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Le mythe présente ensuite quelques autres erreurs dont le chercheur doit prendre conscience sans toutefois devoir les redresser à ce stade, car les Argonautes passent « au large » : l’attrait pour une voie rude censée plaire au Divin, la confiance dans l’efficacité prédominante du mental, les projections et les énergies bloquées.
Les Argonautes longèrent le pays des Chalybes dont les habitants ne se souciaient pas de labourer ni de faire paître les troupeaux, ni de cultiver des fruits doux comme le miel, mais extrayaient le minerai de fer sans jamais prendre de repos. C’est dans les flammes et les fumées noirâtres qu’ils s’épuisaient à ce dur labeur.
Est dénoncé ici un souci d’investigation excessif dans les profondeurs du subconscient – nommées de nos jours inconscient – qui conduit à une grande dureté de l’âme (Chalybe signifie « fer durci, acier »), en lieu et place d’une saine préoccupation pour un travail régulier et consciencieux de yoga fait en douceur. C’est un chemin ardu qui repose sur son propre effort et sa propre volonté, tout le contraire de « la voie ensoleillée » qui suppose un abandon. L’auteur ne dit pas cependant que l’on ne peut en retirer des résultats puisque les Chalybes extrayaient du minerai.
Ils ne se souciaient pas de labourer : le chercheur ne travaille pas comme il devrait sa propre nature pour la purifier et la perfectionner en vue de l’union. Autrement dit, ils ne se souciaient pas des travaux de Déméter « la mère de l’union ». Ils ne souciaient pas non plus de faire paître les troupeaux ni de cultiver des fruits doux comme le miel : la vigilance pour un juste développement des potentialités de son être n’est pas non plus la préoccupation du chercheur, encore moins la recherche de ce qui peut apporter une joie psychique.
Puis ils passèrent au large du pays des Tibarènes. Chez ce peuple, quand les femmes donnaient des enfants à leurs maris, ce sont eux qui gémissaient, abattus sur leur lit, la tête bandée, tandis que leurs femmes prenaient bien soin de les nourrir et leur préparaient le bain des accouchées.
Dans cette histoire, c’est une inversion entre les buts et les travaux de yoga qui est soulignée : le chercheur prend un moyen ou sa discipline de yoga pour le but.
Par exemple, il attache de plus en plus d’importance au cadre de sa méditation ou à une discipline tel le hatha yoga, le peaufine, le met au premier rang de sa vie et lui apporte toutes sortes de justifications et de contributions (le nourrit). Il se polarise sur sa pratique en la cautionnant par sa propre vision du but.
Tandis qu’une nouvelle dynamique de l’être se manifeste (les femmes qui accouchent), la partie active dans le mental est inopérante (la tête bandée) et le chercheur se plaint, imaginant avoir durement œuvré et mériter soins et réassurance. C’est en fait une espèce de chantage avec le Divin qui se poursuit longtemps dans le yoga, de façon sournoise, pour la satisfaction de l’ego : si je suis un bon disciple, je mérite bien ceci ou cela.
Dans ce cadre peuvent être inclus tous les attachements à des travaux qui devraient être pratiqués avec souplesse et abandonnés dès que le but est atteint. Ainsi par exemple les attachements de principe aux vertus, au renoncement, à la non-violence, etc. (Tibarènes signifie probablement « se charger d’un poids lourd dans l’esprit »).
La voie du renoncement était sans doute nécessaire dans les spiritualités anciennes qui visaient uniquement les paradis de l’esprit, mais elle ne peut plus l’être de nos jours dans une spiritualité qui vise un épanouissement de toutes les potentialités de la vie dans la Vérité. Elle peut et doit sans doute être une étape temporaire, mais doit préparer un retour à la vie sur la voie du non-attachement qui est beaucoup plus difficile à réaliser.
Il faut toujours se souvenir que le yoga est fait de renversements et que ce qui constituait une aide à une étape du chemin devient un obstacle dans la suivante.
Le Divin étant patient avec le chercheur, celui-ci reçoit quand même « le bain des accouchées ».
Puis les héros passèrent devant le pays des Mossynèques chez qui les coutumes différaient de celles des autres peuples : « tout ce qu’il est d’usage de faire ouvertement en public, ils l’accomplissent dans leur maison. Et tout ce que nous faisons dans nos demeures, ils l’accomplissent dehors sans s’exposer au blâme. Ils n’ont même pas honte de s’accoupler en public, mais comme des porcs à l’engrais, sans le moindre égard pour l’assistance, ils s’unissent par terre aux femmes. »
Il s’agit aussi ici d’une inversion, non plus entre la pratique et le but, mais entre l’intérieur et l’extérieur. Je pense qu’il s’agit ici de chercheurs qui divulguent leur vie intérieure et leurs expériences sur la place publique, y compris même par des démonstrations de leurs pouvoirs (les accouplements), alors que l’expérience intérieure doit être longtemps tenue secrète pour garder sa puissance de réalisation. En revanche, ils dissimulent soigneusement leurs actes qui, bien sûr, ne sont pas en conformité avec ce qu’ils prétendent avoir réalisé.
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