul aspect que Gaia dut la cacher, à leur demande, dans une caverne des montagnes de Crète. Plus tard, quand Zeus lutta contre les Titans, il prit sa peau comme pièce de son armure. L’épithète porte-égide fut dès lors accolée à son nom.
Les puissances de création, qui imposent l’ordre juste, et permettent la libre expression de la vitalité de l’homme tant que sa conscience mentale n’est pas dominante, craignent son « besoin de croître » symbolisé par la chèvre et les montagnes, car ils savent qu’ils seront détrônés. En effet, lorsque les besoins élémentaires sont comblés, l’aspiration fondamentale à la croissance est la première nécessité de l’être humain ; c’est une manifestation du plan de Vérité, et c’est pourquoi certains disent que la chèvre est une descendante d’Hélios « la Lumière de Vérité supramentale ».
La puissance devant veiller à la croissance de la conscience humaine dans le mental (Zeus) étant dans l’ordre des choses, et afin de lui permettre de se développer harmonieusement, Gaia fit en sorte que ce que la chèvre produit de meilleur (son lait), nourrisse cette puissance à l’abri du désordre, dans l’espace de l’aspiration (sur les montagnes).
Plus tard, quand cette puissance se sera fortifiée, puis, dans un premier temps, identifiée à l’intelligence (lorsque Zeus avalera Métis, la mère d’Athéna), elle pourra dominer l’homme, reléguant alors les Titans dans le Tartare.
Lorsque Zeus fit de la peau une pièce de son armure, la conscience en développement prend comme protection sa puissance d’aspiration, sa foi qui à la fois protège et tient à distance ce qui, en nous, entrave l’évolution. Cette interprétation donne peut-être le sens du mot Égypte (αιγυ-πτιας : pays de « l’aspiration pour le dieu Ptah », Ptah étant en ancienne Égypte au 3ème millénaire avant J.-C. le démiurge suprême.
Zeus, devenu grand, brigua le pouvoir absolu. En effet, l’évolution aiguillonnait la conscience humaine vers son plein épanouissement, pour que soit dépassé le comportement de clan lié au monde animal et s’appuyant sur une base presque exclusivement vitale. Zeus devait donc détrôner son père, ce qui se révélait une entreprise ardue. S’attaquer à Cronos, c’était livrer bataille à l’ensemble des Titans, car les forces de création opèrent sur la base de l’Unité.
Avec l’aide de Métis, la sagesse/intelligence suprême, il commença donc par forcer son père à vomir tous ses frères et sœurs, faisant venir à la conscience de l’humanité les puissances qui l’aideraient durant la traversée et maturation du mental.
Puis, soutenu par les Cyclopes et les Cent-Bras qu’il avait libérés du Tartare où les Titans les avait jetés, il livra bataille à ces derniers durant dix longues années.
Les Cyclopes et les Cent Bras sont des frères des Titans, engendrés en même temps qu’eux par le couple suprême, Gaia-Ouranos. Les Cyclopes (appartenant à la deuxième génération divine, et non ceux qu’affrontera Ulysse), sont des géants qui n’ont qu’un seul œil au milieu du front. Ils représentent l’Omniscience de l’Absolu. Les Cent bras, des géants aussi, d’une force incroyable, et par leurs nombreux bras, d’une capacité d’action simultanée en tous points, symbolisent l’Omnipotence divine.
Avec les connaissances actuelles, on peut estimer que cette période, durant laquelle l’humanité dut apprendre à faire passer ses instincts et ses pulsions sous le contrôle du mental pour parvenir à une certaine sociabilité, se prolongea pendant plusieurs centaines de milliers d’années, si ce n’est quelques millions.
Mais la guerre contre les Titans ne fut pas le dernier grand combat de Zeus.
Devenu le maître de l’univers, il dut tout d’abord affronter un monstre gigantesque, Typhon, « le tourbillon de vent », résultat de l’irruption de la conscience mentale dans l’humanité vitale qui se traduit par une activité mentale très agitée et désordonnée, tournant sans cesse en rond. C’est une forme extrême d’agitation et de désordre qui est la source de l’« ignorance ».
