Les enfants du Titan Japet comprennent Atlas qui est le père des Pléiades et symbolise la nécessaire ascension des plans de conscience, ainsi que la descendance de Prométhée qui illustre les expériences et réalisations correspondantes.
Voir Arbre généalogique 7 et Arbre généalogique 8
Atlas portant le ciel sur ses épaules en présence de Prométhée – Vatican Museums
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En effet, presque toutes les aventures des héros ainsi que les grandes épopées de la mythologie grecque sont organisées dans la descendance de deux couples de Titans seulement, ceux de Japet-Clymène et d’Océanos-Téthys. Font exception les rois d’Athènes, la lignée de Tantale et la lignée royale d’Arcadie. Il est donc d’une importance majeure de bien comprendre comment ces deux couples se situent l’un par rapport à l’autre.
Pour suivre l’évolution vers une « Vie Divine » sur terre, et non en quelque lointain paradis, l’homme doit s’engager dans deux processus distincts.
une « ascension des plans de conscience » jusqu’à la réalisation de l’Unité avec le Divin. Après la phase de croissance vitale, depuis longtemps terminée, l’humanité doit parcourir les plans du mental pour émerger dans la conscience de Vérité, le Supramental. C’est ce qui est développé dans la descendance de Japet.
une « intégration », qui consiste, lorsqu’un nouveau palier de conscience est atteint dans la démarche d’ascension, à hisser l’ensemble de l’être à cet autre niveau par une purification et une libération progressives. C’est ce qui est développé dans la descendance d’Océanos.
Notons cependant qu’il est possible, sans avoir parcouru tous les échelons de la conscience, de se fondre dans le Suprême par annihilation, processus qui ne requiert pas que l’être intérieur soit individualisé ni que la purification et la libération des plans inférieurs soit effective. Ce sont des accès à des « Nirvana » qui peuvent être atteints sur différents plans, ouvrant à différents types de « néants ». C’était considéré autrefois dans bien des voies, et particulièrement dans le Bouddhisme, comme la seule possibilité d’échapper à la souffrance. Mais c’était nier du même coup la création.
La voie de l’ascension-intégration, n’excluant ni ne requérant de telles expériences, exige d’exprimer le Suprême en un être rendu parfait sur tous les plans et dans la totalité de ses capacités, sans faire d’impasse, et en procédant par étapes.
D’autre part, si tous les chemins qui mènent vers le haut sont ouverts depuis longtemps, ceux de la descente (dans le processus de purification et libération) sont restés fermés jusqu’à nos jours au niveau du mental physique et des plans du vital inférieur, jusqu’au mental matériel. Certaines transformations semblaient en effet impossibles aux anciens initiés. (Rappelons qu’il ne faut pas confondre le mental physique, première couche du mental humain, avec le mental corporel qui se situe au niveau animal, ni encore en dessous avec le mental cellulaire qui se situe à la naissance de la vie dans la matière.)
Bien évidemment, le processus ne se produit pas en une seule fois, mais en d’innombrables mouvements d’ascension-intégration, plus ou moins longs et plus ou moins importants, aux modalités extrêmement variables. Certains peuvent prendre une vie entière, d’autres quelques secondes. Certains passent inaperçus, d’autres réorientent totalement une vie, sans pour autant porter plus de fruits que les premiers. Toute extension ou assouplissement de la conscience, toute purification, toute libération d’un attachement, en constituent les innombrables degrés.
Bien des obscurités et déformations dans le vital et à fortiori dans le corps, ne peuvent être abordées sans que des forces suffisantes, dans les plans supérieurs, ne soient accumulées. Plus l’être est avancé et plus il est armé pour s’engager dans les profondeurs vers les origines de l’évolution.
Nombre de spiritualités anciennes se heurtant à des obstacles en ces temps-là insurmontables, délaissèrent cette voie d’ascension-intégration. Elles privilégièrent les accès directs aux vastes mondes silencieux et vides, ou bien s’orientèrent vers les chemins bien défrichés des pouvoirs de la nature, prônèrent la fuite loin des contingences de ce monde afin de gagner des « paradis » futurs, ou encore cherchèrent à libérer l’énergie « lovée » à la racine de la colonne vertébrale, appelée « kundalini », pour faciliter l’accès vers le Soi, le Divin impersonnel. Hormis quelques allusions, ces autres voies ne semblent pas être développées dans la mythologie grecque qui considère l’homme d’abord comme un être mental et choisit de privilégier ce plan comme outil de travail sur la voie de la réalisation.
Il y a bien sûr une corrélation entre le niveau atteint dans l’ascension et les possibilités de purification de la nature inférieure. C’est la raison d’être des unions ou échanges divers entre les héros de l’une et l’autre branche.
Toutefois, il faudra veiller à ne pas utiliser la classification des plans de conscience et des expériences pour juger ou positionner qui que ce soit, puisqu’il n’y a en fait qu’un seul continuum de conscience, que les expériences sont particulières à chacun et vécues dans des ordres ou à des degrés d’intensité différents. On évitera ainsi de tomber dans le travers des « grades », erreur commune à nombre de mouvements ésotériques ou spirituels.
Dans chacune des deux branches principales, les mythes sont répartis en différentes sous-branches selon qu’ils concernent les enseignements ou les récits d’expériences, ou qu’ils sont destinés aux chercheurs ordinaires ou aux aventuriers de la conscience.
Des données historiques (hormis, bien sûr, les éléments de la vie courante, les mœurs et les coutumes des civilisations où se déroulent les histoires) y sont parfois intégrées, mais leur objet se limite à la transmission de la spiritualité au travers des civilisations dominantes. Aucun élément ne vient confirmer par exemple, l’hypothèse d’une existence autre que symbolique de la ville de Troie, ou encore la réalité de l’invasion dorienne qui, dans le cadre de cette étude, décrit simplement une soudaine irruption de « dons » (δωρα) ou « capacités nouvelles » chez le chercheur qui s’installe dans le plan du mental supérieur.
Le mot Japet est construit autour des lettres Ι+Π+Τ : l’aspiration (Τ) à établir le lien (Π) dans la conscience (Ι).
Le plan initié par ce Titan fait le lien entre tous les autres. Dans la manifestation actuelle, il reste incomplet, car c’est celui de l’Homme futur. Non pas l’homme actuel centré sur sa personnalité extérieure déformée par l’ego, l’homme qui se croit et se vit « séparé », mais l’Homme installé sur le plan du surmental, en chemin vers le supramental, qui aura mis son être extérieur au diapason et au service de son être psychique.
Du fait de cette incomplétude, Japet est uni à une Océanide et non à une Titanide. Elle se nomme Clymène, nom qui signifie « ce qui est acquis par l’entendement, ce qui est intégré » et aussi « célèbre, renommé ». Leur descendance inclut tous les héros et héroïnes qui ont gravi ou graviront les degrés de la réalisation.
Lorsque la quête sera terminée, Japet devrait selon toute logique s’unir à la Titanide Mnémosyne car l’Homme aura retrouvé « la mémoire » de ses origines. En attendant et pendant l’interrègne du mental, Mnémosyne est liée à Zeus.
