Crios uni à Eurybia exprime les forces par lesquelles s’accomplit le mouvement divin de retour vers l’origine (ΚΡ+Ι). Dans sa descendance figurent les quatre grands vents Eurus, Notos, Zéphyr et Borée, ainsi que la déesse Hécate.
Voir Arbre Généalogique 6
Hécate tenant deux torches et dansant devant un autel – British Museum
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Ici, l’épouse du Titan n’est pas l’une de ses sœurs, une Titanide, mais une fille de Pontos (la Vie) se nommant Eurybia (ou Eurybié) « vaste force », le plan le plus élevé du vital. Il y a donc tout lieu de penser que cette union est temporaire et travaille à dynamiser le mouvement de retour. Lorsque ces forces chargées de reconnecter la totalité de notre être à sa source divine auront rempli leur but, successivement sur les plans du mental et du vital, Crios retrouvera son épouse légitime, probablement la Titanide Thémis, « la loi Divine ».
Le couple eut trois fils, Astraéos, Persès et Pallas (cf. Planche 6).
Le premier, Astraéos (étoilé), s’unissant à la déesse Éos « le déesse de l’aurore (le Nouveau) », est à l’origine des « lumières divines » (ou prises de conscience) que sont les « étoiles », et des « aides divines » que sont les quatre grands « vents », sur le chemin du retour à l’Unité.
Le second, Pallas « la force qui aide à établir la libération totale (esprit et nature) », par son union avec Styx « réalisation d’une intégrité totale », évoque les puissances qui deviendront disponibles à l’homme lorsque la réunion corps-esprit sera effective.
Enfin, Persès « la puissance de transformation », par son union avec Astéria « une infinité de points lumineux (étoilée) », décrit la multitude de transformations requises pour parfaire cette évolution, permettant l’influence progressive de la déesse Hécate « celle qui vise des buts lointains » ou « celle qui est hors de l’aveuglement de l’esprit », la divinité qui doit régner sur l’avenir de l’humanité.
Astraéos (Astraios)
Astraéos, s’unissant à la déesse de l’aurore Éos, représente l’action d’une multitude d’états de conscience lumineux (conscience étoilée, points de matière-lumière) qui doivent conduire vers l’éternel Nouveau, Éos, par la maturation de l’être psychique. Leurs enfants sont donc « les aides spirituelles » qui permettent la croissance de ce dernier. Les anciens les ont classées en deux catégories, les « étoiles » et les « vents ». Ce sont respectivement les aides passives et actives de l’Absolu : les « étoiles » guident l’homme qui aspire, les vents le « bousculent » ou le « soutiennent » selon les nécessités de son évolution. Ces derniers ont été très tôt « anthropomorphisés » dans l’Église chrétienne encore imprégnée de culture grecque. Les théologiens les nommèrent « anges », du grec αγγελος, mot qui signifie « messager » mais ils gardèrent parfois l’image grecque des vents pour décrire ces forces.
Ce sont les vents des quatre points cardinaux symboliques : Borée le vent du Nord, Notos le vent du Sud, Euros (ou Eurus) le vent d’Est et Zéphyr le vent d’Ouest.
Ils ont chacun une tâche spécifique correspondant à cette direction symbolique, intervenant fréquemment dans les récits de la quête de la Toison d’or, de l’Iliade et de l’Odyssée, pour aider, stimuler ou entraver de façon salutaire le cheminement des héros. Ils indiquent la « tendance » de la phase correspondante, les aides que le chercheur reçoit ou les obstacles qu’il doit surmonter.
Comme leur tâche est tout autant de soutenir que de redresser les erreurs, leurs manifestations tumultueuses peuvent sembler rudes au chercheur. Le plus souvent, ce sera Poséidon, le dieu du subconscient qui, réactivant des nœuds émotionnels, soulèvera ces vents en bourrasques ou en tempêtes contre les héros.
Il ne faut pas les confondre avec la multitude des vents mineurs, redoutables et nocifs, qui mettent en péril les marins, détruisent les moissons et qui eux sont issus de Typhon « l’ignorance » (cf. Typhon au chapitre 3). Ces vents nocifs sont les manifestations de surface que Typhon, vaincu par Zeus, anime depuis le Tartare. L’homme inconscient, ils le malmènent au gré des forces de la nature, et le tirent vers le bas.
