Son nom même le situe au plus haut niveau du monde des Titans : Hypérion est « Hyper+IΩ, la conscience la plus haute ». De plus, la lettre Oméga « ouvre » cette conscience vers la matière pour une transformation en de nouveaux états d’être. Sa partenaire Théia est « la Divine ». Son nom formé autour de la lettre thêta Θ, traduit un mouvement depuis « l’intérieur », celui par lequel Hypérion s’exprime. Leurs enfants sont Hélios (père de Phaéthon), Séléné et Éos.
Voir Arbre généalogique 4
Hélios – Pergamon Museum
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Il nous est très difficile de faire un rapprochement à ce niveau entre les concepts de la mythologie et ceux qui ont été décrits par Sri Aurobindo ou par la tradition hindoue.
Les Titans étant situés au-dessus des dieux, ils devraient donc tous être des expressions particulières du supramental. Mais il semble toutefois exister des différences de niveau, car on s’explique mal dans le cas contraire l’appellation « la conscience la plus haute » pour Hypérion.
Nous avons attribué au Titan Koios le principe de génération et croissance de l’être psychique qui se développe autour de l’étincelle divine dans l’incarnation. En effet, sa fille, la divine Léto, indique par les lettres structurantes de son nom une individuation au sommet de la conscience. Et cet être psychique évolue par la croissance de la conscience illustrées par ses enfants Apollon et Artémis. Ceux-ci sont alors les expressions du psychique destinées à passer au premier plan de l’être, « à être de plus grands dieux que les enfants d’Héra ».
L’être psychique se tenant « derrière » la personnalité de surface, il est un être central auquel nous associons Hypérion, qui se tient « au-dessus » et qui a un représentant sur chacun des plans inférieurs.
Ses enfants Hélios, Séléné et Eos appartiendraient alors au domaine de l’Être (que certains appellent le Soi), et non plus à celui du Devenir. Ils seraient respectivement des expressions de la Lumière de Vérité, du Moi vrai « non séparé » qui dans les mondes créés prend la forme initiale évolutive du « petit moi », la personnalité corps-vie-mental destinée à laisser la place au vrai MOI, et le principe animateur, le souffle qui va de l’un à l’autre, le lien qui est l’Eternel Nouveau.
Ils pourraient aussi représenter :
– un principe illuminateur, le soleil, Hélios (en résonnance avec l’Esprit)
– un principe d’action qui est aussi parfaite réceptivité au principe illuminateur : la Lune, Séléné (en résonance avec le principe de la Matière).
– un principe liant les deux précédents, le jeu divin se renouvelant sans cesse par un « éternel nouveau » : la déesse de l’aurore « aux doigts de rose », Éos, en résonance avec le principe de Joie divine, Ânanda ou Éros.
Ces trois personnages sont relativement peu présents dans les mythes car ils appartiennent à des niveaux très élevés de la conscience. A peine voit-on Héraclès, lors du dixième travail (les troupeaux de Géryon), emprunter la barque du soleil Hélios et quelque temps plus tard, incommodé par la chaleur, menacer l’astre de ses flèches. Cette familiarité avec Hélios laisse entendre que le chercheur est parvenu aux abords du supramental d’où il peut explorer les racines de l’évolution en utilisant les outils par lesquels l’âme, parvenue à un état de parfaite réceptivité (dans la barque du soleil), « connaît ».
Hélios et son fils Phaéthon
Hélios, le Soleil, serait donc le symbole du principe illuminateur de la Conscience de Vérité supramentale.
Il a souvent été confondu dans l’époque tardive avec Apollon mais il importe de les distinguer. Apollon et Artémis – lumière et force de volonté réalisatrice dans le processus de purification, détermination tendue vers le but – sont des expressions sur le plan de la conscience humaine (temporairement identifiée à l’Intelligence) de l’être psychique ou personnalité psychique car ils sont des enfants de Zeus et de Léto, c’est-à-dire de la partie divine individuée en chacun qui se construit à travers les vies.
Hélios, lui, représente la lumière de Vérité supramentale, éternelle, une avec l’Absolu.
Son nom est formé autour des deux lettres Ι et Λ qui expriment un principe d’élargissement, de « conscience totale » dans la « largeur » – Hélios est celui « qui voit tout » – et aussi d’individuation de la conscience, donc de liberté absolue dans la « profondeur ».
Hélios, « celui qui voit tout » (Panoptes), peut témoigner de n’importe quel parjure.