Rappelons brièvement l’histoire de Japet et de ses enfants traitée au chapitre précédent. Lors de la victoire des dieux sur les Titans, les forces de vie qui dominaient dans l’évolution humaine cédèrent la place aux puissances de la conscience mentale. Les Titans cessèrent alors de s’exprimer librement en l’homme. Sur l’ordre de Zeus, Japet fut relégué avec ses frères dans le Tartare et l’on n’entendra plus parler de lui dans les mythes.
Avant l’exil, sa femme lui avait donné quatre enfants : Atlas, Ménoitios, Prométhée et Épiméthée, eux-mêmes à l’origine de deux grandes lignées :
Les enfants d’Atlas dressent un inventaire des plans de conscience.
La descendance de Prométhée et d’Épiméthée, par les branches d’Hellen et de Protogénie, décrivent les expériences et dangers rencontrés lors de l’ascension de ces plans, respectivement à l’intention des chercheurs ordinaires et à celle de ceux « qui marchent en avant », les « aventuriers de la conscience ».
La branche d’Hellen (celle qui conduit vers « l’éveil » selon le nom de sa femme Orséis) et de son fils Éole (« celui qui est toujours en mouvement » uni à Enarété « ce par quoi on excelle »), comprend les grands héros qui jalonnent de leurs aventures le chemin de la quête de Vérité, tels Phrixos, Bellérophon, Jason et Ulysse. Japet est le mouvement pour faire le pont jusqu’au plus haut de la conscience.
Celle de Protogénie décrit « ce qui naît en avant ». Elle expose la nature des toutes dernières conquêtes spirituelles des « aventuriers » de la Grèce antique qui seront abordées en fin d’ouvrage avec l’Iliade et l’Odyssée.
ATLAS
Atlas, rappelons-le, symbolise le lien entre l’Esprit et la Matière car, les pieds sur la terre, il « soutient le vaste ciel de sa tête et ses bras infatigables ».
Dans la version d’Homère, ce n’est pas lui qui porte le ciel : « Il (Atlas) connaît les profondeurs de toutes mers et veille à lui seul sur les hautes colonnes qui gardent le ciel écarté de la terre ». Le processus de séparation de la Matière et de l’Esprit intervenant dès les commencements de la vie, il connaît donc les profondeurs des mers. (Certains auteurs le confirment en le décrivant les pieds dans l’eau.) Il est en quelque sorte le garant de cette séparation tant que l’humanité n’a pas franchi la totalité des étapes représentées par ses enfants.
Si Atlas tient séparé l’Esprit de la Matière, il est aussi la puissance qui fait le lien entre ces deux pôles et plus précisément entre le sommet de l’évolution vitale et le monde Supramental. Les Anciens lui donnèrent donc pour compagne Pléioné, une Océanide dont le nom signifie « ce qui emplit de conscience ».
Avec les lettres structurantes, Atlas représente « la liberté au plus haut de l’esprit » (ΤΛ).
Ses enfants, les Pléiades, représentent le vide qu’il faut combler, les échelons qu’il faut gravir dans la conscience mentale pour retrouver l’unité perdue. Leur présence dans les différentes branches généalogiques constitue donc un indice très important sur l’étape du chemin concernée.
Elles sont à l’origine de grandes lignées que nous étudierons plus tard.
Dans la mythologie astronomique, elles furent transformées en étoiles, la constellation des Pléiades, c’est-à-dire qu’elles devinrent des repères mentaux (dans le ciel) pour le chercheur.
Hyas et les Hyades
Certains auteurs voulurent sans doute insister sur le fait que la séparation n’avait pas seulement eu lieu sur le plan mental humain mais qu’elle était advenue dès les racines de la vie à l’apparition des premiers circuits nerveux supports de la mentalisation. Aussi donnèrent-ils des sœurs aux Pléiades, les Hyades, et un frère, Hyas, l’ensemble semblant indiquer une série évolutive. Toutefois les sources les concernant, Hygin et Ovide, sont peu claires et ne nous permettent pas d’en donner une interprétation. Ajoutons que, contrairement aux Pléiades, les Hyades ne symbolisent pas les plans de conscience du vital qui sont décrits par les enfants de Pontos. Elles semblent donc difficilement s’intégrer dans la cohérence du corpus mythique.
Les Pléiades
Nous les avons déjà évoquées rapidement dans le chapitre deux, lors de l’étude d’Hermès
Elles forment l’échelle des niveaux du mental que l’homme doit gravir au cours de son évolution. Aussi sont-elles en filigrane de la plupart des mythes, soit par leurs alliances, soit par des noms homonymes. La compréhension de leur symbolisme, associé à celui des enfants d’Éole, est donc essentielle pour l’interprétation des mythes.
Les Anciens n’ont pas donné leur ordre de succession. Elles ont donc été classées ici d’une part en fonction de leurs unions avec Poséidon, Sisyphe, Ares et Zeus (depuis le subconscient jusqu’aux plus hauts niveaux du mental en passant par l’intellect), et d’autre part selon les héros qui figurent dans leur descendance. Les mythes où elles interviennent confirment cet ordre de progression depuis le « mental physique » jusqu’au « surmental ».
Nous avons retenu dans cet ouvrage les dénominations qu’en a données Sri Aurobindo. Lui-même avait adopté la classification des Anciens (reposant sur le symbolisme du Caducée bien antérieur à l’époque grecque) et était revenu au sens premier des mots. Ainsi, l’appellation « être psychique », donnée au corps qui se forme autour de l’étincelle divine (l’âme) correspond bien au terme grec Psyché (Ψυχη), lequel est utilisé en français de toute autre manière de nos jours pour désigner des activités mentales-vitales.
Bien que le découpage puisse sembler au premier abord un peu arbitraire, ces plans correspondent à des expériences précises et l’identification peut donc se faire sans trop de difficultés par-delà les siècles.
Avant que ne soient abordés plus en détail ces plans, la structure de la conscience doit être définie, telle qu’elle apparaît aux chercheurs de vérité et telle qu’on la retrouve dans les mythes grecs (aussi bien que dans les écrits des initiés à condition de faire les équivalences).
La création, tout d’abord, peut être ramenée à trois principes élémentaires : la matière, la vie et le mental.
Comme rien ne peut surgir du néant, il faut admettre que la vie et le mental étaient involués dans la matière d’où ils ont émergé au cours des millénaires de l’évolution. La vie a d’abord produit le règne végétal. Puis vint l’émergence du mental avec l’apparition des cellules nerveuses et la constitution progressive d’un cerveau animal qui permit l’élaboration de « l’ego » animal. Sur cette base, vinrent se superposer des capacités propres à l’homme (langage, réflexivité, etc.), apportant une plus ou moins grande domination du mental sur les fonctionnements vitaux.
Ce développement sur des millions d’années repose sur une vaste échelle de plans de conscience qui ne nous sont pas accessibles dans leur totalité, loin s’en faut, depuis les plus obscurs, proches de l’inconscience primordiale, jusqu’aux plus lumineux, dans les hauteurs de l’Esprit.