En fait, ce combat, comme tous les combats mythologiques, n’est pas terminé tant que la Connaissance n’a pas remplacé l’ignorance, tant que l’homme n’a pas réalisé l’union avec le plan de Vérité.
Le troisième grand combat auquel participa Zeus fut celui qu’il livra aux Géants. Ce combat est appelé Gigantomachie. Nous l’aborderons en détail beaucoup plus tard, car Héraclès y participa lorsqu’il revint de sa campagne contre Troie. En effet, aucun Géant ne pouvait être vaincu sans la participation d’un mortel. C’est-à-dire que les forces des plus hauts plans du mental ne sont pas suffisantes pour vaincre ce genre d’adversaire, et qu’il faut également une participation des plans inférieurs du chercheur, le vital et le corps. C’est donc un combat très avancé dans le Yoga.
Le dernier grand combat de Zeus fut contre les Aloades. Nous le traiterons aussi plus tard.
Après la victoire sur les Titans, les trois fils de Cronos se partagèrent le monde, étant entendu qu’ils garderaient en commun la terre et l’Olympe. Zeus obtint le ciel, Poséidon la mer et Hadès, le monde souterrain.
Les royaumes de la conscience furent ainsi répartis entre les trois frères : à Zeus revint le monde supraconscient, c’est-à-dire tout ce qui est au-dessus de sa conscience actuelle (ici, le supraconscient est limité aux plans du mental jusqu’au surmental, plan auquel appartient Zeus). Hadès reçut en partage les royaumes de l’inconscience, en rapport avec le corps et ses mémoires archaïques : dieu du monde souterrain, il est celui qui fixe le destin des « morts », c’est-à-dire qui intègre les expériences dans le corps (nous verrons que son royaume n’est en aucune façon relié à ce qui se passe après la mort). Entre les deux, le domaine du subconscient mental-vital, c’est-à-dire le monde des émotions, sensations, désirs, peurs, etc. et de toutes les expressions du vital mentalisé, échut à Poséidon. Ce domaine du subconscient doit être considéré selon la description de Sri Aurobindo, comme un immense réservoir où s’accumule toutes les perceptions et sensations, y compris celles dont nous ne sommes pas conscients. Comme ce dieu est une puissance de la conscience vitale, il habite le royaume de Pontos – la Vie -, dans les fonds marins.
On notera que la classification des plans de conscience utilisée dans cet ouvrage est celle de Sri Aurobindo et non celle de la psychologie moderne. Ce que cette dernière nomme inconscient, est, dans la terminologie de Sri Aurobindo, une zone dont l’homme peut, sans trop de difficultés, ramener les éléments à sa conscience, et qui appartient donc ici au subconscient. L’inconscient est une couche plus profonde encore, liée au corps, dont l’exploration exige un yoga très avancé, ou même des capacités que l’humanité ne peut encore mobiliser. Ce dernier plan doit encore être distingué de la Nescience (le Tartare), qui est non pas un plan de la Conscience mais sa négation.
Pour aider les dieux dans leur combat contre les Titans, les Cyclopes donnèrent des armes aux trois frères. Pour Zeus, ils forgèrent le tonnerre et la foudre, symboles de l’instantanéité et de la puissance foudroyante du supramental agissant par l’intermédiaire du mental à son niveau le plus haut : le plan surmental où réside ce dieu. Poséidon reçut un trident dont nous verrons le symbolisme plus loin. Et Hadès hérita du casque d’invisibilité, ce qui rend son royaume et son action « invisibles », et donc inaccessibles à la conscience de l’homme actuel.
Prince du mental, Zeus en gouverne toutes les manifestations. C’est pourquoi il est « l’assembleur de nuées », le maître des tempêtes et des ouragans (des « vents » dans le mental). Son pouvoir, cependant, ne s’étend qu’au ciel, le domaine de l’esprit. La mer, et donc les tempêtes émotionnelles, sont sous le contrôle de son frère Poséidon. C’est ce dernier qui soulèvera les tempêtes meurtrières contre Ulysse et ses compagnons.