Lorsque les dieux se partagèrent les royaumes de la conscience, Hélios était absent. Il se fit donc attribuer une île nouvelle, très fertile, à peine émergée de la mer, « Rhodes », qu’il dessécha car elle était marécageuse, et rendit si féconde qu’il en naquit sept garçons et une fille.
Représenté comme un jeune homme d’une très grande beauté, il était comme Apollon, un archer remarquable.
Il possédait sept troupeaux de bovins et sept de moutons, chacun de cinquante têtes qui ne procréaient ni ne mouraient jamais. Phaéthousa et Lampétie, filles que lui donna Néaira (Néère), en étaient les gardiennes.
Hélios est « celui qui voit tout » donc « celui qui sait tout », car « le voyant » est aussi « l’homme de connaissance ». Connaissant tout « en vérité », il peut déceler la moindre « fausseté », y compris celle des dieux. Car ces derniers, appartenant au surmental et non au supramental, n’ont accès qu’à des vérités partielles, la « Vérité » entière n’étant accessible que dans le supramental. C’est pour cette même raison que les enfants de Léto, Apollon et Artémis, expressions de l’être psychique en devenir construit autour de l’âme, seront de plus grands dieux que les enfants d’Héra et Zeus dont l’influence est limitée aux formes mentales.
Comme Hélios appartient au plan de Vérité, c’est un dieu d’une grande beauté, selon l’association Beauté-Vérité. Et il est un remarquable archer car l’âme dans ce plan « connaît » parfaitement son but lointain, puisque c’est un domaine au-delà de ce que nous appelons le temps.
Omni-voyant (omniscient) et omniprésent, il est témoin du rapt de Coré-Perséphone par Hadès et informe Héphaïstos des amours adultérins de sa femme Aphrodite et d’Arès.
Lorsque la conscience humaine réflexive apparut et que Zeus, Poséidon et Hadès s’en partagèrent les royaumes, Hélios était absent : en effet, l’âme n’était pas encore suffisamment présente pour s’imposer car son délégué dans l’incarnation, l’être psychique formé autour de l’âme, n’était encore aux temps des Védas « pas plus gros que l’ongle d’un pouce ».
Selon Sri Aurobindo et Mère, le psychique est présent dans tout ce qui vit, bien que non individué dans les plantes et les animaux. Il y est aussi moins recouvert par le mental. Pour les êtres humains sensibles, un contact plus direct avec ces règnes est donc facilité
Tout comme les organes sont en résonance avec des forces particulières, les dieux furent mis en relation avec des noms de lieux géographiques symboliques. Rhodes fut ainsi attribuée à Hélios. Rhodos, « la rose », était pour les Grecs une représentation de l’âme, le signe d’un amour intégral pour le Réel, pur, total et irrévocable (symbolisme évident puisque l’âme est une étincelle divine, non séparée de l’Absolu).
Cet amour intégral pour le Réel représente une très bonne base dans le corps pour l’action du supramental, car c’est une île « très fertile ». Toutefois, il est d’abord nécessaire de dégager cet amour de son mélange avec le vital : Hélios dessécha l’île car elle était marécageuse.
L’union symbolique du soleil avec une île – ou avec la nymphe du même nom – et donc l’union de la lumière de Vérité et de la matière, rétablit celle primordiale Gaia-Ouranos : le supramental doit en effet réaliser l’union des deux principes (qui se sont séparés sous les effets conjugués du Tartare, de Typhon et d’Échidna) en vue de la transformation de l’homme en l’Homme, par un nouveau corps. Cette île est « nouvelle » car c’est une nouvelle matière avec laquelle doit être réalisée la jonction (la rose semble avoir aussi été un symbole de régénération).
Et les outils de la transformation, ce sont les doigts d’Éos, la « déesse aux doigts de rose », l’éternel nouveau, qui ouvre au soleil chaque matin les portes du ciel afin de permettre l’illumination de la conscience humaine.
(Selon l’historien Diodore, Rhodè, la nymphe portant le nom de l’île, fille de Poséidon selon Apollodore, donna à Hélios une fille et sept fils, les Héliades, nom aussi porté par les filles d’Hélios et de Clymène que nous verrons plus loin.)