De même que pour les plans de conscience, il semble utile de préciser à nouveau ici la répartition de la conscience en quatre catégories, définies par Sri Aurobindo et exactement transposables à la mythologie.
La première concerne ce qui est « inconscient », profondément involué dans la matière et que notre période évolutive ne peut encore ramener à la conscience. (Cette acception du terme « inconscient » diffère donc de celle de la psychologie moderne).
La deuxième catégorie est le « subconscient » qui correspond à peu près à notre inconscient actuel mais beaucoup plus étendu car il emmagasine toutes nos impressions, sensations et sentiments, aussi insignifiants soient-ils pour notre conscience de veille. Ce qu’il enregistre à chaque fois est un ensemble de qualités vibratoires et non une forme ou une image précise. C’est la raison pour laquelle certains éléments restitués dans nos rêves se revêtent d’images bizarres, souvent incompréhensibles, mais propres à chacun.
Dans ce subconscient, il n’y a rien d’organisé ni de cohérent. Ce n’est qu’un vaste réservoir utilisé par l’évolution comme base de ses activités. De là, surgissent constamment des éléments tels qu’inertie, courants dépressifs, faiblesse, peurs, désirs, colères et appétits obscurs, qui envahissent vital et mental, et même des influences qui se transforment en maladies. Il s’étend de l’inconscient jusqu’au supraconscient et comprend une partie individuelle et une partie universelle.
Enfin, au-dessus de la zone consciente, plus ou moins vaste selon les individus, est le supraconscient.
Ces définitions impliquent que ces zones varient selon chacun.
De toute évidence, la plupart des comportements sont dictés par le subconscient, quoique l’homme puisse parfois en penser.
S’il y a dans la conscience une échelle verticale des plans (la verticalité est une image, si ancrée dans les esprits qu’il est difficile de s’en abstraire), il y en a aussi une dans la profondeur où le personnel, sur tous les plans, se fond progressivement dans l’universel, de façon subconsciente. Ainsi, dans toutes les dimensions, l’homme participe de l’Unité. Chaque plan (mental, vital, physique) peut donc être considéré à la fois dans sa verticalité et dans sa profondeur, dans son intensité vibratoire et dans sa partie personnelle ou universelle (impersonnelle). Cette description explique l’insistance des enseignements spirituels sur un « élargissement » indéfini de la conscience dans toutes les directions.
Ce que nous percevons d’un plan en nous ou en l’autre, selon notre niveau de conscience, n’en est qu’une partie plus ou moins superficielle déformée par l’ego, ainsi que par les rigidités et les déformations héritées de l’évolution générale et personnelle. Derrière, se tient un plan vaste, non déformé, qui doit s’imposer au fur et à mesure de l’évolution. Ce plan vrai est appelé « subliminal » par Sri Aurobindo. Et comme ce dernier l’explique, il est en relation avec le plan cosmique correspondant qui est hors de l’espace-temps et contient toutes les possibilités. Ainsi, il existe une « matière corporelle vraie », solidaire de tous les autres corps, infiniment plus souple et plus puissante que nous ne l’imaginons. De même, il y a un « vital vrai », non déformé par les désirs et les peurs qui peut puiser dans le vital cosmique des énergies incalculables. Alors que le vital de surface est étroit, borné, ignorant, plein d’appétits et de révoltes, d’exaltations et de dépressions, le vital vrai est fort, vaste, ferme, inébranlable et joyeux, non soumis aux influences multiples extérieures. Enfin il y a un « mental vrai » non limité par nos opinions, préjugés ou préférences, ou par notre ego étriqué. Quand la partie séparatrice logique s’est tue, ou plutôt s’est limitée à sa seule fonction exécutrice, et quand agit pleinement l’intuition en union avec la Vérité, ce mental vrai est capable de recevoir du mental universel toute la connaissance qui lui est nécessaire. Toutefois le mental logique qui participe du processus de discernement dans le mental ordinaire humain, ne peut être écarté tant que le discernement intuitif ne s’est pas mis en place. Il reste donc longtemps un outil indispensable en particulier dans la lutte contre les illusions.
Notons également des correspondances entre les sous-plans parfois bien difficiles à distinguer. Ce mélange provient de la superposition de couches successives lors de la constitution du système nerveux et plus particulièrement du cerveau, chaque nouvelle couche s’élaborant sur la base de fonctions existantes. Par exemple, le « vital-mental », sous-plan du vital, est parfois difficile à distinguer du « mental-vital », sous-plan du mental. Dans le premier cas, il s’agit d’une mentalisation de la matière vitale œuvrant à la constitution du « moi animal », pulsionnel, instinctif, mais non réflexif. Dans le second cas, le mental appuie ou justifie les « rêves » de l’ego (rêves de grandeur, etc.) et les expressions vitales, (émotions, sentiments, désirs, etc.) en vue de l’action. Les différences sont encore plus difficiles à déceler entre le mental-physique propre à l’homme et les couches du mental matériel et cellulaire, commun à toutes les formes vivantes.
Plus la couche est élevée, plus elle est active dans l’évolution. D’où ce qui apparaît comme une accélération foudroyante de l’évolution durant les deux derniers millions d’années, alors que le temps évolutif semblait presque figé auparavant.
Dans cet ouvrage, ce que l’on appelle le « physique » est la matière corporelle proprement dite, incluant les organes et systèmes du corps, avec ses automatismes soumis aux horloges biologiques, ses mouvements réflexes, fonctionnant selon des mouvements répétitifs et mécaniques.
Le « vital » est un ensemble de plans où se manifestent de façon prépondérante les énergies de vie, plus ou moins mentalisées. À sa base, il y a une puissance de volonté, de croissance, de réalisation et d’action. Dans l’homme, il est fait de désirs, de passions, d’émotions, d’énergies d’action et de réalisations et aussi de tout le jeu des instincts de possession et de ce qui en découle : colère, avidités, convoitises, etc. La force qui l’anime est bien visible dans le règne végétal : une tension et une aspiration à croître. En l’animal, elle devient besoin et en l’homme elle se mue en désir. D’où les mouvements pour s’approprier ce qui favorise la croissance et en particulier celle de l’ego quand le temps de l’individuation est venu. Et comme, dans les plans de conscience jusqu’au surmental, tout est fondé sur un double aspect, le vital se manifeste par des mouvements duels qui sont chacun l’envers et l’endroit d’une même vibration : amour/haine, attirance/répulsion, etc. Le vital aime et entretient le drame et la souffrance autant que le plaisir, ce qui n’est pas le cas du corps ni du mental.
Mais le vital est le moteur : il ne peut donc être réprimé ou supprimé, mais doit être purifié.
Nous avons étudié la classification des cinq niveaux de la conscience vitale liée au règne animal dans le chapitre précédent avec les enfants de Pontos : vital-physique (Nérée), vital vrai (Thaumas et ses enfants, Iris et les Harpyes), vital-émotif (Phorcys), vital-mental (Céto) et vital supérieur (Eurybié).
Nous nous intéressons maintenant aux sept plans de la conscience mentale propres à l’homme, illustrés par les sept « Pléiades », plans que nous avons déjà abordés succinctement dans le chapitre des dieux avec Hermès.
