Les Argonautes et les oiseaux de l’île d’Arès

 

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LA RENCONTRE AVEC LES FILS DE PHRIXOS

Les héros arrivèrent alors à proximité de l’île d’Arès. Elle était peuplée d’oiseaux dont les plumes se détachaient et tombaient du ciel comme des flèches acérées, causant de graves blessures. Les Argonautes se souvinrent alors du stratagème d’Héraclès au lac Stymphale : le recours à des claquettes de bronze pour chasser les oiseaux.

Ils se mirent alors à frapper sur leurs boucliers en poussant des cris sauvages. Effrayés, les oiseaux s’enfuirent et les Argonautes purent débarquer sans plus de risques.

Les oiseaux sont des symboles de mouvements mentaux. La quête des Argonautes se situant dans les débuts du chemin, il s’agit ici des pensées destructrices, celles qui jugent ou véhiculent haine, mépris, etc.

Les oiseaux du lac Stymphale combattus par Héraclès sont davantage liés au processus de purification qui doit être fait jusque dans les couches profondes du vital, jusqu’au mental physique. Il s’agit en effet pour ce grand héros d’identifier et de séparer les mouvements mentaux des processus purement vitaux. En particulier, par exemple, la couche du mental physique défaitiste qui maintient le corps dans un processus de maladie et l’empêche de guérir par ses propres forces.

Le travail se fait ici sur l’île d’Arès, où agit la force qui au niveau des formes mentales détruit ce qui n’a plus sa place. Cette île est aussi le lieu des pensées duelles.

Apollonios décrit un stratagème qui s’inspire de l’usage par Héraclès des claquettes de bronze. C’est « ce qui s’occupe de la maîtrise » (Amphidamas) qui propose la discipline : si la technique du Mantra ne semble pas explicitement décrite ici, Apollonios préconise de lutter contre ces pensées nocives en les empêchant de pénétrer la conscience (par l’usage du bouclier) et en les combattant par la flamme de l’aspiration (agitation de l’aigrette pourpre) alliée à une forte détermination soutenue par une expression puissante (prières, mantras, etc.).

 

C’est à ce moment que les héros rencontrèrent les fils de Phrixos qui avaient quitté le royaume d’Aiétès pour tenter de récupérer l’héritage de leur grand père Athamas. Peu après le départ, ces derniers avaient essuyé une forte tempête. Leur bateau avait sombré et ils avaient été jetés sur les rivages de l’île. Ils acceptèrent d’accompagner les Argonautes jusqu’en Colchide, non sans les avoir avertis des grands dangers qu’ils allaient encourir. 

Rappelons que Phrixos « le frémissement » avait échappé au sacrifice en s’enfuyant avec sa sœur Hellé sur le dos du Bélier à la Toison d’Or. En Colchide, le roi Aiétès, fils du soleil et donc expression de l’âme, lui avait donné l’une de ses filles en mariage, Chalciopé « l’inflexibilité » (marque de l’âme qui est sans compromis) dont il eut quatre enfants. (Phrixos n’intervenant plus dans la suite des mythes, les auteurs lui réservèrent une longue vieillesse en Colchide.)

La rencontre des fils de Phrixos et des Argonautes indique que le chercheur se remémore cette toute première expérience et fait le rapprochement avec ce qu’il recherche désormais. Ces fils de Phrixos sont les symboles d’une certaine nostalgie, d’un appel à retrouver l’état et les moyens qui avaient conduit au premier « contact du Réel » (ils voulaient récupérer l’héritage d’Athamas). Ce sont eux qui vont guider le chercheur jusqu’à la récupération de la sensibilité correspondante (ils vont guider les Argonautes jusqu’en Colchide).

Mais la jonction ne pouvait s’opérer avant que la quête n’ait suffisamment progressé, aussi un naufrage bien opportun les avait-il contraints à la patience.

En outre, lorsque s’opère cette jonction, le chercheur reçoit des signes précis qui l’avertissent qu’une expérience importante l’attend, de même nature que le premier « frémissement ».

 

Puis les héros passèrent à proximité de l’île sur laquelle Cronos, trompant Rhéa, s’unit à la nymphe Philyra qui lui donna « le bon » Centaure Chiron.

Nous avons rencontré le « bon » Centaure Chiron au début de ce chapitre. Rappelons qu’il représente les capacités de concentration, d’harmonisation, de maîtrise et de purification acquises avant de rentrer sur le chemin.

C’est la plus haute réalisation de celui qui n’a pas encore purifié sa nature inférieure. Toutefois il s’agit d’une réalisation exceptionnelle puisque Chiron est immortel, c’est-à-dire qu’il n’appartient pas au champ de la dualité. Cette capacité d’harmonisation devra cependant être abandonnée dans le yoga du corps afin de ne pas interférer : (Chiron, souffrant horriblement d’une blessure au genou qui était incurable, échangera son immortalité selon certains avec Héraclès, selon d’autres avec Prométhée.)

Le fait que les héros passent seulement à proximité de l’endroit où il fut conçu laisse entendre que le chercheur approche temporairement la science la plus haute en matière de guérison, la source des méthodes où il peut être un simple canal pour les puissances issues des mondes de l’Unité.

 

Puis ils entrevirent à l’horizon les cimes du Caucase et entendirent la voix déchirante de Prométhée. Celui-ci était enchaîné à la montagne et son foie, dévoré le jour par l’aigle de Zeus, se reconstituait durant la nuit.

Dans cet épisode, le chercheur prend conscience du phénomène des cycles dans le mental, tel qu’il est illustré par la fin du mythe de Prométhée, « celui qui met au premier plan son aspiration pour la croissance de son être intérieur ».

Rappelons que ces cycles règlent aussi le fonctionnement mental selon de très longues périodes où alterne la prépondérance des forces de séparation et celles qui ramènent vers l’unité (forces de fusion). Plus la pensée et la réflexion prirent de place, plus se forgea la conscience mentale, plus l’homme, malgré lui, vécut sous l’influence alternée de ces forces.

Cela se manifeste dans l’histoire des civilisations par la succession des périodes humanistes qui mettent l’homme au centre et des Moyens Âges pour lesquels c’est le Sacré qui occupe cette place. Le mode de fonctionnement du mental est donc très différent selon les périodes, et il faut comprendre que l’on ne pensait pas du tout au Moyen Âges comme maintenant, indépendamment de l’évolution.

Le jour symbolise les périodes d’éloignement, de distanciation, de séparation, durant lesquelles le lien au Réel se distend (le foie diminue), tandis que la nuit favorise le rapprochement et l’intimité avec l’Absolu (le foie se reconstitue).

L’aigle de Zeus est le symbole de l’action des forces du plan des dieux, le plus haut de la conscience mentale, qui supervise cette alternance, laquelle est absolument nécessaire pour permettre l’individuation sans que l’humanité ne s’éloigne toutefois irrémédiablement de l’Unité. Lorsque le chercheur entre dans la non-dualité mentale, lorsqu’il devient un « connaissant », il se libère de la soumission à ces cycles, et l’Aigle de Zeus peut alors disparaître. C’est le symbolisme du travail d’Héraclès consacré à la quête des pommes des Hespérides.

Apollodore mentionne un échange d’immortalité entre Chiron et Prométhée, mais cette version ne fait pas l’unanimité. Eschyle écrivit un « Prométhée délivré » dont nous ignorons tout, mais la tradition tardive entérina la délivrance du Titan par Héraclès.

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