Il y a donc lutte entre les quatre grands vents « sollicités » par l’âme et ceux qui s’opposent à l’évolution de toute leur forces et maintiennent sous leur joug la presque totalité de l’espèce humaine.
Il n’est pas très facile de déterminer précisément les caractéristiques de ces grands vents car les anciens semblent les avoir décrits chacun selon leur expérience propre. Nous resterons ici au plus près du texte d’Homère qui, selon les étapes du chemin, faisant varier leur intensité de la douce brise à la tempête, voulut donner une « impression » générale de la difficulté du passage considéré. Toutefois, la force appliquée (par l’Absolu) est proportionnelle à la résistance. D’autre part, la perception que chacun peut en avoir est variable, selon sa nature et sa progression dans un domaine particulier.
Borée
Borée enlevant Oreithyia – Musée du Louvre
Borée est le vent du Nord, froid et sec. La saison qui le caractérise est l’hiver.
C’est le vent de l’ascèse spirituelle. Sa terre d’élection est la Thrace, la province située le plus au Nord de la Grèce et considérée comme le pays froid par excellence. Avec les lettres structurantes de son nom, Β+Ρ, il représente la force qui accompagne le processus d’incarnation (Β), en accord avec le mouvement divin (Ρ).
« Vent » de l’ascèse, il est longtemps celui de l’effort. Effort qui peut être excessif et égarer le chercheur. Aussi rencontre-t-on en Thrace les déviances d’une ascèse mal conduite ou trop violente. Comme Diomède le Thrace « celui dont la pensée est tournée vers le Divin», qui nourrissait ses chevaux de chair humaine et qu’Héraclès devra affronter dans son huitième travail.
Mais l’effort spirituel bien conduit peut générer des résultats extraordinaires, en particulier en élevant les vibrations du vital : selon Homère, Borée, transformé en un cheval aux crins d’azur, couvrit les juments d’Érichthonios qui eurent de lui douze pouliches. Celles-ci couraient sur les épis de blé sans les courber et parcouraient le large dos de la mer sur la cime des vagues.
Érichthonios est l’un des premiers rois d’Athènes. Il gouverne donc les débuts de la quête. Durant cette période, le chercheur est conduit à apaiser ses réactions émotionnelles afin que les somatisations soient réduites au minimum. Mettant son mental le plus élevé et purifié à contribution (crinière bleue), ni il abîme les fruits de son travail, ni ne se laisse troubler par les remous émotionnels ou vitaux.
Dans un passage de Pausanias, Borée a des serpents à la place des pieds, ce qui exprime sa contribution à l’évolution de la matière dans l’incarnation.
Il s’unit à une fille du roi d’Athènes (Érechthée) nommée Orythie, « celle qui s’élance impétueusement sur la montagne (la montagne est le symbole du chemin spirituel) ». Cette union apporte à l’ascèse une ardeur d’élévation et d’aspiration.
Comme on le verra, les rois d’Athènes « dirigent » la construction de l’être intérieur, l’être psychique. Érechthée est le septième roi, un fils de Pandion « celui qui s’est donné totalement à la Vérité (ou à l’union en conscience Pan+ΔΙ) », c’est-à-dire un chercheur relativement avancé sur le chemin.
De son union avec Orythie naquirent deux enfants, Calaïs « l’aspiration (de la racine καλ appeler, + I)» et Zétès « celui qui cherche, qui s’efforce (issu de Ζητεω) ». Ils représentent les bases de la quête, l’une issue du psychique, l’autre plus volontaire. Nous retrouverons ces deux personnages à de maintes occasions. Ils sont surtout célèbres pour avoir poursuivi très longtemps les Harpies lors de la quête de la Toison d’Or.
Orythie donna aussi deux filles à Borée, Chioné « d’une blancheur de neige » ou « l’évolution de la concentration de la conscience » et Cléopâtre, « les célèbres ancêtres (réalisations passées) ».