Ils s’échelonnent depuis le « mental physique », orienté vers la manipulation de la matière et la satisfaction des besoins corporels, jusqu’au niveau le plus élevé appelé « surmental », qui est le plan des dieux. Lorsque les Pléiades, par leurs alliances, interviennent dans les mythes, c’est pour exprimer la dynamique particulière d’un plan donné ou d’un processus.
Les deux plans inférieurs, « mental physique » et « mental vital » sont représentés par Alcyoné et Célaeno qui toutes deux ont eu une liaison avec Poséidon. Ce sont donc des fonctionnements subconscients. La troisième Pléiade, Méropé, associée au mental logique ou « intellect », est unie au mortel Sisyphe, le premier des enfants d’Éole.
Ces trois premiers plans sont étroitement liés aux plans du vital, le mental humain étant venu se surimposer à l’existant. Ils sont donc le lieu d’un mélange entre ce qui provient des plans du vital (les enfants de Pontos), et ce qui a été apporté par les développements ultérieurs.
Les plans suivants sont, pour l’homme ordinaire, supra-conscients. Celui de Stéropé, unie à un fils de Zeus, le dieu Arès, représente le « mental supérieur ». L’homme n’y accède qu’à un stade assez avancé de son évolution, et ne peut y faire au début que des incursions. Les trois dernières Pléiades, Électre, Taygète et Maia, unies à Zeus lui-même, représentent les plans du « mental illuminé », du « mental intuitif » et du « surmental ». Le dernier niveau, celui de Maïa, qui correspond au surmental est la limite extrême des possibilités de réalisation de l’humanité actuelle car c’est le plan des dieux. Hermès, le fils de Maia est en effet lui-même un dieu.
Dans cette étude, le sens du terme « surhomme » correspond à celui que Satprem lui donne dans son livre « La genèse du surhomme » et par lequel il définit l’homme qui s’imprègne de la « nouvelle conscience » apparue sur la terre (peut-être est-ce celle dont la Mère parle en détail dans l’Agenda de l’année 1969). Il ne fait référence ni au chercheur parvenu au plan du surmental, ni au surhomme de Nietzche qui se veut une amélioration de l’homme existant. Cette nouvelle conscience serait une première manifestation du supramental afin de préparer l’humanité à la transformation correspondante.
Dans l’Agenda (Tome 1, p160, 10 mai 1958), Mère décrit également ce « surhomme » comme un intermédiaire entre l’homme et l’être supramental.
Même si l’action du supramental commence à se faire sentir dans l’humanité, le travail conscient de transformation vers l’être supramental ne peut être fait que par un tout petit nombre d’individus.
La plupart des indications données ci-dessous sur les plans de conscience proviennent de l’œuvre de Sri Aurobindo.
Le mental physique (sensoriel)
Le « mental physique » fait l’interface entre les activités physiques et le mental humain. C’est lui qui intervient dans notre rapport au monde objectif en mentalisant la façon de satisfaire les « besoins », au-delà des activités purement instinctives et réflexes de l’animal, mais sans en chercher la raison. A son niveau le plus bas, c’est un mental « mécanique » qui enregistre les habitudes réflexes de la conscience matérielle et les répète.
Il assure de la meilleure façon possible les besoins essentiels (du moins ceux que nous considérons comme tels) le bien-être du corps et la satisfaction des sens : nourriture, sommeil, sécurité, reproduction, etc. Il soutient par l’inertie mentale – l’abrutissement issu des mondes de l’ignorance et la paresse de la pensée – les fonctionnements du physique et du vital : habitudes, excitation, inconstance, etc., et les défend par des arguments sans fondements. C’est un mental qui recule devant l’effort, inapte à la concentration et qui méprise le travail de l’intellectuel. Il soutient le vital, amoureux de la souffrance et des sensations fortes. Il développe par exemple tout argument visant à défendre l’étalement de faits divers violents ou sordides, sous prétexte du droit à l’information. Se focalisant sur les catastrophes, il les attire. Privé de la lumière de la conscience par les millénaires de l’évolution, c’est un mental incrédule et défaitiste, lié à la souffrance physique.
Le type pur de l’homme qui fonctionne sur ce plan est « l’homme physique », uniquement guidé par ses sens et seulement préoccupé de satisfaire ses instincts, ses désirs sensuels et les besoins de son corps. La sécurité est son obsession. Il abhorre le changement et craint l’inconnu. Son expression, sa « vérité » est celle du « clan » bien qu’il l’affirme comme originale et sienne. Qui pense différemment a forcément tort. Il délègue volontiers son indépendance de jugement à l’ «expert». Les grandes questions métaphysiques l’ennuient. Pour le gouverner, il élit celui qui lui promet un maximum de bien-être et de facilité de vie. Son mode d’action est « prendre » et son dieu, l’argent. L’affirmation de son ego en formation est sa première préoccupation.
Pour réveiller sa nature « endormie », il a besoin du choc des sensations fortes. Pour éveiller sa sensibilité, il a besoin de grands chocs générant une souffrance à laquelle il est très attaché bien qu’il prétende la fuir.
Il ne rêve ni de liberté, ni de grandeur. Génération après génération, il se satisfait d’une répétition immuable. Seul est tenu pour vrai ce que perçoivent ses sens. Ses relations avec les autres n’existent que dans le rapport dominant/dominé. Son regard ne porte jamais plus loin que son petit cercle d’intérêt ou ses liens de sang. Insensible à l’idéal, il est toujours prêt à servir de nouveaux maîtres selon les circonstances. Et si la vie lui octroie des parcelles de pouvoir, il se comporte en petit chef plus ou moins tyrannique. Pour calmer les rares émergences d’une conscience endormie, il utilise ses capacités mentales pour justifier son égoïsme et ses comportements mesquins. Il laisse s’exprimer ou réprime ses émotions et ses passions sans aucun souci de compréhension ni de maîtrise mais seulement en fonction des contraintes extérieures. La loi qu’on lui impose est sa seule limite car il ne s’est pas encore construit de loi intérieure. Il craint et adore tout à la fois les expressions de la force brute. Vivre et affirmer son petit moi est son unique but.
Le clan, quel qu’il soit, familial, social, sportif, etc. est son rempart contre le monde. Il est identifié à ses habitudes, ses coutumes et ses lois.
Il n’a aucune aspiration pour le monde de l’esprit. Par crainte, il respecte les manifestations de pouvoir qu’il ne comprend pas. Sans questionnements, il adore les dieux que sa culture lui propose, observe les rites que ses prêtres ont instaurés et honore ses morts, seule concession faite à l’au-delà.
Parmi les Pléiades, ce mental physique est représenté par Alcyoné, nom qui indique « une force » en évolution. C’est un homonyme de l’Alcyoné dont nous avons parlé ci-dessus, la fille d’Éole qui a épousé Céyx le fils de l’Astre du matin Éosphoros (Lucifer), puis fut transformée en alcyon cet oiseau qui fait son nid à la limite des vagues. C’est donc un commencement de mentalisation du vital, un début de discernement qui se hisse hors du subconscient (Poséidon).