Les troupeaux d’Hélios sont les « richesses ou dons de la lumière de Vérité ». Ils sont de même nature que celle-ci, c’est-à-dire hors du temps (éternels) et complets dès l’origine (ils ne procréent pas). Ils ne peuvent cependant être utilisés hors de la conscience lumineuse du supramental. Le chercheur est d’abord averti par des signes « étonnants » qu’il s’aventure sur un terrain dangereux, et s’il n’en tient aucun compte, il subit alors de très sévères destructions de son être. Aussi sont-ils sous la garde de Phaethousa (celle qui brille « à l’intérieur ») et Lampétie (celle qui brille « sur le plan de l’esprit ») qui, selon Homère, sont filles de Neaira « ce qui a émergé de par la quête » : c’est la conscience lumineuse de discernement acquise sur le chemin à la fois sur le plan de l’esprit et dans le cœur qui permet de se garder d’un mauvais usage de ces dons.
Après qu’Éos, l’Aurore, se fut élancée dans le ciel, Hélios le parcourait à sa suite sur un chariot de feu traîné par quatre coursiers ailés (parfois seulement deux). Le soir, en extrême Occident, il rejoignait l’océan dans lequel il se baignait avec ses chevaux. Après s’être reposé, il s’installait dans sa barque, une immense coupe qui durant la nuit, naviguant sur Océanos, le ramenait à l’Orient.
La barque du soleil navigue sur Océanos « l’océan qui entoure le monde » (chez certains auteurs sous la terre), et non sur « Pontos », ni même « Thalassa » ou « Als », c’est-à-dire sur les courants de conscience-énergie et non sur les puissances de Vie, ou la mer physique réelle.
Ce texte semble illustrer une conception géocentrique du système solaire. Mais du point de vue symbolique, le périple du soleil décrit une alternance de périodes de veille et de repos, de périodes lumineuses et sombres. Elles peuvent être assimilées soit aux périodes de proximité et d’éloignement entre le chercheur et son âme, soit, dans l’hypothèse de la réincarnation, aux phases d’incarnation, puis d’intégration durant laquelle l’âme se replie sur elle-même, dans sa « coquille », rejoignant l’Absolu.
Les mythes ne disent rien du sort des chevaux ailés lorsqu’ils ont atteint l’extrême occident, mais on peut logiquement supposer, dans cette dernière hypothèse, que c’est un nouvel attelage que reprend Hélios au matin, car la personnalité corporelle, vitale et mentale, qui « tire » l’âme pendant l’incarnation, se désagrège.
Outre Rhodè, l’épouse symbolique, Hélios eut de nombreuses liaisons dont la plus « officielle » fut celle qu’il noua avec l’océanide Perséis (ou Persé).
Celle-ci lui donna, dans la légende la plus ancienne, deux enfants, la magicienne Circé (Kirké), la puissance de vision ou de discernement de la Vérité, « la vision pénétrante qui voit dans le détail », et le roi de Colchide Aeétès (Aiétès) « celui au souffle impétueux », la conscience supérieure « qui voit la totalité » (toutes les conséquences d’une action) et tient en mains le pouvoir de réalisation dans le mental (il a la maîtrise des taureaux les plus indomptables).
Circé oblige à voir ce que l’on est et fait remonter les éléments cachés à la surface. Elle met une pression pour que tout ce qui résiste dans la nature vienne à la surface et se manifeste.
Circé « connaît » ce qui guérit (ce qui remet en harmonie, en vérité) : les initiés en ont donc fait une magicienne qui peut utiliser les pouvoirs de la nature, celui des plantes en particulier. Le « voyant » est aussi celui qui « peut ».
Lorsque se développa plus tardivement le mythe de Dédale, à ces deux enfants d’Hélios les initiés ajoutèrent Pasiphaé « la puissance de rayonnement », femme de Minos, que nous rencontrerons dans le mythe du Minotaure.
Nous retrouverons ces personnages à de nombreuses reprises ainsi que la fille d’Aiétès, la célèbre Médée.
Outre les unions précédentes, Hélios eut quelques autres liaisons qui appartiennent à des légendes peu attestées et des filiations inhabituelles, même si elles sont compréhensibles (par exemple, Pausanias fait descendre les Kharites – les Grâces Euphrosyne, Thalia et Aglaé, respectivement joie, plénitude et splendeur – d’Hélios et non de Zeus). Nous n’étudierons ici que les principales.
De Clymène « ce qui est acquis par l’entendement, ce qui est intégré », fille d’Océanos, il eut des filles, généralement au nombre de cinq, aussi nommées Héliades comme leurs frères (les fils de Rhodos), et un fils, Phaéthon, que pleurèrent les Héliades.