Zeus eut un grand nombre d’unions, non seulement avec des déesses mais aussi avec des mortelles.
Les unions avec les premières indiquent les buts assignés à l’évolution de la conscience humaine, à la réalisation desquels, dans une première phase, « l’intelligence » doit s’attacher (lorsque Zeus avala Métis).
Elles suivent selon Hésiode, la chronologie suivante : Métis, Thémis, Eurynomé, Déméter, Mnémosyne, Léto et Héra. Elles interviennent après la victoire de Zeus sur Typhon, et juste avant la naissance d’Athéna. Il est probable que ces unions correspondent également à des étapes de l’évolution humaine au cours des âges, qui expriment les rapports de l’homme à la divinité, et qui surviennent lorsque l’humanité (ou le chercheur) est prête.
Homère ajoute à cette liste Dioné, qui est pour lui la mère d’Aphrodite. Il mentionne également dans l’Iliade que Zeus et Héra s’unirent à l’insu de leurs parents, établissant ainsi la primauté d’une « évolution selon la loi juste divine », selon le symbolisme d’Héra (avant même ce qui est représenté par les autres unions, quelle qu’en soit leur importance à nos yeux : intelligence divine, soumission à la loi intérieure, etc.). Mais pour qu’Athéna « le maître intérieur » et qu’à son terme, le « mouvement en Vérité » puisse s’installer définitivement, toutes les unions sont indispensables, tous les mouvements correspondants doivent être initiés.
Selon certaines légendes, cette union précoce eut lieu en Béotie du sud, sur le mont Kithairon, le mont de l’équilibre harmonieux de la conscience (la cithare, Κιθαρα, instrument d’Apollon, transmet la musique de l’âme, symbole d’une harmonie supérieure). Ce mont représente, dans la province des débutants, la première « aspiration » à l’harmonie durant le temps de préparation à la quête (quête que le chercheur n’a pas encore identifiée comme telle) car c’est en ce lieu qu’Héraclès devra tuer son premier lion, avant même le début des douze travaux.
Zeus et Métis
C’est d’abord à Métis que Zeus s’unit. Il l’avala alors qu’elle était enceinte d’Athéna, juste avant le terme de la grossesse.
Métis est la déesse de l’Intelligence, de la Prudence et de la Sagesse, la « sagesse rusée » du serpent de la Genèse. Notons que celui-ci s’adresse d’abord à la femme qui est la capacité intuitive en l’homme, celle qui entraîne l’homme dans le sens de l’évolution, souvent à son insu. « L’intelligence » évoquée ici, celle que représente « Métis », symbole de la « soumission au plan de l’Esprit (Μ+Τ) », n’est pas celle du mental logique, mais la plus haute forme mentale qui met la raison au service de l’intuition et que d’autres appellent « discernement ». Métis, en effet, « aide Zeus à discerner le bien du mal ».
Si Zeus représente la capacité d’extension indéfinie de la conscience, Métis est celle de l’adaptation au mouvement du devenir. Son nom est associé à la « mesure », c’est-à-dire à l’appréciation de ce qui est juste, et aussi à l’habilité, l’efficacité, la ruse, le calcul, l’exactitude et la connaissance exacte, toutes qualités qui en font aussi la déesse des artisans.
Le plus haut plan du mental accessible à la conscience humaine (Zeus), le surmental, celui de l’Homme lorsqu’il aura établi en lui l’identité entre le haut et le bas, entre l’Esprit et la Matière, travaille donc, pour tout le séjour de Métis en son sein (période à laquelle nous appartenons encore), au perfectionnement de cette « intelligence ».
Ce discernement entre le bien et le mal doit être considéré du point de vue évolutif et non moral ou vertueux : est « mal » ce qui retient, ce qui n’est plus bon pour l’évolution et la ralentit, dans la mesure où ce ralentissement n’est pas une nécessité pour la progression de l’ensemble ; est « bien » le « nouveau » qui cherche à s’imposer. Mais en fait, il n’y a pas de « mal », seulement de l’ignorance et de l’inconscience.
