Pénélope et Ulysse réunis (Chant XXIII)

 

<< Précédent : Le massacre des prétendants (Chant XXII)

Euryclée annonça le retour d’Ulysse à Pénélope qui passa de la joie au doute puis à la volonté de s’assurer par elle-même de sa présence. Elle descendit dans la salle, et malgré les remontrances de Télémaque, ne put se persuader totalement que ce mendiant était bien son glorieux époux.

Ulysse comprit son trouble, expliquant à Télémaque que sa mère avait quelque raison de ne pouvoir reconnaître si tôt le meurtrier de tant de prétendants. Il demanda à tous de se préparer afin de simuler des noces pour que la nouvelle de la mort des prétendants ne se répande pas en ville. Puis Eurynomé le vêtit, et Athéna le fit resplendir, le rendant pareil aux immortels.

Il revint alors auprès de Pénélope et demanda un lit pour se reposer seul. Doutant encore, elle lui tendit un piège afin de le tester : elle envoya Euryclée déplacer le lit conjugal hors de la chambre et le préparer pour leur hôte. Mais Ulysse savait que nul n’aurait pu le changer de place sans couper le tronc de l’olivier auquel lui-même l’avait chevillé et il en décrivit sa construction avec force détails. Pénélope alors se jeta dans ses bras car le secret du lit n’était connu que d’eux seuls et de sa fidèle chambrière Actoris.

Les deux époux pleurèrent longtemps dans les bras l’un de l’autre. Pour prolonger la joie de leurs retrouvailles, Athéna allongea la nuit qui recouvrait le monde, retenant Éos aux bords de l’Océan.

Ulysse dit alors à Pénélope que les épreuves n’étaient pas terminées, car il lui restait à mener à son terme un labeur immense, difficile et pénible. C’est le devin Tirésias qui le lui avait annoncé lorsqu’il avait visité le royaume d’Hadès.

Sur l’insistance de son épouse, il répéta ce qui lui avait annoncé le devin (Cf. la Nekuia, Chant XI) Après avoir puni les excès des prétendants, il lui faudrait repartir la rame à l’épaule, et marcher tant et tant qu’à la fin il rencontrerait des gens qui ignoraient la mer, mangeaient sans sel et ne connaissaient pas les vaisseaux et les rames. Alors il trouverait sur son chemin un voyageur qui lui demanderait pourquoi il portait sur l’épaule une pelle à grains. Il devrait planter la rame en terre, sacrifier à Poséidon un taureau, un bélier et un verrat en âge de saillir les truies. Puis il devrait s’en retourner en son logis et offrir à tous les dieux immortels des saintes hécatombes. Il vivrait alors une vieillesse heureuse, entouré de peuples fortunés, jusqu’à ce que survienne la plus douce des morts.

Les deux époux allèrent alors se coucher, conduits en leur chambre par Eurynomé. Avant de s’endormir, chacun conta à l’autre les épreuves endurées.

Lorsqu’ils furent bien reposés, Athéna laissa partir Éos, la déesse de l’Aurore, pour qu’elle accomplisse son devoir.

Ulysse demanda à Pénélope de regagner ses appartements et de ne recevoir personne tandis qu’il irait voir son père Laërte accompagné de Télémaque, d’Eumée et du bouvier tous équipés de leurs armes.

Athéna les couvrit d’un nuage pour leur permettre de quitter discrètement la ville car Ulysse ne voulait pas encore que la mort des prétendants fut connue.  

La disparition brutale des prétendants traduit un processus courant dans le yoga où le plus souvent une longue préparation est nécessaire avant que ne se produise un brusque changement. Aussi le chercheur, dans sa « vision d’une liberté plus totale », a-t-il du mal à accepter que le travail soit fait (Pénélope doute qu’Ulysse soit de retour et ait pu tuer les prétendants). Puis l’ensemble de l’être doit être amené progressivement à le comprendre (la nouvelle de la mort des prétendants ne doit pas se répandre en ville).