Chioné eut de Poséidon un fils Eumolpos « un chant qui sonne juste », c’est-à-dire « une façon d’être harmonieuse ». Alors qu’elle venait d’accoucher, Chioné jeta l’enfant à la mer car elle craignait la colère de son propre père Borée, mais Poséidon récupéra l’enfant : ainsi, alors que la quête est bien engagée et porte déjà des fruits, parvient à la conscience la possibilité d’une « voie ensoleillée », Eumolpos « une façon d’être harmonieuse » (résultat d’une purification obtenue par le rassemblement de la conscience alliée à des forces subconscientes représentées par Poséidon). Mais le chercheur, encore trop crispé dans son effort personnel, ne peut intégrer à son ascèse la détente qu’elle représente. Cette voie de juste équilibre doit patienter dans le subconscient avant de pouvoir s’imposer.
On ne s’étonnera donc pas que dans nombre de traditions Eumolpos soit lié aux mystères d’Éleusis auxquels il initia Héraclès après l’avoir purifié du meurtre des Centaures.
Certains disent qu’Apollon passait l’hiver en Hyperborée, c’est-à-dire dans la contrée « au-delà de l’ascèse » : c’est le moment où l’effort n’est plus nécessaire car le yoga est pris en mains par l’être psychique. Nous avons vu qu’en ce pays « règne le printemps perpétuel et que les choses n’ont pas d’ombre » : c’est le lieu de l’éternel Nouveau hors dualité.
L’incarnation et l’aspiration, caractéristiques de Borée, peuvent sembler antinomiques. Mais l’opposition ne se manifeste que dans la voie qui rejette la possibilité de transformation des plans inférieurs, la voie Troyenne, ou dans celle du matérialisme qui nie toute réalité aux mondes de l’esprit.
Notos
Notos est le vent du Sud, réputé malsain. Selon l’Iliade « il enveloppe les hauteurs de la montagne d’un brouillard odieux au berger, mais que le voleur préfère à la nuit ». Il est tout aussi dangereux pour les marins.
Il représente donc une force qui masque autant le but que le chemin et favorise les obstacles afin que le chercheur conquière sa liberté. Son domaine d’action s’étend du plan vital jusqu’aux plus hauts niveaux du mental spiritualisé, c’est-à-dire tout au long de la quête. C’est le symbole d’une confusion, mais une confusion nécessairement salutaire, car Notos est un fils d’Éos et Astraeos.
Selon les lettres structurantes de son nom, Ν+Τ, il démontre une force d’aspiration, qui, en excès, peut conduire vers une trop forte propension à la désincarnation en apportant la confusion mentale. Il est à la fois l’opposé et le complémentaire de Borée.
Eurus
Eurus (ou Euros) est le vent d’Est. Symboliquement, il est donc porteur des forces de renouvellement : le symbolisme de l’Est est en effet celui lié au soleil levant, à une nouvelle journée.
Son nom comporte la même lettre structurante Rho que ceux d’Éros, Rhéa et Héra, celle du « juste mouvement ». Il signifie « qui coule bien ».
Homère nous dit « qu’il fait fondre la neige que le Zéphyr a accumulé » annonçant ainsi le printemps. Il associe souvent aussi l’Eurus et le Notos, « qu’ils unissent leurs souffles ou qu’ils s’opposent ». Il s’agit dans ce dernier cas d’un combat entre la confusion, le Notos, et ce qui pousse au nouveau, l’Eurus.
Comme il souffle vers l’Ouest, il oblige aussi à examiner le passé et ses blocages.
Zéphyr
Zéphyr est le vent d’Ouest. Chez Homère, il soulève « la violence des tempêtes d’automne qui font tomber les feuilles et les branches mortes ». Pour Hésiode « il éclaircit le ciel ». Son nom pourrait signifier « détremper de haut en bas ». C’est donc une force de purification agissant comme partenaire d’Eurus en « nettoyant » le passé.
Il donna à la Harpye Podargé les célèbres chevaux d’Achille, Xanthos et Balios, immortels et doués de parole.