C’est ce discernement, cette connaissance exacte, qui, appliqué à soi-même, devient « connaissance de soi », ainsi qu’il était gravé sur le fronton du temple de Delphes : « Connais-toi toi-même ».
Le surmental est le plus haut niveau du mental, plan sur lequel raison et intuition sont à leur juste place. La première implication de cette union est l’obligation pour le chercheur de contacter et faire croître son être psychique, le Divin intérieur : c’est la signification de la première fille du couple, Athéna, la puissance qui aide à « l’évolution de la croissance de l’être intérieur ».
Alors que Métis était enceinte, Zeus fut averti par Gaia et Ouranos que le deuxième enfant que lui donnerait la déesse le détrônerait. Aussi s’empressa-t-il d’avaler Métis alors qu’elle était sur le point d’accoucher d’Athéna.
Il y a cependant une longue période, la durée d’une gestation, entre le premier mouvement de la conscience se tournant vers « l’intelligence discernante » (la fécondation de Métis), et le moment où cette conscience s’identifie totalement au processus du discernement (lorsque Zeus avale la déesse), marquant le véritable départ de la quête. Pendant cette gestation, et jusqu’au moment où Athéna émerge pleinement adulte, la préparation à la quête n’est donc pas consciente. Si elle naît déjà « revêtue de ses armes » de la tête de Zeus, c’est que la conscience de la guidance du maître intérieur est soudaine et ne se développe pas : où elle est présente, ou elle n’est pas, mais elle ne peut être « un peu ».
Le deuxième enfant qui doit naître de Métis, dans un avenir que la mythologie ne précise pas, consacrera la fin de la suprématie du mental, non pas sa destruction totale, mais son juste emploi. Le mental n’agira plus comme un tyran mais comme un serviteur qui exécute parfaitement par la raison ce qui est perçu par l’intuition. Lorsque l’être intérieur se sera suffisamment développé, ce deuxième enfant manifestera « la pensée juste, la parole juste, et l’action juste ».
Tirant ses forces d’un point de certitude intérieure, sous l’influence directe du plan de Vérité, l’homme agira avec puissance et détermination.
Il semblerait que cet enfant à naître représente une phase intermédiaire entre le mental et le supramental, une phase future dans laquelle l’homme, au niveau de l’humanité dans son ensemble, pourrait commencer à mettre en action les capacités de l’être psychique dans la vie.
Zeus et Thémis
La seconde union de Zeus fut celle qu’il contracta avec la déesse Thémis, une Titanide qui représente « les lois supérieures divines ». Avec les lettres structurantes, Θ+Μ, son nom indique une « soumission à l’être intérieur ». Déesse de la Justice, elle préside à l’ordre de toutes choses.
Elle est la mère des Heures, nom qui provient du grec Ωραι, construit autour de la lettre Rho (Ρ), « le juste mouvement de la Réalité » (le nom « Heures » est une traduction abusive du mot latin), qui définit donc trois « qualités » essentielles du surmental, plan de l’acte et du temps juste, et donc de la perception exacte de ce qui doit être, non pas selon nos vertus et notre morale, mais selon les lois divines.
Les Heures : Eiréné (Paix ou Sérénité), Diké (Justice), et Eunomia (Ordre), sont donc en termes de yoga, l’« équanimité », l’« exactitude » et la « pureté ».
Eiréné, la Paix, n’est pas la non-guerre, mais un état au-delà de ce que nous appelons paix et guerre, qui est la sérénité induite par le calme mental et l’obéissance à ce qui est reçu d’en haut, l’immobilité intérieure mentale et vitale que Sri Aurobindo appelle « égalité », un état au-delà de l’« équanimité », terme que l’on réserve à l’égalité émotionnelle. Cette « égalité » est atteinte lorsqu’aucun évènement extérieur, dans quelque domaine que ce soit, ne peut ébranler la paix intérieure. Par similitude de construction des noms, Eiréné est en quelque sorte Éros (la Joie Divine) qui se déploie dans la manifestation régie par le surmental.