Phaéthon
Phaéthon est celui qui « brille au-dedans ». La légende la plus complète du mythe a été rapportée par Ovide.
Phaéthon fut élevé par sa mère l’océanide Clyméné à l’écart de son père Hélios. Épaphos, son contemporain, mit en doute sa filiation solaire. Phaéthon en demanda alors confirmation à sa mère qui lui recommanda de se rendre auprès de son père afin d’en recevoir l’assurance de sa bouche. Ce que fit Phaéthon.
Hélios, l’ayant reconnu, lui proposa d’exaucer son plus grand désir. Comme Phaéthon lui demandait de conduire son char dès le lendemain, il essaya de l’en dissuader, en affirmant que même Zeus ne pourrait jamais le faire et lui décrivit les difficultés du parcours : une route escarpée au début, des abîmes vertigineux au milieu du ciel, et une descente où l’on risquait à tout moment d’être précipité dans la mer. Il le mit en garde contre des rêveries de paysages merveilleux habités par des dieux. Puis il le prévint, quelle que fut son habileté, de la difficulté à maîtriser les chevaux, et des pièges et des figures de bêtes sauvages qu’il rencontrerait sur sa route.
Comme Phaéthon insistait, il lui céda à contrecœur, lui recommandant toutefois de ne pas s’égarer trop haut, au risque de brûler les célestes demeures, ni trop bas de crainte d’enflammer la terre, ni trop à droite au risque de rencontrer les nœuds du serpent, ni trop à gauche de peur de s’égarer dans les régions basses de l’Autel.
A peine monté sur le char, Phaéthon, trop léger, ne put maîtriser les quatre coursiers d’Hélios. Il s’égara et près du pôle glacial lâcha les rênes et réveilla le Serpent jusque-là engourdi. Des figures d’animaux monstrueux le firent trembler d’effroi. La terre s’embrasa, les villes et les montagnes brûlèrent, en tous lieux le sol fut sillonné de crevasses par où la lumière pénétra dans le Tartare, remplissant de terreur le roi du monde souterrain et son épouse.
Alors Zeus, appelé par Gaia, prit à témoin les dieux du risque de destruction encouru par le monde et foudroya Phaéthon.
Le roi Cycnos et ses sœurs les Héliades le pleurèrent.
Ce mythe est relativement tardif. Aucune mention n’en est faite avant le début de notre ère.
Différents éléments permettent d’en situer l’action dans l’une des premières phases du chemin : tout d’abord, Ovide en fait le contemporain d’Épaphos « l’attouché », un fils d’Io, l’un des tous premiers personnages dans la lignée des Inachides, celle du processus de rassemblement de la conscience. Ensuite Hygin lui donna pour père humain un Mérops qui symbolise le plan de l’intellect (Méropé est le nom de la femme de Sisyphe). Enfin, dans le mythe lui-même, la route est décrite au chercheur, y compris dans ses débuts escarpés et on le met en garde contre une vision idyllique du chemin spirituel.
Il concerne donc un chercheur déjà capable de suivre une « guidance » intérieure mais animé d’un enthousiasme vital et d’une ardeur qui doivent être « freinés ». N’étant pas certain que ses premières expériences (Épaphos) relèvent du domaine de l’âme, il en demande la preuve à l’intellect (sa mère), lequel n’est pas en mesure de le lui confirmer. Il se retourne alors vers ses « guides intérieurs » mais ne veut ni ne peut prêter l’oreille à leurs avertissements.
Il est pourtant prévenu de la difficulté de la route : un début de chemin difficile (« escarpé »), l’ascension vers les royaumes de l’esprit où l’on côtoie des abîmes (des abîmes vertigineux au milieu du ciel), et un chemin de descente dans le vital profond et le corps où l’on risque la mort à tout moment (une descente où l’on risquait à tout moment d’être précipité dans la mer). De plus, il faut tout au long affronter des forces (vitales) très difficiles à contrôler (la difficulté à maîtriser les chevaux), déjouer les illusions des paradis qui se présentent (des rêveries de paysages merveilleux habités par des dieux), et surmonter les visions d’horreur des profondeurs (des pièges et des figures de bêtes sauvages).