Rappelons que les Harpyes (enfants de Thaumas, lui-même deuxième fils de Pontos, la Vie), réputées extrêmement rapides, sont les symboles de l’homéostasie (retour à l’équilibre) ou à l’inverse des renversements d’équilibre, à la racine de la vie dans ses débuts de mentalisation (ce sont des êtres ailés mais non des oiseaux). Ces variations d’états sont si rapides que la conscience ne peut que très difficilement les prendre en compte. La Harpye Podargé « celle aux pieds clairs » est celui de ces mouvements qui est lumineux, en accord avec la vérité dans la matière (retour au mouvement cellulaire vrai).
Et donc l’union d’une puissance spirituelle de purification, Zéphyr, et du mouvement juste à la racine du vital, Podargé, transforme l’énergie vitale en profondeur, la rendant « jaune doré (Xanthos) » et « rapide et libre (Balios) ».
Si ces chevaux sont immortels, c’est qu’une fois acquise, cette réalisation appartenant au monde de la non-dualité ne peut plus disparaître.
S’ils sont doués de parole, c’est que le chercheur est conscient de tous les mouvements de son vital jusque dans les niveaux les plus profonds. Cette prise de conscience est le développement logique du travail qu’il doit accomplir pour être au courant de tout ce qui se passe en lui, en commençant par les niveaux superficiels de la pensée, des émotions et des sentiments. Plus le travail s’affine, plus il concerne les processus archaïques et très rapides de la vie et de la matière. On imagine facilement que ces accomplissements appartiennent à des phases très avancées du yoga : non seulement il faut être capable de déceler ces transformations extrêmement fugitives (elles sont incomparablement plus rapides que ce dont nous avons conscience d’ordinaire) mais il faut aussi être capable d’agir sur elles, d’en obtenir la maîtrise.
Pour illustrer l’action des vents, citons Achille priant Zéphyr et Borée de souffler sur le bûcher funéraire de Patrocle qu’il ne parvient pas à enflammer : le chercheur est obligé de solliciter ces vents (ces aides divines ou anges) pour se débarrasser de toutes traces de l’emprise de ses réalisations passées (Patrocle), même quand ces dernières ne reçoivent plus son adhésion consciente (l’âme de Patrocle est déjà chez Hadès). C’est donc une purification que le chercheur ne peut réaliser par ses seules forces.
Éosphoros
Aux quatre vents générés par le couple Astraeos-Éos, Hésiode ajoute « les astres étincelants ». Ce sont des guides, des points de repère, des moments où, comme le dit Satprem « ça existe », des instants fugitifs d’absolue présence, avec la sensation intense, légère et joyeuse que tout est parfaitement à sa place.
Hésiode réserve une place particulière au plus remarquable de ces astres, Éosphoros « le messager de l’aurore » (aussi nommé Phosphoros « le porteur de lumière », Lucifer chez les latins), car il précède le lever du soleil. Il est annonciateur du contact avec l’âme d’où sa prééminence sur les autres étoiles. (Cette fonction annonciatrice du soleil a entraîné l’identification abusive d’Éosphoros à Vénus, « étoile du matin » lorsqu’elle précède le soleil à son lever et « étoile du soir » lorsqu’elle le suit à son coucher.)
Mais une interprétation abusive des théologiens chrétiens transforma Éosphoros « le porteur de lumière », en Lucifer, une puissance des ténèbres. En effet, lui qui est porteur de la lumière divine de toute éternité fut progressivement identifié à Satan ou au Diable, ange déchu qui de par sa révolte contre Dieu devint le Prince des Ténèbres.
Il faudrait une très longue exégèse pour mettre à jour les glissements successifs opérés à partir du passage d’Isaïe « Comment es-tu tombé du ciel, étoile du matin, fils de l’Aurore ? », et de celui d’Ézéchiel dans lequel l’épithète de Chérubin est donnée au roi de Tyr. Nous nous bornerons ici à suggérer quelques pistes qui permettent de les comprendre.
