APOLLON – INTERPRÉTATION

Apollon, fils de Zeus et Léto, est le dieu de la lumière intérieure psychique.

Apollon et Héraclès luttant pour le tripode de Delphes - Musée du Louvre

Apollon et Héraclès luttant pour le tripode de Delphes – Musée du Louvre

Poséidon clôt la liste des sept dieux issus de Cronos. Les cinq autres dieux de l’Olympe, dont Apollon et sa sœur Artémis, sont issus d’unions de Zeus avec des déesses appartenant à la descendance d’autres couples de Titans. Ils incarnent donc l’interaction du plus haut plan de la conscience mentale (en tant qu’enfants de Zeus), en vue d’un développement d’autres modalités de la Conscience divine. Ils correspondent à des « éveils » qui supposent déjà une certaine maturation de la conscience.

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Dans la branche du Titan Océanos, lorsque la conscience mentale la plus haute (Zeus) « féconde » le courant de l’intelligence cosmique ou suprême sagesse (Métis) dans l’être, l’homme s’éveille à la nécessité de la quête intérieure (Athéna).

Lorsqu’il commence à rechercher consciemment l’Union (lorsque Zeus s’unit à Dioné)*, le chercheur s’éveille à l’Amour (Aphrodite).
*(Nous considérons seulement ici la version d’Homère dans laquelle Aphrodite est fille de Zeus et Dioné, c’est-à-dire le concept de l’amour évolutif avec participation de la conscience mentale, et non celle d’Hésiode qui fait apparaître l’Amour avec la vie, au tout début de la création.)
Dans la branche du Titan Japet, qui inclut toutes les étapes du développement mental jusqu’à la frontière du supramental, l’homme s’éveille à la Connaissance. Il accède au surmental symbolisé par Hermès, le dernier arrivé sur l’Olympe, pour devenir un jour l’égal de ce dieu lorsque l’être sera totalement « consacré » et parfaitement sous l’influence du divin (lorsque l’union de Zeus et Maia « la conscience consacrée réceptive » ou parfait « surrender » » sera accomplie).

Enfin, dans la branche du Titan Koios, le contact du supraconscient avec l’être psychique (la divine Léto) produit des puissances de Lumière et de Volonté réalisatrice ou d’Intégrité, représentées par les deux jumeaux divins Apollon et Artémis.
Léto est en effet le symbole de l’être psychique en formation.
Astéria, sa sœur, peut être envisagée soit comme « l’âme » ou « étincelle divine » autour de laquelle va se constituer l’être psychique, soit comme les innombrables expériences de lumière qui en font le lit.
Poursuivie par Zeus, elle se jeta dans la mer et se transforma en l’île d’Ortygia « l’île aux Cailles » sur laquelle Léto accoucha d’Artémis et d’Apollon. Sous l’effet des forces qui entraînent vers le supraconscient (Zeus), les premières expériences lumineuses ou illuminations du chercheur (Astéria) établissent le fondement de ce qui va libérer « l’Aurore » de son emprise de ténèbres. Le mot Ortygie signifie en effet « caille ». Dans le Rigvéda, elle symbolise « la libération de l’Aurore » arrachée à la gueule des ténèbres : « La caille vous a appelé, Ô Açvins, lorsque vous l’avez délivrée de la gueule du loup ». Elle est le symbole de « tout ce qui réapparaît après un voyage dans la nuit »

Apollon est donc en tout premier lieu le dieu qui accompagne la lumière naissante dans l’homme. Aussi lui donnait-on le surnom de « Lukéios », mot construit à partir d’une racine très ancienne qui signifie « la lumière qui précède l’aube ». Dans les Védas, il était nommé Agni, le Feu mystique. Hestia, nous l’avons vu, en est la gardienne.