Alcyoné eut de Poséidon une fille Aéthousa et deux garçons jumeaux, Hyperènor (ou Hypères) et Hyriéus, symboles des deux attitudes opposées du mental émergeant, une « arrogance » pour le premier et « un juste mouvement d’évolution » pour le second. Ce dernier s’unit à Clonia « accélération ou précipitation » et lui donna deux enfants, Niktée et Lykos, « la nuit » et « la lueur », que nous retrouverons dans le mythe d’Œdipe.
Aéthousa, « celle qui est éclairée ou enflammée » s’unit à Apollon et lui donna Eleuther « celui qui est libre », symbole d’une libération du mental corporel rendu plastique et réceptif sous l’effet de la lumière psychique.
Le mental vital
Le deuxième plan, représenté par la Pléiade Célaeno, est « un mental de volonté dynamique (et non rationnalisant), d’action, de désir, préoccupé de force et d’accomplissement, de satisfaction et de possession, de jouissance et de souffrances, du besoin de donner et de prendre, de croître et de s’étendre, soucieux de réussite et d’échec, de bonne et mauvaise fortune etc. »
Ce mental vital se sert de la raison à ses propres fins, soutient les passions, désirs, émotions, etc., les justifie, leur fournit prétextes ou excuses. Il se manifeste soit dans l’action, soit dans l’imaginaire par des rêves éveillés de grandeur et d’héroïsme.
C’est un mental indiscipliné et arrogant qui, comme le mental physique, reste velléitaire. Il aime expérimenter le pouvoir, les passions, les aventures et jouir de l’action.
Pour lui, la Vérité se confond avec ce qu’il espère et donc avec ses croyances.
Il a une tendance au manichéisme (fonctionne sur la base j’aime/je n’aime pas, bon/méchant, etc.). Il aime à se poser en défenseur de la vertu contre le vice même s’il sait pertinemment qu’il n’a rien résolu en lui-même.
Il admire le raffinement des sentiments et l’expression des passions dans les arts.
Le type pur de l’homme vital place au premier plan la satisfaction des besoins et désirs de sa nature vitale, principalement émotive : passions, sentiments, désirs esthétiques, etc. Pour en assurer la cohérence et la légitimité, il construit autour d’eux le rempart de ses croyances auxquelles il donne l’appui de la religion et de la loi morale. Il a l’arrogance que confèrent l’ignorance et le sentiment d’appartenance au groupe dominant, ainsi qu’un mépris naturel pour le penseur solitaire et la recherche de la vérité. Il s’appuie sur le passé et sur le groupe auquel ses penchants naturels le rattachent, dont il adopte les idées pour asseoir et justifier ses comportements. La vertu est son idéal, surtout celle qu’il prône pour les autres. Bien qu’il s’essaie à porter un regard sur le monde, tout ce qu’il voit est faussé par le filtre de ses affects. Peinant à hisser son mental hors des eaux émotives, il forge très lentement sa propre pensée au milieu d’un amalgame bancal de préjugés et d’opinions toutes faites ou de quelques idées forces héritées de sa famille et de son milieu. Attaché par-dessus tout à ses opinions et à ses croyances, il juge son clan, sa religion ou son parti seul détenteur de la vérité et peut sans sourciller tuer au nom de l’amour ou de ce qu’il pense juste. Sa tendance naturelle est le partage du monde entre bons et méchants. Il n’apprécie guère ceux qui sortent du moule ou aspirent à des horizons plus vastes. Ou bien, après les avoir dénigrés et souvent haïs, il attend pour les adorer qu’ils aient été reconnus par la majorité de son clan. Il porte aux nues ceux qui ont exprimé le plus grand raffinement dans les sentiments et dans les arts. Sans une vie de passions et de sentiments intenses, d’agitation incessante, avec la volonté pas toujours avouée de se hisser au-dessus des autres, il a l’impression que la vie ne vaut pas d’être vécue. Et si elle cesse quelques instants de lui apporter son soutien, il en rend les autres ou le ciel responsable. Son questionnement dépasse rarement les problèmes que posent les relations humaines, emprisonné dans des croyances qu’il refuse d’approfondir, ayant rejeté au loin les grandes questions fondamentales. Capable d’enthousiasme, lequel est la marque du vital, il peut parfois s’emballer pour des causes humanitaires, mais il est rarement en mesure de leur donner le support du mental et de la volonté pour les transformer en une action efficace et durable. Son but est ce qu’il appelle l’amour, un amour qui exige d’être aimé en retour et cherche à imposer sa loi.
Pour les Grecs, c’est encore un mental très obscur. Ils ont donc nommé la Pléiade correspondante « Célaeno (Kélaino) », mot qui signifie « noir, sombre », employé par Homère lorsqu’il parle de la nuit de la conscience.
Comme Alcyoné, Célaeno s’unit à Poséidon, signant ainsi la forte influence du subconscient. Selon Apollodore, elle lui donna un fils, Lykos « la lueur avant l’aube », que son père rendit immortel et installa aux Iles des Bienheureux : toutes les ébauches de compréhension restent profondément marquées.
Aucune autre légende ne nous est parvenue sur Célaeno.
L’intellect
Le troisième plan du mental humain appelé intellect, mental de raison ou mental logique, est représenté par Méropé qui signifie tout à la fois « mortel » (par rapport aux dieux immortels, et donc « duel »), « humain », « vision partielle » ou « pensée stable ».
Unie à Sisyphe, fondateur de la lignée royale de Corinthe, elle est aussi la seule Pléiade qui se soit unie à un « mortel ». Sisyphe, comme on le verra, symbolise les réalisations de l’intellect. Méropé représente donc le niveau mental de l’humanité actuelle qui prétend fonctionner essentiellement sur le plan du mental logique, de la raison.
L’intellect, à l’instar de Sisyphe sans cesse obligé de rouler sa pierre vers le sommet de la montagne, échafaude sans cesse et laborieusement des constructions de demi-vérités qui s’écroulent à peine terminées. En fait, le mythe de Sisyphe concerne seulement le yoga du corps car son châtiment se déroule dans l’Hadès. Il illustre le fait que la loi de l’effort soutenu par le mental devient inopérante dans le yoga de transformation du corps. C’est donc une extrapolation qui est faite ici en suivant ce que Sri Aurobindo exprime à propos de ce mythe.
Ce mental cherche les causes, veut comprendre et dans ce but, dissèque, morcèle puis fait la synthèse avant de séparer à nouveau, et ainsi de suite.
Ce plan, chez l’homme ordinaire est perturbé par toutes sortes de ressentis, d’émotions et de sensations, par les effets des vibrations extérieures, les mémoires intérieures, l’état du corps et mille autres choses encore. La plupart du temps, il peine à émerger des couches du mental émotif et même du mental physique qui ratiocine et moud sans cesse les mêmes idées mesquines issues de sa vie quotidienne.
Il est à son plus haut niveau chez les penseurs et les sages qui ont réussi à le purifier, l’organiser et lui donner une grande ampleur.