Dans les mythes, les « vents » et les « étoiles » sont appelés « messagers » αγγελος. Mais comme nous venons de le voir, ces messagers comprenaient à la fois les étoiles et les vents divins et non les vents mauvais, enfants de Typhon l’ignorance. Cette distinction entre les vents se serait perdue progressivement et Éosphoros, l’un des grands αγγελος, aurait été assimilé par erreur ou intentionnellement à un vent mauvais.
Pour étayer cette dérive du sens des mythes originels, certains théologiens auraient alors construit de toutes pièces le mythe de « la révolte des anges », récit qui fut définitivement incorporé dans les dogmes au Moyen-âge. Lucifer (le porteur de lumière), le Dragon ou le Serpent (la force évolutive), et Satan (la puissance d’incarnation) devenaient un seul et même être, le diable (de dia-bolein, ce qui divise) origine du mal.
Éosphoros eut pour fils Céyx, expression de « la nouvelle lumière ».
Céyx s’unit à Alcyoné l’une des filles d’Éole. Ils s’appelaient l’un l’autre Zeus et Héra, ce qui souleva la colère du roi des dieux qui les changea en deux oiseaux, Alcyoné en Halcyon, et Céyx en oiseau de mer, le Céyx.
Le nom Céyx (Κηυξ, Κ+Ξ) pourrait signifier « une conscience qui s’ouvre à l’équivalence de l’Esprit et de la Matière ». Il représente un stade avancé de la quête, proche du surmental. Zeus permit que ces processus de conscience, aux frontières du vital et du corps, soient mentalisés (transformés en oiseaux).
Pallas-Styx
Le deuxième fils du Titan Crios, Pallas, s’unit à l’aînée des filles du Titan Océanos, Styx.
Pallas et Styx engendrèrent Zèlos, Niké, Cratos et Bia. Lorsqu’éclata la guerre des dieux contre les Titans, Océanos demanda à sa fille aînée, Styx, de conduire ses enfants auprès de Zeus afin qu’ils lui apportent leur concours. Depuis lors, aucun d’eux ne peut se manifester ni se diriger hors la présence de Zeus.
Tandis que les enfants d’Astraéos évoquent « les aides divines », ceux de Pallas représentent le but des âmes, l’union de l’Être psychique (ayant terminé sa croissance) et de la personnalité purifiée et libre. Lorsque cette union sera accomplie, lorsque Styx (fleuve frontière du royaume souterrain) sera « intégrée », alors l’Homme, ayant uni inconscient corporel et conscient, disposera des « qualités et pouvoirs divins » à savoir :
– Zèlos : le zèle jaloux (de celui qui est exclusivement consacré au Divin), l’ardeur, l’enthousiasme (transport divin).
– Niké : la victoire divine (dans l’incarnation, car la Déesse qui porte ce nom a de jolis pieds).
– Cratos : le pouvoir (issu de l’Esprit).
– Bia : la force (de la conscience de l’Absolu dans l’incarnation).
Dans l’homme actuel qui vit sur les plans inférieurs du mental, ces qualités et pouvoirs divins sont bien sûr très fortement atténués, car ils ne trouvent aucun point d’appui pour s’exprimer hors le mental conscient. L’homme ne peut en disposer qu’au niveau du surmental car « aucun d’eux ne pouvait se manifester ni se diriger hors la présence de Zeus ».
Persès-Astéria, et leur fille Hécate
Persès, le troisième fils de Crios s’unit à Astéria, la sœur de Léto. (Ce Perses ne doit pas être confondu avec ses éponymes, le frère d’Aiétès, roi de Colchide, et le fils de Persée.) Les relations entre les trois frères, Astraéos, Pallas et Persès peuvent se concevoir comme suit : avec l’appui des « aides divines » (les grands vents) données par Astraéos, Persès offre les moyens de la « ré-union » annoncée par Pallas, soit le processus de destruction-transformation qui a pour objet une infinité de prises de conscience lumineuses, « Astéria ».
