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Ayant pénétré dans l’Éridan, les héros passèrent près du lieu où se décomposait le corps de Phaéton. Celui-ci, autrefois, avait demandé à conduire le char de son père Hélios. Mais il fut incapable de le maîtriser, et comme le monde menaçait de s’embraser, Zeus avait été obligé de le foudroyer. Il tomba dans un marais qui exhalait encore une lourde vapeur sortie de sa blessure. Aucun oiseau ne pouvait franchir ces eaux car il était précipité dans le brasier.
Le jour, les Argonautes s’épuisaient, affaiblis et accablés par l’odeur fétide et insupportable du corps fumant de Phaéton. La nuit, ils entendaient sans cesse les plaintes des Héliades, les filles d’Hélios qui pleuraient leur frère.
Puis ils pénétrèrent dans le cours du Rodanos, confluent de l’Eridan, qui venait « des confins de la Terre où sont les portes et les demeures de la Nuit ». Il se déverse à la fois sur les côtes de l’Océan, dans la mer Ionienne et dans la mer de Sardaigne où il envoie ses eaux par sept bouches. S’avançant plus avant en territoire Celte, ils auraient trouvé un destin misérable si Héra n’avait veillé sur eux.
Ramenés en arrière, ils « comprirent » la route du retour.
Ayant dépassé « l’ouverture du milieu », ils débarquèrent aux îles Stoichades sains et saufs grâce aux Dioscures (Castor et Pollux, les « fils » de Zeus,) qui protégeraient aussi « les vaisseaux des hommes à venir ».
Le chercheur est ici doublement averti.
En premier lieu, contre toute présomption spirituelle, celle de celui qui veut s’emparer du ciel alors qu’il n’est pas prêt. Cela conduit à une expérience qui laisse dans le vital des traces indélébiles, un feu effrayant qui épuise par les énergies négatives qu’il émet. Il est à l’exact opposé de l’odeur de sainteté (l’odeur fétide qui se dégage). En fait, ici, le chercheur n’est pas confronté lui-même à cette chute spirituelle mais en est simplement le témoin (les Argonautes sont affaiblis, épuisés et accablés par l’odeur fétide). Il est confronté à une psychose résultant d’une tentative ancienne de s’emparer du ciel, du Divin, et du sentiment de toute puissance qui en est résulté. Sur ce drame d’un feu qui brûle sans s’arrêter dans un « marais » intérieur vital, la pensée est impuissante : sur la psychose, la parole et la pensée n’ont pas prise (Aucun oiseau ne pouvait franchir ces eaux car il était précipité dans le brasier). Y est associée une plainte de ne pouvoir dispenser aux autres la haute lumière spirituelle dont le psychotique est détenteur (les Héliades pleuraient leur frère).
Le second avertissement semble signifier que le chercheur ne doit pas chercher à éveiller le « serpent » de la Kundalini, cette énergie lovée au bas de la colonne vertébrale, « aux confins de la Terre où sont les portes et les demeures de la Nuit ». Cette énergie alimente à la fois le corps subtil, l’évolution de la conscience et les sept chakras (Il se déverse à la fois sur les côtes de l’Océan, dans la mer Ionienne et dans la mer de Sardaigne où il envoie ses eaux par sept bouches).
S’il poursuivait dans cette voie, le chercheur se mettrait en danger s’il tentait de continuer plus avant. La grâce divine qui veille, celle qui pose des limites, fit en sorte que cela ne se produise pas. Le chercheur retrouve le chemin juste, s’aidant à la fois de fermeté et de douceur (les Dioscures).
Le chercheur doit donc rester dans l’équilibre de la voie du juste milieu (l’ouverture du milieu).
Ces deux expériences peuvent sans nul doute conduire à la folie, et peut-être même à la mort si l’on n’y prend garde.
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