Le rôle de l’intellect est de classer, organiser les perceptions et les idées et mettre chaque chose à sa place. Il doit surtout permettre de s’affranchir des illusions. Purifier et perfectionner cette couche mentale est l’un des premiers travaux à effectuer sur le chemin de la connaissance : rejeter les opinions toutes faites, les encombrements inutiles de la pensée, les mélanges avec le vital, développer la concentration, penser par soi-même, etc.
En son essence, l’intellect est un outil d’exécution de ce qui est perçu par l’intuition. Mais il ne devrait pas être le maître.
L’homme représentatif de ce plan est celui qui donne à la pensée le rôle primordial. (La pensée est ici identifiée au mental séparateur logique, le mental de raison qui s’appuie sur la mémoire). Il utilise sa raison pour domestiquer le monde.
Il est poussé par une soif de connaître qui à ses débuts n’a d’autre résultat qu’une accumulation de savoirs car il s’attache rarement à perfectionner l’outil lui-même.
Dans sa quête de vérité, il procède par tâtonnements et erreurs et renouvelle indéfiniment sa procédure thèse, antithèse, synthèse. Considérer et admettre l’existence de vérités opposées est contraire à sa nature.
Pour peu qu’il se hisse aux sommets de l’intellect, il perd souvent la faculté de jouer avec les énergies de vie, les ignore ou les réprime.
Le doute l’accompagne toujours.
Il porte au pinacle les grands philosophes, ceux qui ouvrent à la pensée les espaces les plus vastes. La liberté est sa revendication. Un idéal aux contours encore imprécis le guide. Acquérir une certaine sagesse est son but. Mais il explore rarement la nature de ce « Je » pour lequel il ne lui semble pas exister de discontinuité. Il se considère encore le créateur de sa pensée, étant rarement attentif à « ce qui pense » en lui.
Le meilleur est guidé par un idéal, décidé à mettre en accord sa vie et ses idées. Pour cela, il peine à réviser ses croyances, à soumettre ses sentiments et ses actes à l’examen de sa raison et sous son contrôle.
Dans la descendance de Méropé et Sisyphe figurent Bellérophon, le vainqueur des illusions (de la Chimère), le grand guérisseur Asclépios (Esculape) et les Minyades.
Sans doute n’est-il pas inutile de préciser que le chemin spirituel décrit par la mythologie préconise de développer en soi chaque plan au maximum de ses possibilités. L’intellect étant un outil indispensable au discernement, faire l’impasse sur son perfectionnement semble une grave erreur.
Le mental supérieur
Le plan qui suit l’intellect est celui du « mental supérieur ». Il est représenté par la Pléiade Stéropé. Son nom signifie « éclair, lueur éclatante » et aussi « vision étendue » alors que l’intellect, Méropé, est une « demi-vision ».
Nombre de mythes le concernent puisque l’essentiel du chemin se déroule sur ce plan.
On y accède à la fois par un élargissement de la pensée où peuvent être admis des points de vue totalement incompatibles dans le monde de la raison ordinaire – sans toutefois pouvoir encore les inclure dans une unique perception – et par le développement de l’intuition.
Avec la seule raison, il est possible de justifier tous les points de vue, mais non de les admettre ensemble. Avec le mental supérieur, le chercheur essaye de trouver un point où les opposés sont transcendés. Par exemple : d’un certain point de vue, on peut dire que la guerre est inutile car elle n’engendre que souffrance. D’un autre point de vue, on peut dire que la guerre est nécessaire car elle permet la destruction de formes périmées pour laisser la place à de nouvelles, la décharge et la régulation d’énergies qui se sont accumulées de façon anormale et l’expression chez certains de qualités qui n’auraient pas autrement l’occasion de se révéler.
Le mental supérieur intervient dans les deux directions de travail, l’ascension des plans de conscience (Stéropé figurant parmi les ancêtres de Thésée et des Atrides) et le chemin de purification/libération. Mais aucune Stéropé homonyme ne figure dans ce dernier chemin, pas plus d’ailleurs qu’aucune de ses sœurs, car les Anciens ont évité soigneusement de faire des correspondances entre les plans de conscience et la progression sur le chemin de purification/libération. Europe cependant, dont le nom « - » signifie « regard étendu, vue large», marque l’entrée dans le mental supérieur, et par les aventures de son fils Minos liées au Minotaure, le risque d’égarement qui l’accompagne.
Les traditions divergent à propos des unions de Stéropé : tantôt avec Arès, le dieu de la destruction des formes, tantôt avec Oinomaos « celui qui désire vivement l’ivresse (divine) ». À une génération près selon les auteurs, cette Pléiade est l’arrière-grand-mère de Ménélas et d’Agamemnon ; comme telle, elle positionne les héros sur le plan du mental supérieur et exprime l’influence qui conduira les troupes grecques à la victoire contre les Troyens.
Le mental illuminé
Après le mental supérieur viennent les trois états supérieurs de la conscience mentale qui sont selon Sri Aurobindo « à chaque fois une conversion générale de l’être en une nouvelle lumière et un pouvoir nouveau ».
Les trois Pléiades correspondantes ont toutes Zeus pour amant : ces états ne peuvent se manifester et se maintenir que sous l’influence croissante du supraconscient.
Le « mental illuminé » est représenté par la Pléiade Électre « l’ambre jaune », laquelle désigne une résine fossilisée servant à la fabrication d’objets ornementaux. Ce mot définissait aussi un métal formé de quatre cinquièmes d’or et d’un cinquième d’argent. Il s’agirait donc d’un plan se rapprochant du supramental, de l’or pur, tout en étant encore mélangé.
À ce niveau, la Vérité pénètre le mental en un flot de lumière continu et stable et non plus en de simples éclairs sporadiques. Là émerge un pouvoir de connaissance directe de la Vérité résultant d’une union plus parfaite avec le Réel. Il ne s’agit plus de « pensée » mais de « lumière » de l’esprit, laquelle peut être associée à la vision. Aussi les sages anciens étaient-ils appelés « voyants » et le terme « voir » est-il très largement employé dans la littérature ésotérique.
La première expérience de ce plan est décrite le plus souvent dans la littérature spirituelle comme une « illumination ». Nous en ferons la description dans le mythe de la quête de la Toison d’or par Jason et les Argonautes.
Électre est la mère de Dardanos, le fondateur de Troie. Elle se trouve donc à l’origine de la lignée Troyenne où figurent Laomédon, Ganymède, Priam, Hector, Paris, Énée, etc.
Le mental intuitif
Puis viennent les hautes régions du « mental intuitif ». Elles sont symbolisées par la Pléiade Taygète dont le nom est aussi celui d’une haute montagne de Laconie. Taygète est à l’origine de la lignée royale de Sparte, dans laquelle figure Gorgophoné « la victoire sur la peur » et les petits enfants de cette dernière, Pénélope, les Dioscures Castor et Pollux, Hélène et Clytemnestre.
Sur ce plan, les activités du mental sont passées sous la direction de l’Intuition et peuvent opérer de quatre façons que Sri Aurobindo décrit ainsi : « un pouvoir de vision révélatrice de la vérité, un pouvoir d’inspiration ou d’audition de la vérité, un pouvoir de perception immédiate ou toucher de la vérité, et enfin un pouvoir de détection vraie et automatique du rapport ordonné et exact entre une vérité et une autre ».