L’être psychique a été mentionné déjà à plusieurs reprises comme étant ce corps qui se construit autour de l’étincelle divine en chacun. Selon les Védas, « il n’est pas plus gros que le pouce », ce qui signifie qu’il en est encore à un stade très embryonnaire dans l’humanité. Il ne gouverne les autres plans de l’être (physique, vital et mental) que chez un très petit nombre de personnes. Ses premières manifestations peuvent être l’attrait pour la beauté, la justice et la vérité. Lorsqu’on le contacte, il est perçu comme un feu intérieur.
Contrairement aux autres corps, il n’est pas dissous après la mort. Toutefois, chez les rares initiés qui ont réussi à unir durant leur vie être psychique et mental, ce dernier peut être conservé après la mort.
L’être psychique étant partie intégrante de l’Unité – expression de la diversité du Divin dans l’Unité – il doit entraîner la nature inférieure à sa suite. Le travail du Yoga est de le contacter (car il est ignoré de la presque totalité des hommes) puis de le faire passer au premier plan et lui soumettre progressivement tout ce que l’on est et tout ce que l’on fait. Jusqu’à abandonner tous les attachements, apprendre à ne jamais se servir de l’autre d’aucune façon, n’être plus ni dépendant ni captateur, devenir sans peur et sans désir, sans jugement, sans agressivité ni besoin de plaire.

Transmettant une lumière provenant du plan de Vérité, Apollon émet des prophéties infaillibles, dans la mesure où elles ne sont brouillées ni par le mental ni par le vital. Fils de Zeus, il transmet sa volonté, c’est-à-dire infuse dans la conscience les influences du surmental qui trouvent leur origine dans le plan de vérité supramental. Mais tant que le chercheur n’a pas réalisé le contact permanent avec son être psychique qui seul permet une juste mise en acte de ce qui est perçu en vérité, ses perceptions restent voilées, filtrées et déformées par le mental. Aussi la volonté de Zeus est-elle révélée par énigmes.
Le chercheur a donc besoin d’interpréter les signes que lui donne la vie diurne ou nocturne, messages de l’âme transmis par l’intermédiaire des autres plans, d’où la nécessité d’une Pythie et de ses prêtres. Il lui faut donc réaliser un état de réceptivité qui ne doit pas être perturbé par le mental ou le vital et disposer d’une grille d’interprétation symbolique des messages reçus.

Apollon, dieu de la lumière issue du psychique (c’est Hermès qui est le dieu de la lumière mentale), est donc aussi le dieu de l’inspiration, de la poésie, de la musique et des arts en général. Car c’est d’abord par le sens de l’harmonie, de la justice et de la beauté (vérité) que l’homme approche son être psychique. Délégué de l’harmonie supérieure, il veille bien sûr à la guérison, laquelle est le résultat d’une purification (chaque chose à sa place).

Certains auteurs anciens semblent l’avoir confondu avec Hélios, le soleil, fils du dieu du plan supramental de Vérité (le Titan Hypérion) où se tiennent toutes les âmes. Cette confusion est compréhensible car la nuance était difficile à saisir pour les non-initiés. Hélios est le plan cosmique de l’âme, le rayonnement du monde de Vérité supramental tandis qu’Apollon et Artémis ne sont que les manifestations de l’être psychique individualisé (Léto) que sollicite le supraconscient et que l’âme rassemble autour d’elle dans sa pérégrination à travers les vies.
L’être psychique est notre vrai Moi, ce que l’on est appelé à devenir, ce qui grandit autour de l’âme, l’étincelle divine dans tout ce qui vit. Lorsque qu’il prend les rênes de la personnalité, Apollon et Artémis s’émancipent de la tutelle de Zeus – ils deviennent de plus grands dieux que les enfants de Zeus et Héra, Arès et Héphaïstos – , et les perceptions-actions deviennent directes, sans passer par le mental.
Dans une phase beaucoup plus avancée du yoga, les perceptions se produisent au niveau du corps, et sont décrites par les enfants d’Hélios : Circé comme pouvoir de vision directe et d’organisation de la Vérité dans tous les détails, Aiétès comme conscience totale et pouvoir de réalisation.

Apollon est un dieu de radiance. La première rencontre du chercheur avec l’être psychique est donc le résultat d’une ouverture, se manifestant par une perception de l’ordre de la lumière, un rayonnement intense pouvant se produire sur différents plans. Lorsque cette lumière éclaire le mental, les traditions la nomment « illumination ». Dans le cœur, c’est l’expérience de l’amour universel.
Ce premier contact peut être accompagné de capacités nouvelles dans le domaine des arts, de celles qui expriment la Vérité ou l’Essence des choses dans une harmonie supérieure.