Il est informé que même la conscience humaine mentale la plus haute ne peut diriger l’âme (Zeus n’est pas autorisé à conduire le char du soleil) car le surmental n’a pas accès à la Vérité entière. Des consignes lui sont donc prodiguées : s’il cherche à trop s’élever, il risque de « brûler » son mental dans quelque accident psychique, et s’il descend trop bas dans le subconscient, ce sont de graves maladies corporelles qui le guettent (il ne doit pas s’égarer trop haut, au risque de brûler les célestes demeures, ni trop bas de crainte d’enflammer la terre).
Il devra éviter de réveiller les mémoires évolutives (les nœuds du Serpent) et de jouer avec les pouvoirs de la nature (les régions basses de l’Autel, lequel est dédié au grand guérisseur Chiron).
Mais le chercheur persiste dans sa volonté de décider lui-même de sa conduite, avec bien sûr, toutes les « certitudes » que lui procure sa raison. Dominé par le désir et par l’ego, il croit servir son âme (il rend grâce à son père) alors qu’il nourrit sa plus grande illusion. En pratique, il n’écoute que des « signes » qu’il interprète toujours en sa faveur et ne tient compte d’aucun des avertissements que lui donne son être intérieur. Il manque de « poids », de discernement.
C’est le corps (Gaia) qui le rappelle à l’ordre, avec un effondrement des défenses naturelles (la terre se lézarde), couplé à un sérieux coup de semonce psychique (il est foudroyé par Zeus).
Même les montagnes brûlent : la base de son expérience spirituelle est détruite. L’être psychique dont le cygne est le symbole est contrarié par ce désastre : Cyknos, « le roi Cygne » pleure, de même que ses sœurs les Héliades (les éléments réceptifs-actifs de l’être psychique).
Le réveil du « Serpent endormi » fait référence à l’éveil de la « kundalini » qui a tenu une place très importante dans les initiations du passé, lorsque les voies de la nature étaient plus abordables que celle de l’ascension/intégration.
De très nombreuses voies spirituelles, principalement en Orient, ont pour but d’accéder à l’océan de vie « le Ki » et d’éveiller la « kundalini », ce « serpent de feu » lové à la base de la colonne vertébrale, l’énergie cachée dans la matière, afin de la faire jaillir par le sommet du crâne, provoquant ainsi l’union avec le Soi, le Divin impersonnel.
Les énergies ainsi libérées à l’aide d’exercices particuliers utilisant principalement la respiration, montent à travers le corps et provoquent une explosion de la conscience dans les plans supérieurs lors d’une expérience extatique. Certains parmi les anciens pensaient que c’était la seule voie possible pour réaliser l’union du Divin involué dans la Matière et du Divin en Esprit. Lorsque cette liaison n’est pas faite, il peut y avoir de nombreuses expériences dans la matière, le vital ou les plans de l’esprit (ubiquité, guérisons, pouvoirs chamaniques…), mais aucune possibilité de transformation réelle de l’homme, à tout le moins sur le plan collectif. (En effet, seuls quelques êtres, retirés de la vie et pratiquant des ascèses extrêmement contraignantes, ont pu parvenir dans le passé à des réalisations individuelles.)
L’énergie, qui peut mettre des années à franchir les différents centres, provoque au passage différentes sortes d’éveil. Toutefois, cette activation de l’énergie depuis le bas est réputée dangereuse, soit parce qu’elle risque d’emprunter un canal latéral, (Ida ou Pingala), créant un profond déséquilibre dans les centres, soit à cause des nombreux risques de déviance résultant de son irruption en premier lieu dans les centres inférieurs, en particulier le centre sexuel. Ceci peut entraîner des chutes spirituelles, sans même évoquer les dangers pour le psychisme et le corps. Car cette énergie réveille les centres où se cachent les forces évolutives du passé, lieux de pouvoirs jouxtant des mondes où règnent des entités vitales de toutes sortes. Cette démarche requiert donc au préalable une très grande purification du vital et du mental et une stricte guidance par des maîtres eux-mêmes éveillés. Cette expérience est racontée en détail par Gopi Krishna dans son livre Kundalini, Autobiographie d’un Éveil, Editions JC Lattès, 2000. (A noter que l’auteur pense encore que c’est le seul chemin possible.)
Toutefois, cette « voie du bas » laisse inchangé le corps et le monde. C’est pourquoi ceux qui la suivaient accordaient si peu d’importance à leur transformation et ne visaient qu’à la cessation du cycle des transmigrations ou renaissances.