Le surmental
C’est le dernier et le plus haut niveau du mental. Celui-ci s’élargit à une vaste universalité, et l’individu vrai, Un dans son essence avec le Moi suprême, prend le pas définitivement sur le mouvement de centralisation de l’ego et l’illusion du moi séparé.
La représentante de ce plan est la Pléiade Maia. Elle eut un seul fils de son union avec Zeus, le dieu Hermès, le plus haut niveau de connaissance du plan mental, lequel a été identifié au dieu égyptien Thot « qui comprend tout et connaît tout ». C’est la raison pour laquelle l’Hermétisme représenta pour certains la plus haute science sacrée.
Par l’intermédiaire des liaisons de son fils Hermès avec des femmes appartenant aux lignées de Jason et d’Ulysse, Maia exprime l’intervention du surmental. Elle figure aussi dans l’ascendance d’autres héros, tels l’Argonaute Eurytos, Céphale ou encore le mignon d’Héraclès, Abdéros.
Le Surmental est le plan de Zeus et des dieux. Dans l’humanité, il est celui des « envoyés divins », parmi lesquels les fondateurs de religions.
Mais s’il est le plan le plus élevé du mental, s’il peut unir le mental individuel et le mental cosmique, s’il peut imprimer à la nature une universalité d’action, le Surmental ne peut toutefois conduire le mental au-delà de lui-même. (Rappelons qu’Hermès s’essaie toujours à rivaliser avec Apollon, le dieu de la lumière psychique, car le mental a du mal à reconnaître un fonctionnement supérieur au sien, en particulier celui de l’être psychique.)
Pour atteindre vraiment au pouvoir créateur du plan de Vérité, l’homme doit s’élever jusqu’au Supramental. Ce dernier plan n’appartient pas au monde créé, mais le contient. Participant de l’Un, il en a les attributs : délice d’Existence, délice de Conscience, délice de Force ou de Volonté. C’est le plan encore inoccupé dans la création, le chaînon manquant, le plan de l’Homme.
Il ne semble pas nécessaire dans le cadre de ce chapitre de s’attarder plus avant à décrire le plan Supramental. Nous en dirons quelques mots de plus à la fin de cet ouvrage, lorsque nous aborderons le « mental des cellules ».
Pour clore cette description, il faut rappeler que l’évolution est un fait de nature dont aucune étape ne peut être évitée. Chacune doit être développée au maximum de ses possibilités et chaque émergence sur un palier supérieur suppose l’intégration du plan précédent dans l’énergie et la conscience naissante du plan suivant. Le processus général de cette évolution est donc une succession de mouvements d’ascension/intégration.
Plouto et Calypso
Deux autres enfants d’Atlas méritent d’être mentionnés.
Plouto « la richesse », la mère de Tantale, selon Pausanias, par son union avec Zeus. Le surmental (Zeus), œuvrant à combler le manque (en s’identifiant à Plouto) génère tout d’abord une aspiration, une « soif » insatiable.
Calypso « Καλυψω, celle qui cache et enveloppe », fille d’Atlas selon Homère. Amoureuse, elle retint Ulysse sur son île pendant sept longues années. Cette histoire fait référence aux longues périodes de maturation qui jalonnent le chemin. Nous retrouverons Calypso dans l’étude de l’Odyssée.
PROMETHEE
Deux grandes lignées sont issues de Deucalion, fils de Prométhée, l’une par Hellen, l’autre par Protogénie.
La première, issue d’un personnage masculin, illustre une progression où la personnalité œuvre activement pour atteindre l’éveil. La seconde, issue d’une femme, exprime davantage la complète soumission au Réel des aventuriers de la conscience.
Les enfants d’Hellen
-Éole (Aiolos)
Dans la mythologie primitive, Hellen n’eut qu’un seul enfant, Éole, que lui donna la nymphe Orséis. Cet Éole ne doit pas être confondu avec le roi des vents que nous verrons plus loin.
Hellen représente les chercheurs qui œuvrent à la « libération » afin de réaliser « l’éveil » (Orséis), et même ceux qui commencent à « s’éveiller ». Le nom Hellen signifie en effet « une évolution vers une grande liberté, ΛΛ+Ν ». S’il est réservé chez Homère aux chercheurs, il désigna par la suite l’ensemble des Grecs.
Il régnait en Thessalie et en Magnésie, dans les provinces de « la quête intérieure » et de « l’aspiration ».
Éole signifie « celui qui est toujours en mouvement », ce qui constitue la meilleure définition d’un chercheur de vérité, a fortiori d’un initié. Selon les lettres structurantes, il est aussi « celui qui marche vers la liberté ou l’unité en conscience ».
Il s’est uni à Énarété, orientant le chemin vers « ce par quoi on excelle », ou encore, vers « les qualités du corps, de l’âme ou de l’intelligence ». Celle-ci est la fille de Déimachos, celui qui « tue le combat », que l’on peut comprendre comme celui qui cesse de donner la priorité à la lutte contre ses imperfections. Cette description d’Énarété correspond à l’une des grandes recommandations du chemin spirituel : insister sur le renforcement du meilleur en soi plutôt que sur la lutte contre l’ombre et ce que l’on considère comme le mauvais. Ce travail se fait en privilégiant éventuellement l’un ou l’autre des trois plans, selon sa propre nature, et donc dans l’une des directions du yoga : yoga des œuvres, de la dévotion ou de la connaissance.
Le couple Éole-Énarété eut sept fils et cinq filles dont les descendances décrivent les expériences du chemin juste. Ils seront abordés dans les prochains chapitres. Nous ne ferons ici que les citer, en joignant une indication succincte du travail correspondant :
Les sept fils, tels qu’indiqués par Apollodore, sont cités ici dans l’ordre de succession le plus probable (nous examinerons les incertitudes concernant cette liste dans un chapitre ultérieur) :
– Sisyphe : la voie de l’effort et la lutte contre les illusions (la victoire est remportée par son petit-fils Bellérophon).
– Athamas : les premiers contacts avec l’être psychique et l’évolution vers la rectitude ou l’intégrité.
– Magnès : l’aspiration, préalable à la victoire sur la peur.
– Salmonée : une phase dans laquelle l’ego conduit dans une impasse d’orgueil spirituel.
– Créthée : les résultats du travail intérieur et la première grande expérience spirituelle
– Périères : le mouvement juste.
– Déion : la conscience unie.
Les cinq filles, représentant des « buts » vers lesquels doit tendre le chercheur, ne semblent pas alterner avec les fils selon la gamme chromatique bien que cette organisation soit séduisante, mais se situer vers la fin du parcours. Nous possédons toutefois trop peu d’éléments pour les situer avec certitude.
Nous avons parlé d’Alcyoné un peu plus haut, car elle s’unit à Céyx, le fils d’Éosphoros.
– Canacé : elle est la mère des Aloades qui combattirent Zeus à une période avancée de la quête.
– Pisidicé : celle qui est convaincue du mouvement juste et oriente la quête vers « les petites choses ».