L’être psychique a deux aspects essentiels, l’un de rayonnement, l’autre de volonté réalisatrice ou intégrité. Apollon est l’aspect rayonnement, aussi l’appelle-t-on souvent Phébus, « le lumineux », du nom de sa grand-mère Phoebé. Artémis est l’aspect Volonté. Si c’est un personnage féminin, c’est parce que cette volonté n’est plus celle de l’ego, mais celle de l’être psychique : connaissance intuitive de ce qui doit être fait et action juste avec une volonté unifiée, en accord avec le symbolisme de son arc. Il ne s’agit pas d’un vouloir qui est crispation de l’ego, mais de la Volonté qui est connaissance du but, aspiration et détermination de tout l’être vers sa réalisation : en ce sens, le couple de jumeaux est le symbole de l’ « agir » (aussi appelé « non-agir » dans certaines traditions) et non du « faire ». L’Acte est l’exécution à l’aide du mental logique de ce qui est perçu par l’intuition, après purification de ces deux instruments de tout désir et de toute déformation de l’ego. A ce niveau, il y a équilibre des pôles masculin et féminin, car les deux jumeaux manient l’arc avec une égale habilité.
Apollon est aussi appelé « celui qui frappe au loin » car les buts du psychique visent la progression de l’âme sur le long terme et non les satisfactions immédiates.

Apollon et Artemis. Musée du Louvre

Apollon et Artemis. Musée du Louvre

La naissance de ces jumeaux divins fut quelque peu mouvementée :
Léto était enceinte des œuvres de Zeus et cherchait en vain un endroit pour accoucher, car aucun lieu de la terre n’acceptait de la recevoir, nul n’ignorant que son fils règnerait un jour sur les dieux et les hommes. Certains disent que c’était seulement par crainte de la colère d’Héra qui savait que les enfants à naître seraient un jour de plus grands dieux que ses propres enfants. Seule une île flottante et stérile, Ortygie « l’île aux cailles », voulut bien accueillir la déesse contre la promesse qu’Apollon en fasse son sanctuaire. En reconnaissance, Apollon, quelque temps après sa naissance, devait ancrer l’île au fond de la mer et lui donner le nom de Délos « la brillante ».
Si nul lieu ne veut recevoir Léto pour son accouchement, c’est pour montrer qu’il y a toujours de fortes résistances dans l’être pour laisser entrer le Nouveau, surtout celui dont le chercheur a l’intuition qu’il va bouleverser sa vie et remettre en cause toutes les formes de yoga auxquelles il est habitué.
Nous avons vu que la caille était le symbole de ce qui « libère l’Aurore » de la griffe des ténèbres. Si l’île Ortygie était stérile et flottante jusqu’à présent, c’est que les expériences précédentes n’avaient pas permis au chercheur de comprendre sa « tâche ». Avec l’expérience de la lumière psychique, il commence à l’appréhender.
Si Héra s’oppose de toutes ses forces à la naissance des enfants de Léto, les considérant comme de plus grands dieux à venir que les siens propres, c’est que cet être psychique, une fois devenu adulte, c’est-à-dire ayant pris le contrôle total de la personnalité sur tous les plans (mental, vital et corps), ne sera plus dépendant des formes et des lois de la conscience mentale.

Toutes les grandes déesses assistèrent à la naissance, sauf Héra qui retint auprès d’elle Ilithye, la déesse des accouchements. Après neuf jours et neufs nuits, les déesses dépêchèrent Iris auprès d’Ilithye avec la promesse d’un magnifique collier, pour hâter son intervention. Dans la version d’Hygin, Héra avait décrété que Léto ne pouvait accoucher dans aucun endroit éclairé par le soleil. Poursuivie par Python, il fallut l’intervention de Zeus qui l’envoya à Poséidon afin qu’elle accouchât sous un dôme de vagues. Cette légende complète celle du retard de l’accouchement, car elle indique que l’être psychique naît dans l’obscurité du subconscient.
Selon certains, Apollon naquit à Délos et Artémis sur l’île d’Ortygia.
Au moment précis de la naissance d’Apollon, des cygnes sacrés vinrent voler au-dessus de l’île et en firent sept fois le tour. Le nouveau nom de l’ile, Délos, signifie « Δ+Λ, unité et liberté : libre de tous les attachements ; conscience et expérience de l’unité fondamentale de toutes choses ».
Puis Zeus offrit à son fils une mitre d’or, une lyre et un char attelé de cygnes.
Héra, en tant que puissance qui veille à ce que rien ne reste en arrière, retarde symboliquement l’accouchement : tout dans l’être doit être prêt.
Certains auteurs considéraient que le travail de purification et d’intégrité était plus important que l’expérience de la lumière pour le contact du psychique, et firent donc naître d’abord Artémis, parfois sur l’île qui avait conservé son ancienne dénomination, Ortygie. Le travail d’Apollon ne pouvait commencer qu’après cette purification.