Sri Aurobindo déconseille vivement d’emprunter cette voie, assurant que la jonction avec le supramental, effective depuis peu sur la terre, ouvre la possibilité de transformer les plans inférieurs, sans danger aucun. Ce nouveau « yoga » permet aux énergies divines de travailler à partir du sommet de la tête et de descendre progressivement dans le corps, à la mesure de sa réceptivité pour aller à la rencontre du Divin involué dans les cellules. Il ne nécessite aucune technique, seulement une grande sincérité, un travail de purification et de libération et un abandon actif au Divin (c’est-à-dire « un don de soi » ou une « consécration »). Sur ce chemin, à partir d’un certain stade, c’est le Divin qui opère la transformation et jamais le chercheur ne reçoit plus d’énergie qu’il ne peut en supporter. Les cahiers de Satprem (Carnets d’une Apocalypse) sont édifiants à cet égard.
(On peut être tenté de rapprocher les mythes de Phaéthon et d’Icare, mais il s’agit d’expériences différentes dans la recherche spirituelle : jamais Dédale et Icare n’ont cherché à prendre la direction de l’âme, mais seulement à s’extraire d’une construction mentale destructrice et sans issue.)
Séléné
Séléné, la Lune, est une belle jeune femme qui parcourt le ciel sur un char d’argent tiré par deux chevaux.
Elle est le symbole de la lumière réfléchie dans les plans de l’esprit, un grand MOI, un état de conscience réceptif et d’exécution, symbole du féminin, qui apparaît lorsque s’efface l’ego (le « petit moi ») et reflète la lumière supramentale, celle d’Hélios le Soleil. La lune est « d’argent » et symbolise une lumière pure et intense tandis que le soleil qui incarne le supramental est d’or.
Comme très peu d’êtres sont parvenus à abolir complètement l’ego, Séléné apparaît rarement dans les mythes : le plan du Titan Hypérion est en effet un plan de perfection et sa fille représente la personnalité totalement transmutée, celle de l’Homme qui a réalisé la Liberté sur tous les plans mental, vital et physique, c’est-à-dire le transfert de la gouvernance des plans inférieurs de l’ego au Divin. Autrement dit, elle est le symbole du MOI incarné de l’Homme supramental, le symbole de la consécration totale, du parfait don de soi.
D’où, dans l’Hymne homérique à Séléné, le nom de la fille qu’elle donna à Zeus Pandeia, « Παν (tout)+Δ+Ι, celle en qui la conscience est totalement unie (au Réel) » : lorsque le plus haut niveau du mental atteint la perfection de la consécration, l’union avec le Réel est totale.
Les mythes ne nous ont laissé qu’une seule histoire concernant Séléné, celle de ses amours avec Endymion.
Endymion était un jeune homme d’une grande beauté, fils de Zeus et de Calycé. Il succéda sur le trône d’Élide à son père humain Aethlios. Séléné en tomba amoureuse. Certains disent qu’elle était si éprise qu’elle venait contempler son amant tandis qu’il dormait.
Puis Endymion tomba dans un sommeil éternel, exempté des ravages de l’âge.
Selon Apollodore, c’est lui-même qui en avait fait la demande à Zeus, lequel avait promis à Séléné de satisfaire tout désir de son amant.
(Dans une autre version, Zeus lui avait offert simplement la possibilité de choisir le lieu et le moment de l’endormissement.)
Si Séléné représente la perfection du grand MOI, Endymion en constitue l’un des degrés. Il symbolise une réalisation avancée du chemin. C’est donc dans la descendance de Protogénie « ce qui naît en avant » que nous devons le trouver. Il est en effet un petit-fils de Zeus et de celle-ci. Sa mère est Calycé, l’âme « en bouton (juste éclose) » l’une des filles d’Éole. Son père humain est Aethlios « le lutteur » et son père divin Zeus.
Comme roi d’Élide, Endymion chemine en tête sur le chemin de la Libération (Λ). Selon Apollodore, il conduisit les Éoliens chercheurs de vérité de Thessalie en Élide, de la recherche du contact intérieur (Thessalie) au travail en vue de l’union permanente (Élide). Son nom, Endymion, pourrait signifier « empli de conscience consacrée ». Il ouvre la lignée de grands héros : Œnée qui réalise « l’ivresse divine », Méléagre qui obtient la soumission du vital au yoga, Diomède qui œuvre à l’union dans le surmental, Déjanire ou l’accomplissement du parfait détachement et enfin Léda ou la réalisation de l’état de compassion (cf. Planches 9 et 10).