La Justice (Diké ou Dicé) est « la juste manière d’agir », « l’exactitude ». Non la justice humaine telle que nous l’entendons, fondée sur la raison et la vertu, mais le mouvement exact issu de l’intuition qui conduit chaque être à sa perfection par le chemin le plus court et le mieux adapté à sa nature. Et si elle a aussi le sens de châtiment dans les mythes, c’est au sens où tout est agissant – acte, pensée, parole -et revient vers celui qui l’a généré, à l’instar du mouvement de l’Absolu. Le mot grec pour Heures est en effet formé sur la même racine qu’Éros ou Héra, et induit une notion d’aller-retour.
L’ordre (Eunomia) ou « la juste répartition », est ce que nous appelons ici Pureté : chaque pensée, chaque sentiment, chaque parole, chaque acte à sa juste place. C’est la base de l’Harmonie.
Ainsi, ce que nous appelons trouble, mal ou injustice ne sont que le résultat du désordre, d’éléments qui ne sont pas encore à leur place dans l’évolution. Le mal n’est tel qu’à nos yeux, car il prépare un plus grand bien. Ce qui a pu être nécessaire dans le passé doit souvent disparaître dans une nouvelle phase d’évolution, et devient donc « le mal ».
Thémis présidait à l’oracle de Delphes avant Apollon : c’est la soumission aux lois divines (les premières approches de l’équanimité, de l’exactitude et de la pureté) qui permettent de commencer la quête, avant que les lumières de l’être psychique ne puissent commencer à se manifester.
Dans l’Iliade, les Heures sont les divinités du « climat » et gardent, à l’aide de nuages, les portes de l’Olympe : nul chercheur ne peut prétendre égaler les dieux (accéder au surmental) s’il n’a réalisé une parfaite équanimité, une parfaite exactitude et une parfaite pureté.
Comme filles de Zeus et Thémis, Hésiode mentionne aussi les Moires (les Parques), les célèbres sœurs qui tiennent entre leurs mains les fils de la vie : Clotho « celle qui file », Lachésis « la destinée » et Atropos « l’inflexible ». Mais, dans un autre passage de la Théogonie, elles sont citées parmi les filles de Nyx « Nuit ». Cette dernière filiation exprime que la plupart des hommes ne connaissent pas le sens de leur vie, c’est-à-dire la tâche que l’âme s’est fixée pour son incarnation présente, et ne peuvent que se révolter contre ce qui peut sembler parfois une fin prématurée. Nous retrouverons les Moires dans le prochain chapitre.
Zeus et Eurynomé
Zeus s’unit ensuite à Eurynomé qui lui donna les célèbres Kharites (les Grâces) : la joie (Euphrosyne), la surabondance de vie ou la plénitude (Thalia) et le rayonnement (Aglaé).
Dans la tradition orphique, Eurynomé était la grande déesse qui régnait sur le monde avec le grand serpent Ophion, avant même l’apparition des Titans. Elle symbolise « l’ordre juste » suivi par l’évolution – le serpent est symbole d’évolution – qui régnait à l’origine de la manifestation, avant même l’apparition des puissances de création, et sous-entend une parfaite soumission au Réel. Les influences de son union avec Zeus peuvent parfois se faire sentir dès le début du chemin.
Selon l’Iliade, les Kharites tissèrent la robe d’Aphrodite, donnant à « l’amour en évolution » la responsabilité de répandre joie, plénitude et rayonnement. Ces grâces sont aussi dispensées lorsqu’elles participent au cortège des dieux, lorsque ceux-ci se manifestent dans la vie du chercheur.
Homère ne cite que « l’une des plus jeunes », sans même indiquer sa filiation : Pasithéa, dont le nom signifie « la vision totale », c’est-à-dire « l’éveil » total.
Zeus et Déméter
Puis Déméter, sa sœur, lui donna Coré, laquelle prit le nom de Perséphone à la suite de son mariage avec Hadès, assumant alors la liaison entre le conscient et l’inconscient corporel. Ainsi, la réalisation de l’union esprit-matière dépend-t-elle de la participation du plus haut plan du mental. Nous y reviendrons lors de l’étude de Déméter.