– Périmèlé : tout ce qui concerne la connaissance.
– Calycé : bouton de fleur, ou bourgeon : ce qui est en germe dans l’humanité la plus avancée.
Il existe deux ou trois Éoles homonymes que certains auteurs anciens ont eu tendance à confondre. Nous ne citerons ici que celui qui est mentionné par Homère dans l’Odyssée. Ulysse aborde sur son île, « une île flottante tout entière enclose d’un mur de bronze indestructible. Zeus lui avait confié la garde des vents mugissants qu’il apaisait ou excitait à son gré. Il avait eu six fils et six filles qu’il avait données pour épouses à ses fils et leur vie était un continuel festoiement dans une totale abondance, harmonie et pureté. »
Cet Éole est, dans le présent mythe, le fils d’Hippotès « le maître du vital » ou « le pouvoir sur les forces de vie ». Il symbolise donc la « libération vitale » qui donne la maîtrise sur les énergies de vie. C’est à ce titre qu’il est maître des vents ou « souffles puissants ». C’est l’environnement d’Éole qui nous en donne la clef : ses douze enfants mariés entre eux évoquent en effet le Qi chinois, assez semblable au Prana indien et peut-être aussi à l’animus grec.
En effet, les « souffles » chinois circulent dans douze méridiens, six yin et six yang qui fonctionnent par couples (poumons/gros intestin, etc.), tout comme ici les enfants d’Éole « maître des souffles ». De plus, il est dit que le Qi préexiste à la dualité, raison pour laquelle « Éole est cher aux dieux immortels ». L’art de la maîtrise des souffles est le Dao Yin ou Qi Gong.
Le siège du gouvernement de ces souffles vitaux est situé dans une « structure » à la frontière du vital, sans ancrage dans le corps (une île flottante). La maîtrise des souffles est donc accessible par un travail à la racine du vital. En abordant l’île d’Éole, Ulysse est donc parvenu symboliquement au point où il peut obtenir le pouvoir sur ces énergies de vie fondamentales.
Les autres enfants d’Hellen (Doriens, Achéens et Ioniens)
Il semblerait que les quatre principaux peuples Hellènes nommés dans l’Iliade, à savoir les Éoliens, les Doriens, les Achéens et les Ioniens, n’aient été introduits dans la descendance d’Hellen qu’au début de notre ère. Les personnages qui les représentent n’ont donc pas d’histoire propre.
Selon la compréhension courante, ces tribus caractérisaient indifféremment chez Homère l’ensemble des Grecs combattant contre les Troyens. Toutefois dans l’interprétation proposée ici, leurs noms ne sont pas totalement équivalents et désignent, selon le moment du mythe où ils sont utilisés, l’un ou l’autre aspect de la recherche qui doit être prioritaire. Pour des raisons pratiques de présentation des arbres généalogiques, la descendance active (du point de vue mythologique) a été regroupée sous le seul nom d’Éole, « celui qui est toujours en mouvement » ou celui qui marche vers « la libération ». (Cf. Planche 7)
Les trois autres peuplades ont été organisées en deux branches.
D’un côté, on trouve Doros « le don de soi » ou encore « le juste mouvement vers l’union (avec oméga, tourné vers l’incarnation) ». Il eut un fils Aigimios « le plus haut degré de consécration (auquel puisse prétendre la personnalité)», héros qui intervient dans les toutes dernières campagnes d’Héraclès.
De l’autre, figure Xouthos « jaune d’or, clair » ou avec les lettres structurantes « celui qui descend en lui-même ». Il s’unit à Creuse (Créousa) « l’incarnation » fille du roi d’Athènes Érechthée, lequel marque l’entrée définitive dans la quête et le moment où le chercheur n’est plus dominé par la peur dans sa relation au Divin (le père d’Érechthée est Pandion « celui qui donne tout à l’union » et sa mère Zeuxippé « le dieu-cheval » ou dieu-force).
Creuse donna à Xouthos deux fils Achaios et Ion. Achaios « la concentration » ou « le chemin vers le vide » exprime un rassemblement de la conscience ou une évolution vers l’immobilité et la vacuité intérieure, et Ion « une évolution de la conscience » qui, avec l’oméga inclus dans son nom, s’ouvre vers la matière. Il eut aussi une fille, Diomédé « celle qui a pour dessein le Divin », qui s’unit à son cousin germain Déion, l’ancêtre d’Ulysse.
Les enfants de Protogénie
Tandis que la descendance d’Hellen relate les expériences à la portée des chercheurs « ordinaires », celle de Protogénie illustre celles de « ceux qui marchent devant », les initiés les plus avancés, ceux qui sont parvenus au stade du dernier enfant d’Éole, Déion, symbole de « ceux qui ont réalisé l’union » en l’esprit.
Cette branche s’ouvre sur un chercheur animé d’un puissant « feu intérieur » (Aéthlios), œuvrant pour l’humanité future – sa femme est « Calyce, le bouton de fleur » (psychique) et se poursuit jusqu’à « l’ivresse divine » (Œnée) et le « détachement total » (Déjanire).
Nous y rencontrerons aussi Léda, (mère d’Hélène, Clytemnestre, Castor et Pollux), Méléagre (celui qui réussit à maîtriser les énergies les plus archaïques par « la chasse au sanglier de Calydon ») et Diomède (l’un des grands héros de la guerre de Troie).
Les enfants de Deucalion de moindre importance
Selon le Catalogue des Femmes, Deucalion aurait eu d’autres enfants que nous pourrions interpréter sous toutes réserves comme suit :
une fille, Pandore, « le don de soi ». Elle fut, par son union avec Zeus, la mère de Grec « d’anciennes ouvertures de conscience », l’ancêtre de tous les Grecs. Cette dénomination des habitants de l’ancienne Grèce est tardive, mentionnée pour la première fois par Aristote au quatrième siècle avant J.-C. Cette histoire résume la mise en route du chercheur : l’aspiration de celui qui appelle l’union (Deucalion) – l’engageant dans une sévère purification émotionnelle (le déluge de Deucalion) -, tournée vers le feu de l’Esprit (Pyrrha), ouvre sur « un don de soi » qui, au contact du surmental, réveille et nourrit les mémoires des expériences spirituelles du passé. Autrement dit, la quête est une continuité par-delà les vies.
Une fille Théia « la divine » ou Thuia « la conscience intérieure » qui fut l’amante de Zeus et lui donna un fils Magnes « l’aspiration » : cette légende confirme celle de sa sœur ci-dessus.
Un fils Amphictyon, « ce qui concerne les fondations » ou « tout ce qui a trait à l’ouverture aux mondes supérieurs » ou à « l’élargissement de la conscience ». Il est le fondateur de la ligue religieuse (amphictyonie) qui avait pour sanctuaire le temple d’Apollon à Delphes et celui de Déméter à Anthéla : les « bases » du chemin devaient être assimilées à ce stade pour qui voulait s’engager dans la quête de liberté, dont les étapes seraient illustrées dans la descendance de son frère Hellen. Cela impliquerait, avec Déméter, un travail de « connaissance de soi » et avec Apollon, une recherche de contact avec l’être psychique.