En tout premier, le chercheur a besoin d’un signe clair pour comprendre que le but est atteint (Pénélope teste Ulysse). Il doit faire appel au souvenir de ce qui a été établi de façon immuable dès le départ pour déterminer le but de la quête : le lit solidement chevillé à un olivier indique en effet que la purification était la base du travail de transparence en vue d’une plus grande liberté.

Le chercheur expérimente alors une très puissante union intérieure « hors du temps » (Athéna allongea la nuit qui recouvrait le monde pour prolonger la joie des retrouvailles).

Toutefois, le travail de réalisation de la transparence, assurant la transition vers le nouveau yoga qui sera conduit par Télémaque, n’est pas totalement terminé.

En effet, le chercheur se remémore et intègre l’extrême difficulté d’un yoga à venir dont il avait eu la prémonition lors de sa première expérience de descente dans l’inconscient corporel (Ulysse fit part à Pénélope de ce que lui avait dit Tirésias lors de sa descente au royaume d’Hadès : il devait encore mener à son terme un labeur immense, difficile et pénible).

Après avoir renoncé aux anciennes réalisations, le chercheur devait d’abord achever le travail de transparence en commençant à travailler avec les anciens moyens tout en étant conscient qu’ils n’étaient plus vraiment efficaces (après avoir puni les excès des prétendants, il lui faudrait repartir « la rame à l’épaule »).

Il devait avancer jusqu’à un moment où le chemin de l’évolution n’est palus tracé (Ulysse doit marcher sans s’arrêter jusqu’à ce qu’il rencontre des gens qui ignorent la mer), œuvrer dans la banalité du quotidien (qui mangent sans sel), là où il ne peut plus y avoir de structures ni de pratiques fixes de yoga pour avancer (et ne connaissent pas les vaisseaux et les rames).

Il pourra alors considérer que la phase de transparence est terminée et rendre grâce pour l’aide qui lui a été apportée par le subconscient le plus haut (Ulysse doit planter la rame en terre et sacrifier à Poséidon ; il vivrait en son logis une vieillesse heureuse entouré de peuples fortunés jusqu’à ce qu’advienne la plus douce des morts). Alors pourra commencer le yoga pour l’humanité qui incombe à Télémaque.

Cette progression une fois clairement fixée dans la conscience, le chercheur fait un bilan intérieur complet de son yoga passé en rapprochant les difficultés à maintenir la vision d’une plus grande liberté qui le portait de celles rencontrées dans le travail pour réaliser la transparence (Ulysse et Pénélope se racontent l’un à l’autre leurs aventures).

Puis, avant que l’ensemble de l’être n’accepte d’adopter le nouveau yoga, il doit étendre ce bilan à ce qui l’a mis en mouvement et travaillait en vue de l’humilité (Ulysse désire revoir son père Laërte, uni à Anticlée, et personne sur l’île ne doit être au courant de la mort des prétendants avant cette rencontre). On peut en effet considérer que Laërte représente le début du travail de l’humilité à partir du mental, travail qui fut poursuivi et élargi ensuite par son fils Ulysse.

Ce bilan doit être fait tant sur le plan de la « transparence » – qui est accomplissement de l’humilité ou parfaite consécration sur les plans du mental et du vital – que de « l’engagement dans le nouveau yoga », « la gestion du vital de base » et « l’amour pour la Conscience » (Pour rencontrer Laërte, Ulysse emmène son fils Télémaque, le porcher Eumée et le bouvier Philoétios).

Une fois encore, le chercheur reçoit une aide du maître du yoga permettant que ce bilan soit effectué sans interférences (Athéna les couvrit d’un nuage pour leur permettre de quitter discrètement la ville).

Suivant : Les prétendants dans la Prairie d’Asphodèles et Ulysse chez Laërte (Chant XXIV) >>

<< Sommaire et Introduction : Les Retours de Troie