La mitre est le symbole de la maîtrise, de la connexion aux mondes de l’Esprit et donc de l’inspiration et de la consécration à l’Un, la lyre est celui du rythme et de l’harmonie et donc de la maîtrise vitale (selon le juste mouvement d’individuation, de libération Λ+Ρ) et le char attelé de cygnes, celui du mouvement de la vie guidé et tiré par l’être psychique.

Selon l’Hymne à Apollon, le dieu ne fut pas allaité par Léto, mais c’est Thémis qui le nourrit de nectar et d’ambroisie : Thémis étant une Titanide (la mère des Heures et des Moires) incarnant au plus haut point les lois divines, cette histoire montre que l’être psychique croît par la soumission du chercheur aux « Lois divines ».
Puis Apollon déclara qu’il annoncerait la volonté infaillible de Zeus, son père, et se mit donc en quête d’un lieu pour son oracle. Il s’arrêta en Béotie, à la source de la nymphe Telphousa où chevaux et mules venaient s’abreuver. Mais celle-ci lui recommanda d’aller jusqu’au mont Parnasse car elle craignait que la « brillance » d’Apollon ne la rejetât dans l’ombre.
Enfants de Zeus et Léto, Apollon et Artémis représentent la manifestation de l’être psychique révélée par le supraconscient. Le chercheur doit apprendre à reconnaître leurs voix au milieu de toutes celles qui s’élèvent de tous les plans de son être.
Si la nymphe demande au dieu de passer son chemin, c’est que le lieu de culte de celui-ci, symbole à la fois d’un contact conscient et d’une régularité, ne devra pas être confondu avec les premières tentatives du chercheur, « la source qui fait naître la volonté d’accomplissement » (Telphousa) au pays des débutants, la Béotie.

Lorsque le jeune dieu, arrivé près du mont Parnasse, trouva à Delphes un site idéal pour son culte, il comprit les intentions cachées de Telphousa car le site était gardé par un terrible dragon femelle appelé dans les mythes tardifs Python, qui tuait ceux qui s’en approchaient. Le dieu vainquit le dragon puis s’en revint punir Telphousa. Cachant ses sources sous une colline, il subordonna son culte au sien.
Lorsque la lumière de l’être psychique émerge, elle bouscule la conception que le chercheur avait jusque-là de la voie et elle subordonne les moyens et les énergies qui soutenaient la quête jusque-là, les plaçant sous son contrôle. L’être psychique place sous sa propre autorité « ce qui pousse vers l’accomplissement » : le développement complet des potentialités de l’être, qui remplace celui de l’ego (le culte de Telphousa), devient dépendant de la lumière psychique.

Avec la mort du dragon et donc le premier contact conscient avec l’être psychique, le chercheur franchit un palier dans son évolution.
Le mythe précise que c’est un dragon femelle afin d’éviter une confusion : les anciens soulignaient une force d’opposition ou même une perversion en inversant le sexe usuel du symbole. La force d’évolution étant représentée par un serpent mâle, le serpent femelle est donc un blocage de l’évolution. De même, opposé au Sphinx, symbole de sagesse, on trouvera la Sphinge de Thèbes, sagesse pervertie, qu’Œdipe devra affronter.
Le nom Python signifie « se putréfier », et, avec les lettres structurantes, représente « un arrêt (Π) de ce qui croît à l’intérieur (θ) » qui confirme l’idée d’une force d’évolution bloquée.
L’être psychique est le premier outil qui se manifeste en opposition à la « putréfaction », et donc le premier instrument pour parvenir à l’immortalité. La découverte de l’être psychique est donc un contact avec la réalité de l’immortalité de l’âme, de l’irréalité de la mort.

La région de Delphes prit le nom de Pytho, qui devint également un surnom d’Apollon. Cette dénomination qui trouve son origine, selon les anciens, dans le fait que le dragon « pourrit » à Delphes. Dans la tradition hellénistique tardive, c’est le dragon lui-même qui fut appelé Python.

Dans d’autres traditions, Python est comme tous les monstres, un enfant de Gaia : c’est-à-dire une manifestation de la Force exécutrice de la Conscience et donc un principe nécessaire et transitoire dans une phase de l’évolution, précédant l’union consciente de l’homme avec son être psychique, son âme.