Zeus et Mnémosyne
Zeus s’unit ensuite à la Titanide Mnémosyne, qui lui donna les neuf Muses. Le nom de cette déesse évoque un travail sur les mémoires. Il signifie « celle qui se souvient (de tout en même temps) », la réunification obtenue par une mémoire « totale » retrouvée (passé, présent et futur) : Hésiode raconte comment les Muses lui accordèrent le don de chanter les temps passés et futurs, ou réjouissaient le cœur de Zeus en chantant l’histoire des dieux, des hommes et des géants.
Hésiode nous dit aussi que Mnémosyne était la maîtresse des coteaux d’Éleuthère, mot qui signifie « liberté » : elle en contrôle donc l’accès, et ses enfants témoignent du juste parcours du chercheur.
Les anciens les considéraient surtout comme pourvoyeuses de la Sagesse et de la Connaissance : elles savaient ce que le poète devait dire, comment le dire et de quelle manière il devait puiser à la source de la Connaissance.
Homère invoque les Muses avant de délivrer le long « Catalogue des vaisseaux », ce qui laisse entendre qu’il ne s’agit pas seulement d’une simple énumération de corps de troupes. Ce catalogue énumère en effet tout ce qui doit être accompli avant que ne commence la guerre de Troie, avant que ne se produise le premier grand renversement du yoga qui marque l’arrêt des spiritualités qui rejettent la matière et l’incarnation.
Hésiode ne nous livre que leurs noms qui expriment, d’une manière générale, inspiration, action de grâce, joie, plénitude, harmonie, temps juste, action juste, parole juste, autrement dit un accord avec les plans supérieurs de Vérité.
Calliope « à la belle voix » (celle qui dit la Vérité) », ou « à la belle vision » (celle qui voit la Vérité).
Clio « celle qui célèbre, qui nomme » (celle qui connaît l’essence des choses).
Érato « celle qui aime » (la juste attirance Esprit/Matière, (Ρ+Τ) celle qui aspire justement à l’Absolu).
Euterpe « celle qui exprime la joie, la plénitude ».
Melpomène « le chant de l’âme ».
Polymnie « celle qui chante de nombreux hymnes ».
Terpsichore « la plénitude de la danse » (le temps et le mouvement juste).
Thalie « la plénitude, la croissance » (de la liberté intérieure, Θ+Λ).
Uranie « l’extension de la conscience ».
Leurs attributions particulières dans les arts sont plus tardives et ne concernent pas la présente étude.
Filles de Zeus, elles résident, selon Homère, sur le mont Olympe : ce sont des réalisations du plus haut plan du mental, le surmental.
Pour Hésiode, elles vivent en Piérie, le lieu de « l’abondance », ou encore sur le mont Hélicon, « qui décrit une spirale » : elles sont alors les artisans ou les soutiens de la progression spirituelle de l’humanité selon le mouvement hélicoïdal, expression d’une croissance progressive à travers les cycles du mental et de la vie.
D’autres auteurs leur donnent pour parents Gaia et Ouranos, « la conscience suprême », ou, afin de réconcilier les traditions, parlent de « Muses anciennes », filles d’Ouranos, et des « Muses dernières-nées », filles de Zeus. Autrement dit, ce serait des expressions divines déjà manifestes dans les règnes végétal et animal, et l’homme pourrait les contacter aussi à ces niveaux en lui-même.
Les Muses interviennent dans les mythes lors du mariage ou de la mort des héros, ou pour châtier ceux qui osent se comparer à elles (ceux qui prétendent avoir atteint leur niveau de réalisation). La punition la plus célèbre fut celle infligée à l’aède Thamyris, dont le père était un cousin issu de germain de Laërte, le père d’Ulysse.
Ce sont aussi des mères appropriées pour les musiciens et chanteurs, tels Orphée ou Linos, le maître de musique d’Héraclès, qui incarne « l’évolution vers la liberté Λ+Ν », celui qui enseignait par le rythme (le temps juste), et l’harmonie (ou la pureté, au sens de chaque chose à sa juste place).
Zeus et Léto
Zeus s’unit encore à Léto, qui devint la mère des jumeaux divins Apollon et Artémis. Ces deux dernières divinités expriment les manifestations dans la conscience du rayonnement et de l’action de l’être psychique, ce corps qui grandit autour de l’étincelle divine.