À ce stade, la maturation du petit moi est terminée depuis longtemps et il s’agit du transfert des plans constitutifs de cette personnalité, de la gouvernance de l’ego à celle du divin intérieur. Le sommeil éternel d’Endymion fait référence à un état totalement réceptif qui se gagne progressivement afin d’être complet (selon Pausanias, Séléné aurait eu cinquante filles avec Endymion, chiffre qui confirme une totalité dans le monde des formes). Comme le sommeil est « éternel », ce qui est acquis l’est définitivement.
Et s’il est « exempté des ravages de l’âge », c’est que la « cristallisation » ne s’opère plus, à tout le moins dans le mental et le vital : le chercheur est à tout moment « neuf », disponible et vierge devant l’instant présent.
L’ensemble des deux, sommeil et jeunesse éternels, consacrent la dissolution de l’ego.
La façon dont Endymion parvient à cette totale consécration et à la disparition de l’ego peut se produire de différentes façons, avec plus ou moins d’intervention de la volonté personnelle, ce qui explique les variantes. La dissolution de l’ego est vécue soit comme une « surprise » soit comme le résultat d’une décision.
Éos (Ηως)
Eos – Staatliche Antikensammlungen
Éos, la déesse de l’Aurore, est le symbole de l’Éternel Nouveau, fixant les rapports entre Hélios et Séléné (entre l’âme et le vrai Moi). Sa fréquentation nécessite une adaptabilité constante, une souplesse et malléabilité totales, un émerveillement incessant devant le miracle de la création en perpétuelle évolution. Tout ce qui est soumis à la force d’inertie (tamas), tout ce qui est troublé, tout ce qui fige, rigidifie, tout ce qui s’attache ou cherche à prendre, tarde ou se précipite, tout ce qui désire pour soi, (et donc croyances, opinions, désirs, préférences, habitudes…), d’une manière ou d’une autre résiste à l’avènement du Nouveau et fait obstacle à sa rencontre intérieure.
Éos se rend donc perceptible par l’action de ses enfants, les « étoiles » et les « vents », les éclats de lumière qui nous guident et les « souffles » de la Conscience Suprême qui nous malmènent ou nous soutiennent. Nous les étudierons plus loin dans ce chapitre, avec Astraéos, l’époux d’Éos et le fils du titan Crios.
Homère la nomme « la déesse aux doigts de rose » celle qui œuvre en vue de la perfection et de l’amour par la régénération. La rose est la fleur consacrée à Aphrodite et semble revêtir en partie la même signification que le lotus d’Orient. Mais surtout, cette expression indique l’extrême « délicatesse divine » dans le processus évolutif.
En grec, son nom « Ηως » ne comporte pas de consonnes. Les deux voyelles Η (hêta) et Ω (oméga) peuvent donc être considérées comme structurantes. Le hêta (Η) parle de l’Homme futur et l’oméga (Ω) de l’ouverture de la conscience vers la matière, dans le corps. Éos évoque donc le « Nouveau » qui agit pour conduire l’humanité vers « l’Homme » futur, par l’ouverture de la conscience dans la matière (Ω) et non vers les hauteurs de l’esprit. Le Nouveau doit donc être recherché au cœur des tribulations sur cette terre et non hors d’elle : le chercheur ne peut s’affranchir de sa participation au monde, à ses errances et vicissitudes.
Comme le Nouveau frappe sans cesse et sous différents modes à notre porte, c’est une déesse qui tombe constamment amoureuse, sollicitant une évolution.