Persès et Astéria donnèrent naissance à la très mystérieuse Hécate honorée entre toutes les déesses. Elle reçut de Zeus plus d’honneurs et de privilèges que les autres dieux : elle avait sa part d’autorité, nous dit Hésiode, sur la terre et la mer stérile, et même aussi sur le ciel étoilé, part qui lui revenait déjà dès l’origine, sous le règne des Titans. A celui qui l’implorait, elle prodiguait la richesse ou la gloire, son soutien et son secours, mais elle pouvait tout aussi bien priver un autre d’un bien entraperçu, si tel était son désir. Avec Hermès, elle multipliait les troupeaux mais pouvait aussi comme il lui plaisait les diminuer. Zeus lui confia la protection des jeunes hommes qui, grâce à elle, avaient vu la lumière de l’aurore qui tient mille choses sous son regard.
Hécate symbolise donc une force de transformation (issue de Persès) agissant en vue de l’établissement de la lumière de Vérité (Astéria). Elle veille particulièrement sur les chercheurs (les jeunes hommes) qui ont eu une première expérience de cette lumière, un premier aperçu de l’Unité de toutes choses.
Pour l’ensemble de l’humanité elle reste une divinité du futur. Son action est en effet subordonnée au fait de considérer tous les évènements de la vie à la lumière de la volonté de perfectionnement de soi et dans une perspective holistique (« l’aurore qui tient mille choses sous son regard »).
Cette force agit sur tous les plans de l’être, dans le corps, le vital et le mental de l’homme (« elle avait sa part d’autorité sur la terre et la mer stérile, et même aussi sur le ciel étoilé ») alors que généralement les autres dieux agissent chacun dans un domaine particulier. De plus, elle était présente avant même que ne prenne forme la conscience humaine réflexive (au temps des Titans), et donc elle agit dans tous les règnes.
Elle est l’émissaire de la Conscience de Vérité (supramentale) et le chercheur prend conscience de son action au fur et à mesure de sa progression.
Avec Hermès, la puissance d’aspiration et de connaissance surmentale, elle travaille à accroître les dons spirituels (avec Hermès, elle multipliait les troupeaux…) mais peut tout aussi bien en priver le chercheur pour peu que cela soit nécessaire à son évolution (…mais pouvait aussi, comme il lui plaisait, les diminuer).
S’adresser à Hécate, c’est vouloir « progresser en Vérité », et l’âme reçoit automatiquement la réponse qui n’est pas toujours conforme à la volonté de l’ego : elle répondait aux prières qu’on lui adressait et accordait ce qu’on lui demandait, selon son bon vouloir.
Son nom peut avoir de multiples significations selon les racines envisagées : soit « celle qui frappe au loin (dans le temps, ou sur un plan plus élevé) », c’est-à-dire une réalisation lointaine ; soit « celle qui est hors de l’erreur, de l’aveuglement de l’esprit » ou encore le chiffre « cent » symbole d’une complétude dans l’unité.
Hélios « panoptes, celui qui voit tout » vit Perséphone se faire enlever par Hadès, mais seule Hécate entendit ses cris : c’est-à-dire que si seule la Conscience de Vérité « qui a conscience de la totalité » (Hélios) enregistre les premiers mouvements du travail dans l’inconscient corporel, seule « la volonté de transformation » (Hécate) perçoit l’affolement ou l’inquiétude du chercheur (les cris). Et si la suite d’Hécate est composée des « ombres » de ceux qui ont subi des morts violentes ou prématurées, ou de ceux qui furent privés de sépulture (elle est « reine des fantômes ») c’est que sa présence dans la conscience du chercheur aimante les nœuds enfouis dans l’inconscient qui demandent à être traités. Autrement dit, lorsque le chercheur se rapproche d’Hécate, les « nœuds » passés qui incluent les héritages de l’évolution se présentent automatiquement à la conscience ou dans la vie pour être apaisés et dissous. Aussi, partie prenante du travail d’unification, œuvre-t-elle dans le sillage de Déméter. Elle devint donc tout naturellement l’amie de sa fille, Perséphone, la précédant et la suivant dans ses allées et venues : le travail dans l’inconscient ne peut porter ses fruits que si la nature est « transformée en vérité », aussi bien dans le travail d’investigation que celui de la remontée des expériences passées et de leur « compréhension ». Ce n’est pas une vision « totale », de très haut, comme Hélios, mais une conscience de toutes les possibilités qui s’ouvrent à chaque instant.