Pour commémorer la victoire d’Apollon sur le Dragon, les jeux Pythiques furent institués. C’était l’une des quatre grandes célébrations de la Grèce antique (Jeux Isthmiques, Pythiques, Néméens et Olympiques) durant lesquelles des jeux panhélleniques étaient à l’honneur.

Une fois passée la période de l’enfance, le contact conscient avec l’être psychique reste difficile pendant très longtemps. Le chercheur a besoin « d’aides » pour d’une part en recevoir les messages, rôle rempli par la Pythie, et d’autre part pour les interpréter, ce à quoi s’appliquent les prêtres d’Apollon. (La Pythie et les prêtres étaient aussi des éléments du culte extérieur.)

Le contact avec l’être psychique est rendu difficile par les impuretés, mélanges et perturbations dues au désir, à l’ego, aux peurs, etc. Il est donc essentiel que le chercheur puisse se reposer sur un bon développement des trois plans inférieurs du mental (mental corporel, mental-vital et intellect), ces trois plans étant symbolisés par le trépied sur lequel est assise la Pythie.
Intérieurement comme extérieurement par l’intermédiaire de la Pythie, le chercheur reçoit du psychique des messages qui symboliquement émanent du Divin dans la matière, du feu intérieur. En effet, la divination se déroule au-dessus d’un gouffre d’où émane « le feu de la terre » car c’est seulement ce feu au centre de la matière qui peut mettre fin au processus de putréfaction, à la mort.
L’interprétation des messages reçus (évènements, signes, rêves, etc.) doit être faite par des éléments de l’être ou des « prêtres d’Apollon » qui ne laissent pas interférer les plans inférieurs (ou extérieurs). On doit donc attendre de ceux-ci un minimum de consécration, de purification et d’organisation dans l’être car selon Mère, « un cœur immobile, un mental clair et des nerfs sans trouble sont la première nécessité de notre Yoga ».

Lorsque le chercheur approchera du plan le plus élevé dans le mental, le surmental, il lui sera extrêmement malaisé de déceler l’origine des progrès et des expériences, et il aura tendance à attribuer au surmental ce qui provient en fait de l’être psychique. C’est la raison pour laquelle nous verrons Hermès s’approprier les troupeaux d’Apollon.

Pendant longtemps, le chercheur devra donc décrypter les signes en s’appuyant sur les connaissances symboliques à sa disposition. Extérieur et intérieur étant l’envers et l’endroit d’une même réalité, il apprendra peu à peu à déchiffrer, à travers les évènements de sa vie diurne et nocturne, les enseignements de son être intérieur.

Puis, selon un très ancien poète, après sa victoire sur le dragon, Apollon s’en fut en Hyperborée par la voie des airs, monté sur un char offert par Zeus et tiré par des cygnes. Il y resta une année entière et par la suite, une partie de chaque année.
Pour les Grecs, le pays de l’ascèse rigoureuse était la Thrace, lieu où souffle le vent du Nord, Borée. Les vents sont des « aides divines », appelés plus tard « anges » dans la tradition chrétienne. Borée est le vent de l’ascèse, une aide qui incite au « processus d’incarnation selon le mouvement vrai », ce qui est une autre formulation du chemin spirituel. L’Hyperborée est donc le lieu « au-delà de l’ascèse », lorsque l’Absolu en nous, par l’intermédiaire de l’être psychique, prend la direction de notre yoga. En ce pays, règne le printemps perpétuel et les choses n’ont pas d’ombre : le printemps perpétuel symbolise l’éternel Nouveau, et si les choses n’ont pas d’ombre, c’est que le psychique ou l’âme n’appartient pas à la dualité. La nouvelle conscience, préparant le travail du supramental, doit pouvoir traverser l’être sans y rencontrer le moindre obstacle.

C’est aussi le pays où la vie est exempte de tout labeur et de tout conflit : pays de « l’acte » qui est soumis à la Volonté de l’âme et non du « faire » qui dépend de la volonté de l’ego ; et aussi, pays de la conscience de l’unité – la fin du sentiment d’être séparé – qui met fin à toute possibilité de conflit.
L’Hyperborée est, pour l’âme, « l’accomplissement du processus d’incarnation » et donc le pays qui marque la fin de la dualité et donc de l’ego, et prépare la venue de la lumière de Vérité.