Cette union indique que la conscience mentale doit travailler à la croissance de l’être psychique, jusqu’à ce que celui-ci passe au premier plan et que les plans inférieurs s’y soumettent, car Héra, la femme de Zeus, sait que les enfants de Léto « sont destinés à devenir de plus grands dieux que ses propres enfants ».
Zeus et Héra
Zeus enfin, prit pour épouse légitime Héra, celle qui représente « le juste mouvement selon l’Absolu ». Le jeu de l’expansion de la conscience mentale (Zeus) et de la limitation (Héra) pouvait alors dominer l’évolution afin de soutenir la croissance de l’humanité dans son ascension des plans du mental. Rappelons que l’évolution humaine s’était en effet donnée pour but ou identifiée à « l’Intelligence » depuis que Zeus avait avalé Métis.
Homère mentionne aussi les amours de Zeus avec la déesse Dioné « l’évolution vers l’union » qui lui donna Aphrodite. L’amour est alors considéré comme un processus en évolution qui vise à la réalisation de l’union avec le Suprême par le travail de la conscience mentale la plus haute. (Cf. ci-dessous l’étude d’Aphrodite.)
Avec des mortelles, Zeus eut de nombreuses aventures qui toutes expriment une impulsion issue de l’esprit et parvenant à la conscience à travers les plus hauts plans du mental. Si ses unions avec les déesses marquaient des étapes de croissance évolutive qui restent inscrites, ses unions avec des mortelles expriment surtout des ascèses nécessaires à des époques charnières du chemin mais qui ne sont pas destinées à perdurer. Dans tous les cas, les unes comme les autres ne peuvent intervenir que lorsque le chercheur est prêt.
Chacune d’elles peut aussi être considérée comme une aide de l’Absolu. En fait, il n’est pas de héros qui ne puisse compter Zeus parmi ses ascendants. Et, chaque fois, le dieu se manifeste sous la forme la plus appropriée : il se transforma en un séduisant taureau blanc, signe d’une grande puissance de réalisation par le mental lumineux, pour s’offrir à Europe ; il féconda Danaé sous forme d’une pluie d’or (symbole d’éclairs d’illumination) ; et il se changea en cygne (symbole de l’être psychique) pour s’unir à Léda.
Parmi ses unions avec des mortelles, celle qu’il conclut avec Maia tient une place particulière. Celle-ci est en effet la mère d’Hermès, le seul fils d’une mortelle qui accéda à l’Olympe dès sa naissance, étant le plus jeune des dieux et le dernier arrivé en ce lieu. Cette naissance établit ainsi un pont entre le monde des hommes et celui des dieux. Bien que classée dans la catégorie des nymphes dans la littérature tardive, aucun élément n’indique que Maia ait rang de déesse. Elle fait partie des sept Pléiades, symboles des étapes du mental, éléments transitoires de l’évolution dans la dualité, et donc à priori « mortelles ». En faisant grandir Hermès en lui, le chercheur accède progressivement à la Connaissance (à la Gnose), et peut se hisser au sommet du mental conscient, le plan du surmental où se tiennent les dieux.
En résumé : Zeus est la force située au plus près du monde des Titans, lequel est un monde de Vérité. Il est l’expression la plus haute, dans le plan mental, des principes divins. C’est à ce titre qu’il s’est uni à la suprême sagesse (ou Intelligence) Métis, et à l’infaillible justice, Thémis. Que l’homme doive devenir l’égal des dieux signifie qu’il devra un jour parvenir à l’état de sagesse, de sainteté et d’exactitude qu’ils représentent, ce qui ne sera toutefois qu’une étape de l’évolution.
Zeus et sa femme Héra sont des expressions, dans un plan plus dense, des principes supérieurs représentés par leurs parents, Cronos et Rhéa, et de façon encore plus subtile par leurs grands-parents, Ouranos et Gaia.