Parmi ses amants il y eut Arès « le dieu de la destruction des formes », bien sûr au grand déplaisir d’Aphrodite, l’amante en titre du dieu. Cet amour est légitime si l’on considère que le nouveau ne peut apparaître dans des formes qui ne sont pas suffisamment plastiques. Une forme trop rigide doit nécessairement être brisée pour se transformer. De ce point de vue, on peut considérer l’évolution comme une suite d’assouplissements progressifs des formes et les processus de fusion-fission (sur le plan de la matière), de naissance-mort (sur le plan de la vie) et de mémoire/oubli (sur le plan du mental), comme les nécessités de la transformation. Pour cela, les cycles biologiques et ceux qui gouvernent le mental et sans doute beaucoup d’autres forces et cycles inconnus de nous, permettent d’accélérer les processus de renouvellement, le plus souvent à notre insu. Le chemin spirituel qui est un élargissement progressif et indéfini de la conscience, doit donc nécessairement permettre de rendre plastiques les différents plans afin de les rendre réceptifs à l’action divine. Rendre plastique le mental, c’est l’élargir et l’assouplir : l’élargir en lui permettant, par la purification et la maîtrise de la pensée, de considérer tous les points de vue ; l’assouplir en lui ôtant les rigidités qui proviennent des opinions, des préférences, des mélanges avec les émotions et l’imaginaire, ou qui sont générées indirectement par la peur. Rendre plastique le vital, c’est lui redonner sa capacité d’adaptation immédiate aux situations par la victoire sur la peur, l’abandon des désirs de l’ego et de tout attachement ; c’est apprendre à tout supporter sans dégoût ni déplaisir (fortification et purification des réactions nerveuses) et parvenir au détachement affectif et à l’équanimité (monde intérieur immobile quelle que soit la situation extérieure). Rendre plastique le corps, c’est supprimer toutes les peurs à la racine, faire cesser son défaitisme et la trépidation cellulaire afin de le rendre à la fois inébranlable, totalement réceptif, souple et endurant, afin qu’il puisse supporter la descente de l’énergie divine en lui (Mère décrit une énergie écrasante qui ferait exploser un corps qui ne serait pas prêt).
Le deuxième amant d’Éos fut le grand chasseur Orion, le plus beau des mortels qui peut marcher sur les eaux, symbole d’un chercheur très avancé qui a la maîtrise du vital mais n’a pas terminé la purification des profondeurs. Les dieux, désapprouvant les unions des déesses avec des mortels – il ne peut y avoir fécondation du pur (au niveau du surmental) par l’impur -, ne permirent pas que celle-ci se poursuivit et Artémis – la déesse de la purification – fut dépêchée pour tuer Orion de ses flèches. Celui-ci poursuivra alors son travail de chasseur de bêtes sauvages dans l’Hadès – dans le corps.
Mais l’amant le plus célèbre d’Éos est Tithonos, fils de Laomédon roi de Troie, et donc frère de Priam. Éos demanda à Zeus de lui conférer l’immortalité mais elle omit de mentionner la jeunesse éternelle.
Tant que Tithonos resta jeune, ils vécurent heureux aux frontières de la terre, au bord des courants de l’Océan.
Éos lui donna deux enfants, Memnon et Hémathion. Le premier fut roi des Éthiopiens et combattit comme allié des Troyens. Le second fut tué par Héraclès.
Puis, comme le temps passait, les ravages de l’âge réduisirent progressivement Tithonos à une larve qu’Éos enferma dans une chambre close où depuis il babille éternellement.
Bien que cette légende appartienne au cycle Troyen, nous la mentionnons ici car elle présente d’étroites similitudes avec celle d’Endymion, l’amant de Séléné qui obtint immortalité et jeunesse éternelle.
Tithonos est un héros Troyen et représente donc une réalisation assez avancée dans la conquête des plans de l’Esprit associée à un refus de transformation des plans inférieurs. Ce qui est conforme à son nom (Τ+Θ+Ν), lequel indique l’évolution (Ν) de la croissance intérieure (Θ) sur le plan de l’esprit (Τ). Mais c’est une réalisation qui ignore et parfois même rejette la matière.
Homère nous dit que souvent l’aurore sort du lit de Tithonos pour apporter le jour aux dieux et aux mortels : c’est-à-dire que l’aspiration au nouveau est orientée vers les plans de l’Esprit. Ce qui est « le plus avancé » sur la terre est du côté Troyen, du côté de ce fils de Laomédon, frère de Priam.
Leurs deux enfants, Memnon et Émathion, représentent respectivement « le souvenir (de l’Absolu) » ou « l’aspiration » et « une conscience qui se tient à l’intérieur ».
Éos obtint de Zeus l’immortalité pour Tithonos, c’est-à-dire que le niveau de réalisation dans la non-dualité atteint sur les plans supérieurs lui soit acquit définitivement. Mais elle « oublia » de demander qu’il conserve la jeunesse éternelle, c’est-à-dire la capacité « d’adaptation au mouvement du devenir ». Tithonos, comme l’ensemble des Troyens, refusait d’admettre que ce qui était irréalisable à une période de l’évolution humaine puisse devenir possible, et tout particulièrement ce qui sera l’enjeu de la guerre de Troie, la possibilité de transformation des plans inférieurs, soit le bas vital et le physique. Un tel refus cause un rétrécissement irrémédiable de la conscience et un enfermement (Tithonos demeura cloîtré et réduit peu à peu à l’état de larve).