Apollon grandit à Delphes (Δ+ΛΦ « la pénétration de la conscience dans l’être individualisé en vue de la réalisation de l’Union »), au centre du monde, en ce lieu appelé l’Omphalos « le nombril du monde» ou encore, le lieu de « la voix divine qui mène à la liberté ».
Notons que si Delphes est surtout le lieu de son oracle, son autre lieu de culte est celui de sa naissance, Délos (Δ+Λ), le lieu de « l’union et de la liberté » (ou « celui de la libération conduisant à l’union »).
Selon certains, l’Omphalos, centre exact de la terre, avait été découvert par Zeus : des confins de la terre, le dieu avait lâché deux aigles qui se rejoignirent en ce lieu. La conscience, utilisant au plus haut niveau ses deux outils, le mental logique et l’intuition, trouva le point de leur juste équilibre au-delà duquel cesse tout fonctionnement mental pour le compte de l’ego.
Le point d’ancrage d’Apollon, son lieu consacré, ne pouvait en effet se tenir ailleurs qu’au centre de l’homme, dans le cœur symbolique, et au centre de la création.
Le nom Apollon pourrait exprimer avec les lettres Π+ΛΛ (les mêmes que celles du surnom d’Athéna, « Pallas ») un équilibre et une très grande libération (réalisée sur les plans du mental et du vital).

Par deux fois, Apollon dut se mettre au service des mortels comme esclave. Les mortels représentent l’impermanence, le transitoire dans le monde de la dualité. L’action éclairante de l’être psychique doit donc servir la croissance de tous les aspects de l’être et de tous les chemins évolutifs, même ceux qui doivent être dépassés – tel celui représenté par les Troyens – ou qui se révèlent être une impasse.

Quelques éléments symboliques liés à Apollon :
Il est le protecteur des troupeaux, des moissons et du grain : il protège tous les « fruits » de la quête, ce qui y travaille et ce qui la nourrit.
Ses principaux emblèmes sont le cygne et le laurier. Certains lui attribuent aussi le milan, le vautour, le corbeau, le loup et le dauphin.
La blancheur du cygne indique la pureté. Cet oiseau est déjà dans les Védas le signe de l’être psychique. (La ligne de son cou pourrait illustrer l’échange des énergies entre le haut et le bas sans perturbation, selon l’ordre suprême, tout comme la circulation de l’énergie dans le caducée.)
Le laurier était en Grèce ancienne à la fois symbole de capacités prophétiques et d’immortalité (ce qui est la caractéristique de l’être psychique) car il demeure vert en hiver.
Les autres emblèmes, liés aux oiseaux, sont liés aux capacités intuitives psychiques : le vol du corbeau, du vautour et du milan peuvent être interprétés et donner des présages.
Le symbolisme du loup est lié à une très ancienne racine Λυκ ou Λυγ qui désigne « la lumière qui précède l’aube ». Apollon est donc souvent qualifié des épithètes « Lukéios » et « Lukogénès, qui naît à la lumière ».
Le dauphin, symbole aussi bien de Poséidon que d’Apollon, semble avoir été considéré dès la période crétoise comme un symbole de divination et de sagesse permettant l’accès à un autre monde.
Il est une autre épithète d’Apollon et d’Artémis, moins fréquente : Hecaergos et Hecaerge, qualifiant « celui qui est sorti de l’action », c’est-à-dire « le non-agir ».
Enfin, comme sa sœur, il est muni d’un arc : l’âme connaît son but et toutes les forces de l’être sont tendues vers ce but.

Apollon en nous

C’est la conscience de l’être psychique qui s’éveille et grandit, la vision de Vérité qui « illumine » l’être progressivement. Ses premières manifestations sont sans doute, par contraste, ce qui nous met en malaise vis-à-vis du monde extérieur.
En grandissant, il génère une sensibilité plus aiguë bien évidemment étrangère à toute sensiblerie, un appel à une vérité d’être, une réceptivité à ce qui est vrai, harmonieux, bon, juste et beau, sous quelque forme que ce soit. Il nous donne l’inspiration qui sous-tend l’art véritable, celui qui trouve sa source dans une harmonie supérieure et non dans le mental ou le vital.
Il se manifeste par des illuminations soudaines et fugitives, donnant la sensation d’un feu intérieur et le contact avec un point de certitude.
Il confère une sagesse qui est folie aux yeux des hommes. (Mais ce ne sont pas les débordements représentés par les Bacchantes et résultant des extases dionysiaques.)