Ouranos est l’Espace infini de la Conscience. Cronos y a introduit un principe de limitation. Le couple Zeus-Héra représente donc, sur le plan mental, une tension entre les puissances d’expansion, Zeus, et de limitation, Héra. Zeus est aussi le symbole du franchissement des limites. Il nous appelle à dépasser les limites du mental, tout en le redoutant, car il sait que cela entraînera sa perte, comme l’en a prévenu Gaia. L’aigle, son oiseau symbole, est celui qui vole le plus haut, et donc le plus loin dans l’espace mental. C’est aussi par lui que Zeus manifeste son action, comme par exemple, lorsqu’il dévore le foie de Prométhée.
Le nom de Zeus, en écriture Ionienne, s’écrit ΕΥΣ. Zeus est donc le lien entre les plans supérieurs de l’esprit (le supramental) et les plans inférieurs du mental, de la vie et du corps.
Lorsque le chercheur atteint ce niveau des dieux (le surmental), la Vérité du plan de l’Esprit est perçue par l’intuition dans un flot continu, et la raison agit comme un outil d’exécution avec la pleine adhésion du vital et du corps.
Zeus représente donc le plus haut niveau qu’un être humain puisse atteindre actuellement de façon stable dans le mental.
A noter aussi, comme nous le verrons dans la tentative d’usurpation du pouvoir par Athéna, Poséidon et Héra, que Zeus n’encourage pas du tout un rétrécissement de la vie, bien au contraire. Il est le symbole d’une spiritualité qui cherche à développer et parfaire toutes les potentialités de l’être. Sri Aurobindo nous le rappelle :
« C’est une grave erreur d’imaginer que la spiritualité s’épanouit le mieux sur un terrain appauvri avec une vie à moitié tuée et un intellect découragé et intimidé. La spiritualité qui s’épanouit de cette façon-là est quelque chose de morbide et de maladif qui s’expose à des réactions dangereuses. »
Puisque sept autres dieux de l’Olympe sont ses enfants – Héphaïstos, Arès, Aphrodite, Athéna, Apollon, Artémis et Hermès – il est aussi la source de ce que représentent ces dieux. De lui sont issues également quelques autres divinités, comme les Muses et les Moires que nous venons de voir, ainsi que Perséphone, la fille qu’il eut de sa sœur Déméter, symbole de l’exploration des royaumes de l’inconscient corporel.
Zeus en nous
Zeus en nous est d’abord et surtout ce qui aspire à croître, à nous dépasser, à franchir ce qui nous limite et nous enferme (c’est un amant insatiable), la force qui appelle au développement de toutes nos potentialités. Car le yoga ne doit pas être un rétrécissement de la vie, ni un dessèchement, mais un travail de perfectionnement de toutes nos capacités, quelles qu’elles soient, en vue de l’accomplissement de l’œuvre divine.
Il est l’appel à réaliser l’union du ciel et de la terre (), ce qui implique exactitude, équanimité et pureté.
Il représente aussi ce qui, en nous, peut connaître « par éclairs », et recevoir des fulgurances de la connaissance la plus haute (Métis) et de ce qui est juste selon l’ordre de l’Absolu (Thémis). Il est aussi à l’origine des expériences humaines les plus élevées (muses).
Il est cette énergie redoutable qui frappe massivement sans hésiter lorsque l’on doit détruire les ennemis intérieurs (par sa foudre), mais son bras armé est le plus souvent son fils Arès.
Comme maître des tempêtes, il peut délivrer des tourbillons émotionnels ou mentaux soulevés par son frère Poséidon. L’épithète homérique « assembleur de nuées », suggère peut-être que le surmental est un lieu d’unification de toutes les idées et formes mentales, au-delà de toutes les contradictions.
Enfin, il est le symbole de la transition vers l’Unité (le génitif de son nom est Διος, le delta étant symbole de ré-union). Il est donc à même de mettre fin en nous au sentiment de se sentir « séparés », sentiment qu’il a lui-même induit en condamnant le Titan Atlas à porter le ciel sur ses épaules, symbole de la séparation de l’Esprit et de la Matière.
Il sera surtout sollicité lors des combats les plus avancés dans le yoga tels que décrits dans la Gigantomachie.