Elle était représentée comme une femme à trois têtes ou à trois corps, qui représentent peut-être son action dans les trois temps « passé, présent et futur », ou encore son action dans les trois plans (corps, vital et mental), conformément à ses attributions.
Elle était surnommée « Einodia », « la déesse des chemins », parfois aussi Trioditis « celle des trois chemins (ou voyages) » : c’est elle qui guidait le chercheur sur son chemin spirituel, régnant sur les trois voies spirituelles (yoga de la connaissance, yoga de la dévotion et yoga des œuvres).
Elle était aussi la divinité des carrefours (les endroits où l’âme a du mal à discerner la direction à prendre), la déesse qui protégeait dans les sentiers escarpés (les difficultés du chemin) et elle présidait aux « chemins de la nuit » (guidant l’âme dans l’obscurité).
Elle avait beaucoup d’autres surnoms, tels : Chtonia, « celle qui règne sur la monde souterrain (ou sur le corps) » ; Propylaia, « celle qui se tient devant la porte », c’est-à-dire, dans le langage des initiés, « la gardienne du seuil ».
Comme le symbolisme exact d’Hécate n’était perçu dans l’Antiquité que par un petit nombre, elle fut parfois identifiée à Artémis ou bien emprunta des traits à Déméter et Athéna, pour être enfin associée à la face sombre de la déesse lunaire lorsque sa fonction « magique » devint prépondérante.
Elle fut donc considérée tardivement comme la divinité des manifestations paranormales, de la magie et des enchantements, associée par là-même aux enfants d’Hélios, tous de grands magiciens. Ce glissement de ses attributions et caractéristiques provient du fait que les transformations à la lumière de la Conscience de Vérité, les réponses d’Hécate au suppliant, ne suivent pas les lois humaines de compréhension du monde et peuvent donc ressembler à des « miracles ». Et comme Hécate intervient aussi dans les plans du vital et du corps, ses actions peuvent être perçues comme de la « magie sacrée ». Car les pouvoirs du monde de Vérité qui sont des pouvoirs dont peut disposer l’âme individuelle lorsqu’elle est arrivée au stade d’évolution requis, relèvent encore pour l’homme ordinaire de la magie.
Un ultime glissement en fit la déesse de la sorcellerie ou Magie noire.
Thémis
Nous incluons Thémis dans l’étude du Krios car nous supposons que lorsque l’homme aura dépassé son ego, cette Titanide pourra prendre sa place légitime de partenaire de ce Titan. Il semble en effet logique d’attribuer l’autre Titanide « célibataire », Mnémosyne, « la mémoire totale », au Titan Japet, plus spécifiquement chargé du retour vers l’Origine par l’ascension des plans de conscience.
Thémis représente la « Loi divine et l’ordre » présidant à toutes choses. Elle détient l’art de la prophétie (absolue) qui connaît en Vérité. A ce titre, elle présidait les oracles anciens, parmi lesquels celui de Delphes, et enseigna à Apollon la divination, laquelle est en quelque sorte une « préparation » à la révélation de la loi divine (car il ne faut pas oublier qu’Apollon représente une faculté en croissance dans l’homme).
Son nom, formé autour de Θ et Μ, inclut les idées de « ce qui est au centre », de réceptivité et d’équilibre.
Elle est l’une des rares Titanides qui partage la vie des dieux sur l’Olympe, siégeant comme conseillère auprès de Zeus. (Si les Titans furent relégués dans le Tartare, les Titanides semblent bien avoir échappé à cet exil : en effet, si les forces de création ne sont plus perceptibles à la conscience, les « buts », eux, le restent.)
Elle fut après Métis la seconde épouse de Zeus avec lequel elle engendra les Heures – l’égalité, l’exactitude dans l’action et la pureté – et les Moires. Ces divinités ont été examinées dans la descendance de Zeus.
On dit aussi qu’elle donna à Zeus les nymphes de l’Éridan, « les courants de conscience qui œuvrent puissamment à l’Union (Ερι+Δ) ».